Au Bénin, les centres de santé continuent de recevoir des cas de victimes de Violences basées sur le genre (Vbg), preuve que le fléau résiste encore aux différentes campagnes menées et son éradication nécessite un renforcement conséquent des efforts.
Dans presque tous les départements du pays, les centres de santé reçoivent des cas aussi difficiles que préoccupants : une fille de 6 ans violée par un adulte de 52 ans, ami de sa grande mère ; une autre de 7 ans violée par un cousin de 15 ans ; une autre encore de 14 ans apprentie couturière, retrouvée après 5 jours de séquestration par un maçon, finalement testée positive au Vih. Une adolescente revendeuse enceintée après avoir été victime de viol collectif par les garçons de rues ; ou une apprentie coiffeuse violée par un conducteur de taxi moto (zémidjan) sur le chemin et séquestrée ensuite chez un ami, etc. d’innombrables situations qui, le plus souvent, continuent de passer inaperçues. Tous ces cas se sont soldés par de graves déchirures, comme l’ont témoigné agents et parents de victimes. « Ici, nous recevons beaucoup de cas pour lesquelles la prise en charge est totalement gratuite sur réquisitions du commissariat, sur la base desquelles des certificats médicaux sont élaborés sans frais. Ensuite les officiers de police judiciaire prennent le relai », confie M. A., agent de santé à l’hôpital de zone de Calavi. Les conséquences de toutes ces formes de violences basées sur le genre sont nombreuses. On peut noter les grossesses non intentionnelles, l’abandon scolaire, les problèmes de santé. Une récente étude de l’Ong médecins du monde indique que 27.5% des adolescentes et jeunes de 15-24 ans enquêtés souffrent des troubles sexuels qui sont souvent dus aux diverses violences auxquelles ils ou elles ont été confronté(es).
Des grossesses précoces
Les grossesses précoces, non désirées ou non intentionnelles sont d’une ampleur préoccupante. Elles sont citées parmi les conséquences des violences basées sur le genre. Le système informatisé des données sur la Famille, la femme et l’enfant nouvelle génération (Sidoffe-ng) a enregistré en 2021, 1 539 cas de grossesses précoces, 708 cas de mariages précoces, 507 enfants dont 400 filles victimes d’enlèvement et de séquestration au Bénin. Ces chiffres sont sans doute encore loin en deçà de la réalité du fait que les données de cette base ne concernent que les cas reçus aux Centres de promotion sociale (Cps). Les grossesses précoces sont une menace permanente pour la scolarisation des filles : le ministère en charge de l’enseignement secondaire a enregistré 2 763 cas de grossesses sur 301 821 filles inscrites au titre de l’année 2016-2017.
Le gouvernement ne tarit pas d’initiatives
Pour faire face à cette situation de violences basées sur le genre, le gouvernement multiple des initiatives. Ainsi à travers le ministère des affaires sociales et de la microfinance, et avec l’appui des partenaires, il s’emploie à promouvoir l’intégration de l’éducation à la santé sexuelle et reproductive dans les curricula de formation en milieu scolaire. La réorganisation et restructuration de l’Institut national de la femme qui est un organisme du service public sous la tutelle de la présidence de la République, doté de la personnalité juridique et de l’indépendance financière s’inscrivent au titre des mesures du gouvernement visant à soutenir les différents acteurs dans la protection des droits des filles et des femmes. En effet, pour créer un environnement sans violences basées sur le genre, les missions de cet institut sont, entre autres, la promotion de la femme sur tous les plans, le soutien et l’accompagnement des femmes et des filles victimes potentielles ou survivantes de Violences basées sur le genre (Vbg), ainsi que la lutte contre toutes les formes de discrimination.
