(Lire l’intégralité de son interview sur Rfi)
Dans une interview exclusive qu’il a accordée à Radio France internationale (Rfi) le vendredi 31 octobre 2025, le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, a réagi à l’actualité liée à l’invalidation de la candidature du parti Les démocrates et aux récents propos de Boni Yayi qui tentaient de rendre le gouvernement responsable des déboires subis par la formation politique qu’il dirige. L’invité du journaliste Christophe Boisbouvier a purement et simplement rejeté les fausses accusations de l’ancien chef d’Etat, l’invitant à reconnaitre que le ver est dans le fruit.
Rfi : Wilfried Léandre Houngbédji, bonjour. Une élection présidentielle sans candidat de l’opposition, c’est une démocratie sous tutelle, dit la presse ouest africaine depuis deux jours. Qu’est-ce que vous répondez ?
Wilfried Léandre Houngbédji : Toute élection dans tout pays obéit à des règles et chez nous, le parti d’opposition qui a satisfait aux conditions prévues par la loi est qualifié pour y prendre part. Et logiquement, celui qui n’y a pas satisfait ne l’est pas. Donc c’est exagéré que de dire que l’élection présidentielle à venir se déroulerait sans parti d’opposition.
A l’origine de l’exclusion du candidat du parti Les Démocrates, il y a un défaut de parrainage, mais en fait tout ça a été provoqué par un changement de loi électorale. En mars 2024, vous avez haussé la barre des parrainages d’élus nécessaires pour être candidat à une présidentielle. Elle est passée de 16 à 28 parrains et beaucoup d’observateurs disent que c’était précisément pour piéger le parti Les Démocrates.
Vous parlez d’exclusion. Il est curieux que, nonobstant les dénonciations de membres éminents du parti contestant la gestion qui en est faite par son président, certains continuent de parler d’exclusion. Nonobstant aussi les déclarations de son poulain, monsieur Renaud Agbodjo, faisant état des dysfonctionnements internes qui lui auront coûté sa qualification à la présidentielle. Et donc, dans ces conditions-là, je crois qu’il faut davantage interroger les mécanismes de gestion interne de ce parti plutôt que de chercher un bouc émissaire pour justifier ses déboires. Les difficultés de gestion du parti à l’interne, conformément à ce qui est entendu des déclarations de certains de ses membres éminents, qu’ils soient députés, que ce soit monsieur Agbodjo lui-même, qu’il soit des membres ordinaires, sont plutôt la cause de ses déboires actuelles et il ne faut pas chercher loin un bouc émissaire pour justifier son absence de cette présidentielle à venir. La loi qui a été révisée en 2024 a fixé un seuil de parrainage dont dispose le parti et a pris le soin de sécuriser les parrainages en interdisant la transhumance des élus et de sorte que le parti avait toutes les cartes en main pour se désigner un candidat tant qu’il pouvait remplir les conditions.
Oui, mais franchement, Wilfried Houngbédji, cette loi qui a haussé la barre des parrainages, est-ce que ce n’était pas aussi pour mettre en difficulté vos adversaires, tout simplement ?
Non, il n’y a rien à y voir. Monsieur Boisbouvier, n’oubliez pas qu’en contexte béninois, nous avons entrepris depuis quelques années maintenant de faire des réformes pour normaliser notre démocratie, remettre les partis politiques au cœur du jeu démocratique, mais surtout en les amenant à grandir, à grossir. Parce qu’il est un constat que de 1990 à 2016, aucun parti politique au Bénin n’a jamais réussi à conquérir le pouvoir d’État. La faute à leur balkanisation, je veux dire, est immédiatement trop poussée. Et là, les réformes leur demandent de se regrouper, de faire advenir de grands partis, des partis nationaux, des partis de gouvernement au Bénin, et la seule logique qu’il y a derrière ces réformes, c’est effectivement d’encourager les acteurs à se regrouper. Et les conditions fixées sont les mêmes pour tout le monde. Donc à l’origine, c’est bien un objectif noble et louable qui pousse à la révision ou l’actualisation des lois. Et il appartient à chaque acteur politique majeur de travailler à s’y conformer. Mais tout de même, jusqu’en mars 2024, il suffisait de 16 parrainages.
Depuis mars 2024, il en faut 28. Ce qui correspond exactement au nombre d’élus dont disposait le parti Les Démocrates dans la dernière Assemblée Nationale. Ça ressemble tout de même à un piège, non ?
