Les violences faites aux femmes et aux filles touchent toutes les catégories sociales à travers le monde. Selon une étude publiée en janvier 2022 par la revue britannique « The Lancet », plus d’un quart des femmes dans le monde ont déjà été victimes de violences domestiques. Au Bénin, le phénomène persiste malgré les sanctions imposées par l’État. D’où la sensibilisation est la stratégie fondamentale pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles.
Les violences faites aux femmes et aux filles sont un phénomène inquiétant en République du Bénin. Elles sont un spectre qui hante de nombreuses femmes et filles de tous âges. L’un des cas qui donne de la sueur froide dans le dos, est une femme victime dont le conjoint a versé de l’acide sur elle, en février 2022. Au cours de ce drame, elle a perdu un œil et une oreille. Âgée de 49 ans, cette femme garde un souvenir vif de ce jour où sa vie s’est transformée en cauchemar.
« Un jour après des disputes, il m’a demandé de laisser la maison. Il a dit qu’il ne voulait plus de moi. Mais, quand j’ai laissé la maison, il a eu des regrets et m’a demandé de revenir. Je lui ai dit non, je n’allais pas revenir. Ainsi, il a commencé à me menacer, disant qu’il allait me tuer, m’empoissonner et me poignarder », raconte la mère de cinq enfants d’une voix faible, soulignant qu’elle a fait une greffe au niveau de son cou après l’incident.
« Après avoir laissé la maison, je me suis rendue chez mes parents. Un jour, je vendais des marchandises à côté du portail de la maison. Au moment où j’allais apporter quelque chose à une personne, j’ai surpris le père de mes enfants sur une moto. Quand je l’ai vu, je croyais qu’il voulait me faire du mal. J’ai couru, puis je suis tombée. C’est à ce moment qu’il a déversé l’acide sur moi », se souvient la dame, les larmes aux yeux.
Pour l’heure, des douleurs atroces rongent le corps de la victime qui portait un foulard qui dissimule d’énormes cicatrices sur sa tête et son tronc. « Ce n’est pas amusant…les dépenses, les charges…Ce n’est pas du tout facile pour moi…je remercie Dieu… », se plaint-elle, confiant qu’elle survit avec les enfants grâce aux aides de bons samaritains et l’Institut national de la femme (Inf) qui la prend en charge, notamment pour les médicaments et les consultations.
Types de violences en vogue au Bénin
Selon le document de procédures opérationnelles standardisées et des résultats de l’étude sur les violences basées sur le genre réalisée par le Ministère des affaires sociales et de la microfinance en 2022, les violences faites aux femmes et aux filles au Bénin désignent « tous actes de violences dirigés contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. » Il y a, entre autres, les violences physiques (la force physique est employée avec l’intention de causer un inconfort ou une douleur) ; violences psychologiques ou morales (les insultes, les menaces…) ; les violences économiques (empêcher l’épanouissement économique ou financier de toute personne).
Des statistiques alarmantes
Selon la présidente du Réseau pour l’intégration des femmes des organisations non gouvernementales et associations africaines (Rifonga), Léontine Konou Idohou, l’impunité est en train d’être conjuguée au passé tenant compte des efforts consentis par les autorités étatiques au Bénin. Les coupables sont condamnés et l’Institut national de la femme (Inf) est renforcé, argumente-t-elle. Mais, cela n’arrête pas les violences faites aux femmes et aux filles, constate la militante. Et les données rendues publiques attestent que l’heure est grave.
En effet, citant l’étude sur les violences basées sur le genre réalisée en 2022 et les statistiques générées par le Système intégré des données relatives à la famille, la femme et l’enfant, nouvelle génération ( Sidoffe-Ng ), la Directrice générale adjointe des affaires sociales et de la microfinance, Thérèse Hessou, indique que « 49 907 cas de Vbg (toutes catégories confondues ) ont été enregistrés entre le 18 février 2019 et le 18 février 2022. La majorité des actes de violences a été dirigée contre les femmes ou filles et se caractérise, entre autres, par : les violences physiques (6267 cas), les violences sexuelles (1049 cas), le harcèlement (613 cas), les violences économiques (5749 cas), les violences psychologiques ou morales (19938 cas), les violences patrimoniales ou culturelles (1505 cas), les enlèvements et les séquestrations (439 cas), l’inceste (61 cas), le lévirat (340 cas). »
Par ailleurs, « au cours des douze derniers mois, un peu moins de 6 personnes de 15 ans ou plus sur 10 (58,5%) ont déclaré avoir été victimes d’au moins un des cinq types de Vbg examinés. La prévalence la plus élevée (67,1%) est enregistrée parmi les adolescents de 15–19 ans, tandis que la plus faible proportion (37,5%) a été enregistrée parmi les enfants de 3–9 ans. Parmi les enfants de 10-14 ans, un peu plus de moitié (52,4%) ont déclaré avoir été victimes des Vbg. Selon le sexe, 59,9% de femmes de 15 ans ou plus ont déclaré avoir été victimes de violence contre 55,9% d’hommes de la même catégorie d’âge. Avant 15 ans, 44,6% des filles ont déclaré avoir été victimes de Vbg contre 47% chez les garçons », ajoute-t-elle, précisant que ces statistiques ne rendent pas totalement compte de la réalité des faits étant donné que beaucoup de cas de violations des droits des femmes et des filles continuent d’être étouffées sans être dénoncées par les communautés.
La sensibilisation au cœur de la lutte contre les Vbg
Pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles au Bénin, la secrétaire exécutive de l’Institut national de la femme (Inf), Huguette Bokpè Gnacadja, estime qu’en plus des sanctions prévues par la loi contre les bourreaux, la prévention est fondamentale. De ce fait, l’Inf envisage d’établir progressivement des points focaux dans tous les arrondissements du pays en vue de faire un travail de sensibilisation. « Ils vont nous aider à assister les victimes, à construire un dialogue communautaire avec les leaders traditionnels, les leaders religieux, à aller vers les écoles, les lieux de formation pour pouvoir parler non seulement aux enseignants et aux formateurs, mais aux jeunes enfants », explique-t-elle.
Elle conseille d’apprendre à ces dernières à se sentir en danger quand certaines conditions sont réunies. Par exemple, « un oncle qui insiste pour être seul avec elle ; un oncle qui dit je veux jouer à un jeu spécial avec toi. « Parce que c’est aussi une façon de les aider à se protéger. C’est également une façon de les encourager à ne pas avoir peur », soulignant que des enfants sont victimes à cause de cela. De plus, elle prône « une sensibilisation rapprochée » au sein du couple aussi bien par rapport à la violence à l’intérieur du couple que par rapport à la protection de l’enfant à l’intérieur du couple.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, davantage de cas de violences faites aux femmes et aux filles sont connus du public. Mais, beaucoup de femmes, n’ayant pas eu le courage de dénoncer leurs bourreaux souffrent ou meurent en silence. L’omerta reste un énorme défi à surmonter dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles. Mais, jusqu’à quand ?
Justin Gilles (Stag)