Adhésion des communautés
Pour que les initiatives du gouvernement concourent efficacement à l’amélioration de la situation, il faut une adhésion massive des communautés, en particulier des parents des survivantes. Il en découle la nécessité, d’une part, de renforcer leurs capacités pour la conduite du dialogue parent/enfant, de faciliter une meilleure appréhension des valeurs éducatives de ce dialogue et les amener à en maîtriser la conduite, surtout en matière de santé sexuelle et reproductive des adolescents et adolescentes et jeunes et, d’autre part, de mettre à disposition des populations, des informations sur tous les mécanismes de protection disponibles. Dans ce cadre, diverses activités de prévention et de réponses aux Vbg ont été mises en œuvre par le gouvernement et ses partenaires.
Prise en charge des survivantes de violence
Une personne victime survivante de Vbg a besoin d’un accompagnement adéquat et de qualité, qui respecte sa dignité, de sorte que des réponses sécurisantes lui soient apportées. La chaîne d’acteurs dans ce cadre est composée d’au moins quatre niveaux à savoir le soutien sanitaire, le soutien sécuritaire, le soutien psychologique et émotionnel le soutien judiciaire, la mise à l’abri et la réinsertion, dans la mesure du possible. Les partenaires du gouvernement du Bénin dont l’Unfpa ont organisé le financement du paquet de prise en charge, couvert par un coût pro-forma de 36.000 frs non compris les frais de réquisition. Car la réquisition pour la prise en charge sanitaire de la victime survivante de Vbg, officiellement gratuite pour cette dernière, est supportée par l’Etat sur justification. En effet, le mécanisme de prise en charge par l’Etat exige des formalités administratives à divers niveaux, du commissariat aux centres de santé et de promotion sociale jusqu’au tribunal. Les modalités de paiement de dépenses encourues sont complexes, sans compter que les frais connexes dont les frais de déplacement de la victime et de l’accompagnant, d’hospitalisation, des tests biologiques, de détection de grossesses, etc., ne sont pas couverts par le certificat médical encadré.
Par ailleurs, dans le cas où l’infraction de violence est établie, plusieurs issues s’offrent pour l’accompagnement, la prise en charge de la victime survivante. Elle peut procéder à une dénonciation auprès de la police républicaine, du Centre de promotion sociale, de l’Institut national de femme, des Ong, intervenant dans la lutte contre les Vbg, des parents. Pour ce qui concerne la dénonciation, les enfants, sans différence de sexe, pensent qu’un enfant ne peut pas dénoncer ses parents pour violence à cause de sa propre sécurité comme l’exprime une fille enquêtée en ces termes : « Un enfant ne peut pas porter plainte contre son père parce que les gens vont mal le juger. Il sera mal vu. Si tu dénonces ton papa, tu vas dormir où ? Si tu dis ça et on l’enferme, comment les oncles vont te regarder ? Comme la souffrance ne tue pas, je ne dirai rien. Je sais qu’il faut informer mon maître à l’école si quelqu’un veut coucher avec moi de force ou si quelqu’un touche mes seins ». Les garçons aussi ont la même représentation de la situation quant à la dénonciation de leur parent violent. L’avis de dénonciation évoqué par les enfants est partagé par les adultes qui ajoutent que la victime survivante bénéficie aussi de l’appui du Cps comme l’exprime une femme enquêtée : Quand une femme est battue, elle va se plaindre à la police. On convoque le mari, on le punit et on oriente la femme vers le centre social pour l’aider à s’intégrer et l’aider à mener une activité génératrice de revenus pour l’aide à subvenir à ces besoins. « On pourrait envisager un appui à des initiatives entrepreneuriales pour les survivantes comprenant des formations en gestion d’entreprise et en développement de projets. La création de partenariats avec des entreprises pour intégrer les survivantes dans le secteur formel. Le soutien aux survivantes qui sont intéressées par l’artisanat ou le commerce local », projette la présidente de l’Inf. Ces perspectives démontrent l’intérêt pour le Bénin de conjuguer progressivement au passé au Bénin les violences basées sur le genre.
Sergino Lokossou