Il n’y a pas de piège. Parce que la majorité qui a fait la relecture de cette loi en la présence constante de la minorité, donc des députés Ld, aurait pu prévoir également un seuil plus important. Et pourtant, elle a tenu compte du nombre de parrains dont disposait et dont dispose le parti Ld pour corriger la loi de sorte que si on avait fait beaucoup plus, on nous aurait dit dès l’origine, ça c’est pour exclure tel et tel.
Alors, quoi qu’il en soit, à partir du moment où le nombre de parrainages nécessaires correspondait exactement au nombre d’élus du parti Les Démocrates, il suffisait de la défection d’un seul de ces élus pour que le candidat LD soit exclu. Ce député, c’est le député Michel Sodjinou. Il a donc fait défection. Qu’est-ce que vous lui dites aujourd’hui ? « Bravo, monsieur le député, c’est un joli coup ».
Non, nous n’avons aucun jugement de valeur par rapport au comportement d’un député qui appartient à un parti qui n’est surtout pas un parti qui soutient la majorité présidentielle. Je crois qu’il faut encore une fois interroger la gouvernance de ce parti. S’il sait qu’il a le nombre juste de parrains, à mon avis, il fallait adapter sa gouvernance de façon à contenter les uns et les autres et faire en sorte qu’à l’arrivée, il y ait une médiane qui rassemble toutes les tendances au sein du parti.
En tout cas, cette défection de ce député Sodjinou, ça vous arrange bien, non ?
Non, nous prenons acte, tout simplement. Nous, on ne demandait pas tant que ça parce qu’on s’est préparé avec la qualité de notre gouvernance, donc les résultats sont indiscutables. Nous nous sommes préparés, par ailleurs, avec la désignation d’un candidat au profil éloquent, à battre n’importe quel adversaire que nous aurions eu en face de nous.
Alors, vous allez en effet présenter votre ministre des Finances, Monsieur Romuald Wadagni.Vous dites que vous n’avez rien à voir avec ce député d’opposition qui s’est rétracté, Michel Sodjinou, mais l’ancien président Boni Yayi, il n’est pas du tout d’accord avec vous. Il dit au contraire que vous êtes entré dans une campagne de débauchage pour déstabiliser le parti Les Démocrates.
Oh, je crois que cela ne devrait pas étonner ceux qui connaissent et qui ont vu à l’œuvre l’ancien président BoniYayi, pendant les dix ans à la tête du pays, car ils se souviennent que lorsqu’il y a de bons points à prendre, c’était toujours son mérite à lui tout seul. Et quand ça n’allait pas, il n’est jamais au courant, ou alors l’enfer, c’est les autres. Comme le naturel revient toujours au galop, on peut toujours constater logiquement que l’homme, il est resté ce qu’il est. Jamais responsable de ce qui ne va pas. En somme, c’est en vain, me semble-t-il, qu’il cherche loin les responsables des déboires de son parti, car avec ce que l’on voit depuis quelques temps, ce serait un euphémisme d’affirmer que le vert est dans le fruit, car visiblement, c’est un très gros vert qui le ronge de l’intérieur. Et ça, nous n’avons rien à y voir.
Mais ce député Michel Sodjinou, il ne va pas bénéficier désormais d’avantages matériels pour ce qu’il a fait ?
Ah bon ? Et de la part de qui ?
C’est ce que laisse entendre en tout cas l’ancien président Boni Yayi.
Il doit s’y connaître, lui, mais on ne connaît pas ces pratiques-là. C’est-à-dire qu’il n’y a rien à voir entre la majorité au pouvoir et le député qui a fait défection dans l’opposition ? Absolument rien. Encore une fois, M. Boisbouvier, si vous entendez ce député, mais pas que lui. Vous avez entendu Éric Houndeté, vous l’avez lu, vous avez entendu d’autres cadres du parti, vous avez même entendu M. Agbodjo, qui avait été désigné par le parti pour le représenter. Tous évoquent des problèmes à l’intérieur. Et donc, qu’est-ce que nous on a à y voir ? Ce n’est quand même pas nous qui sommes à la manette pour gérer le parti Les Démocrates. Il faut interroger la qualité de la gouvernance de ceux qui sont à la tête de ce parti.
Patrice Talon ne veut plus d’opposition au Bénin, dit son prédécesseur Boni Yayi. Est-ce qu’il n’a pas un petit peu raison ?
