Le Bénin, à l’instar de plusieurs pays d’Afrique, mène depuis quelques années des interventions en faveur de la lutte contre les violences basées sur le genre. La persistance du phénomène a conduit au renforcement du cadre législatif national par la loi n°2021-11 du 20 décembre 2021 portant dispositions spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe des personnes et de protection de la femme en République du Bénin. Malgré le renforcement du cadre juridique au Bénin pour promouvoir l’égalité de genre et protéger les droits des femmes et des filles, l’ampleur du phénomène est prégnante.
Les violences sont définies comme des actes de force ou de coercition mettant gravement en danger la vie, le corps, l’intégrité psychologique ou la liberté d’une personne. L’expression « violences faites aux femmes » a été reconnue depuis la 4ème conférence mondiale sur les femmes de 1995 comme un problème préoccupant. A l’époque, une femme sur trois est victime des actes de violences physique ou sexuelle, le plus souvent commises par un partenaire ou un proche. Pour mieux apprécier l’ampleur du phénomène, le gouvernement du Bénin, à travers le ministère en charge des affaires sociales et de la microfinance, a eu à initier et conduire, avec l’appui des partenaires techniques et financiers, plusieurs projets et programmes sur les violences faites aux femmes et aux filles au Bénin. Malgré les progrès réalisés par le gouvernement et les efforts fournis pour lutter contre les violences faites aux femmes (Vff), par les différents acteurs concernés par ce sujet, les femmes demeurent souvent victimes de violences physiques et symboliques dans l’espace public et privé. Le taux des Béninoises ayant subi au moins un acte de violence est bien important. Le rapport provisoire de l’année 2022 sur l’étude des violences basées sur le genre (Vbg) conduit par l’observatoire de la famille, de la femme et de l’enfant (Offe) en juin 2022, a révélé que 59% de femmes âgées de 15 ans et plus sont victimes de Vbg au Bénin. Plus loin, le rapport révèle que « 55% de victimes parmi les hommes contre 59% de femmes dans le rang des 15 ans et plus ». Ce qui explique que les Vbg touchent aussi bien les femmes que les hommes, mais de façon disproportionnée.
Le cadre législatif de prévention et de sanction
Le Bénin, dans le souci de respecter ses engagements au plan international après la ratification des instruments internationaux et régionaux, s’est lancé dans un processus de réforme pour apporter une solution aux violences basées sur le genre. Ainsi pour prévenir et lutter efficacement contre ce fléau qui décime une partie de sa population, l’Etat a opté pour la mise en place d’un cadre juridique, la poursuite et la condamnation des auteurs de Vbg, la mise en place de structures de prise en charge des victimes de Vbg et la prise des décrets et d’arrêtés ministériels. Les Vbg sont une violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Derrière chaque Vbg se cache presque toujours une infraction pénale. Pour y remédier, la législation applicable est composée de la loi fondamentale, de lois générales, de lois spéciales et de normes régionales et internationales reconnues et acceptées par tous les Etats qui protègent les femmes contre toutes formes de discriminations basées sur le sexe, dont les Vbg font partie.
On peut citer en autres la loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin modifiée par la loi n° 2019 – 40 du 07 novembre 2019 portant révision de la Constitution, la loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et de la reproduction, la loi n° 2002-07 du 24 aout 2004 portant code des personnes et de la famille, la loi n° 2006 – 19 du 05 septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin, la loi n°2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes et les infractions qu’elle prévoit et sanctionne, la loi n° 2018-14 du 2 juillet 2018 portant modification de la loi n° 2012-15 du 18 mars 2013 portant code de procédure pénale en République du Bénin, la loi n°2015-18 du 08 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin et la loi n° 2017-06 du 29 Septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin, la loi n° 2021-12 du 20 décembre 2021 modifiant et complétant la loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et de la reproduction, la loi n° 2021-13 du 20 décembre 2021 modifiant et complétant la loi n° 2002-07 du 24 aout 2004 portant code des personnes et de la famille et la loi n°2021-11 du 20 décembre 2021 portant dispositions spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe des personnes et de protection de la femme en République du Bénin.
Le linge sale se lave en famille
Selon une récente enquête afro baromètre, plus de la moitié des Béninois considèrent que la violence domestique est une affaire privée qui doit être traitée au sein de la famille plutôt qu’une affaire pénale qui nécessite une procédure judiciaire. Les Béninois soutiennent que « le linge sale se lave en famille ». Ces réalités expliquent pourquoi les violences conjugales persistent avec un nombre de signalements limité. Pour les quelques cas signalés et enregistrés, la plupart des victimes sont financièrement dépendantes de leurs conjoints avec un nombre d’enfants souvent très considérable. Une dépendance qui explique l’abandon de la poursuite judiciaire par les victimes et leur maintien dans le cycle de la violence. Concernant les cas qui sont poursuivis devant les tribunaux, le manque de soutien, et de centre de transition provisoire à titre conservatoire ou centres d’hébergement des survivantes, la limitation de la prise en charge judiciaire aux sanctions pénales par les structures de prise en charge, l’insuffisance de ressources pour la réparation des survivantes, le manque de fonds disponible pour la réinsertion et la réintégration des survivantes, sont autant de raisons qui découragent, démotivent et limitent désormais le recours à la justice. L’impunité qui en découle est aussi l’une des causes principales de la persistance des violences conjugales.
Cyber-violence, la nouvelle bête noire
La cyber sécurité est un autre point à renforcer. Suite à la démocratisation des Technologies de l’information et de la communication et l’expansion des réseaux sociaux, les violences via les Smartphones, ordinateurs et autres, ont augmenté significativement. Plusieurs femmes sont victimes de violences électroniques. Les citadines sont les plus concernées par ce type de violence, il est également plus élevé parmi les jeunes femmes celles ayant un niveau d’enseignement supérieur, les célibataires et les élèves et étudiantes. Par ailleurs, il devient clair comme l’eau de roche que la lutte contre les violences faites aux femmes ne demande pas seulement la mise en place des lois pour la protection des droits des femmes, il faut adopter une stratégie multidimensionnelle. Un travail sérieux sur les mentalités à travers l’intégration du concept de l’égalité dans les différents niveaux scolaires et programmes du système éducatif, il faut également veiller à une meilleure applicabilité des textes juridiques afin de créer la confiance entre citoyens et institutions.
Sergino Lokossou