Oui, ça, ça fait rire. M. Talon finit dans sept mois. Et c’est pour sept mois qu’il ne voudrait pas avoir d’opposition, alors que pendant plus de neuf ans, il a affronté l’opposition en ce qu’elle avait de plus perverse ici. J’imagine que, comme le président de la République l’a dit face aux jeunes qu’il a rencontrés le 28 juillet dernier à Cotonou, il faisait la réflexion qu’il souhaiterait bien qu’après lui, la classe politique trouve moyen de se mettre ensemble pour promouvoir le développement du pays. Parce qu’il a rappelé que les confrontations entre lui et son prédécesseur, les querelles qui retardent même le développement, une fois qu’il serait parti de la scène, il n’y aurait plus de raison pour ceux qui viendraient après de s’accrocher.
En 2021, vous avez fait arrêter la candidate du parti Les Démocrates, Rekya Madougou, qui a pris 20 ans de prison et qui y est toujours. Pour 2026, la justice a exclu le candidat du même parti Les Démocrates, M. Agbojo. Est-ce qu’il n’y a pas un peu d’acharnement contre ce parti ?
Premièrement, les personnes qui ont été interpellées et qui sont en prison après avoir été jugées, se sont rendues coupables de faits attestés et étayés par la justice. Secondement, la justice n’a pas exclu le candidat du parti Les Démocrates. Le parti Les Démocrates n’a pas rempli les conditions fixées par la loi pour avoir un candidat à la présidentielle. La justice n’a fait que constater le défaut pour ce parti de remplir les conditions exigées par la loi. Et dans toute la démocratie, c’est ce qu’il se passerait. Si dans les pays occidentaux, un parti majeur n’arrivait pas à remplir pour une raison ou l’autre les conditions fixées par la loi pour prendre un scrutin et que le constat était fait, faisant en sorte que ce parti ne puisse pas participer à l’élection, il ne viendrait à l’idée d’aucun démocrate, d’aucun responsable avisé de dire que c’est la justice qui a exclu ce candidat. On dira plutôt que ce candidat n’a pas été à la hauteur de ses obligations par rapport à ce que la loi a prévu. Et donc c’est la même chose qui se passe ici.
Le parti Ld n’a pas été à la hauteur et n’a pas pu remplir les conditions fixées par la loi. Les opposants Rékya Madougou et Joël Aïvo en prison depuis 4 ans et demi maintenant, est-ce que ça ne fait pas beaucoup ? Or, la justice a rendu une décision. Ils ont été condamnés à une peine qui est en cours d’exécution.
Il n’y a pas à considérer que 4 ans et demi, c’est beaucoup. De toutes les façons, le temps passé déjà en prison vient en déduction de la peine et le reste tiendra compte de cela. Et il m’a semblé que, que ce soit en France, que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs, il y est aussi arrivé des cas de condamnation d’acteurs politiques et qui ont des peines qu’ils devront exécuter.
Pour trouver une solution à la candidature de Agbodjo, l’ancien président Boni Yayi est allé voir le président Patrice Talon, il y a une semaine, au palais à Cotonou. Il a cru que cela permettrait de trouver une issue mais le pouvoir n’a pas bougé. Il n’y aura pas de candidats Les Démocrates en avril prochain. Est-ce à dire qu’il n’y a plus de dialogue politique possible au Bénin ?
Mais cela devrait vous paraître curieux qu’un chef de parti qui est plus est de d’opposition aille demander au président de la République de l’aider à trouver une solution à un problème interne. Ce n’est pas de la compétence du chef de l’État. Je n’ai pas été dans la réunion mais je n’aurais pas été surpris de l’entendre dire à son interlocuteur que cela ne relève pas de ses compétences. Boni Yayi n’est pas un homme politique comme un autre, c’est un ancien président. Oui mais vous voyez bien le mélange des genres entre l’ancien président et le chef de parti pour lequel il se déplace. En appréciant, en fonction des sujets à débattre et en l’espèce, il me semble encore une fois que c’était un sujet particulièrement partisan et personnel aux Démocrates.
Donc pas de solution politique sur la candidature de Agbodjo ?
Je crois que la solution n’est pas de notre côté. Le parti aurait dû prendre toutes les mesures pour s’éviter les déboires qu’il connaît actuellement.
Wilfried Léandre Houngbédji : Je vous remercie.




















