Le Bénin à l’instar des autres pays du monde entier, a célébré le mardi 21 février 2023, la 24ème édition de la Journée internationale de la langue maternelle. A cette occasion, le ministre des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, Yves Chabi Kouaro, a adressé un message à tout le peuple béninois. Un message dans lequel, il appelle à une éducation inclusive basée sur le multilinguisme. Lire ci-dessous, l’intégralité de son message.
Béninoises, Béninois,
Chers Compatriotes,
Demain 21 février 2023, notre pays, à l’instar des autres nations du monde, célèbrera la journée internationale de la langue maternelle.
La journée internationale de la langue maternelle a été proclamée par l’Unesco le 21 février 2000 et est célébrée chaque année par les Etats membres et au siège de l’Unesco. Cette journée est commémorée dans autant de langues que possible afin de rappeler à l’humanité entière que la diversité linguistique et le multilinguisme sont essentiels pour un développement durable.
Mesdames, messieurs,
Cette année, le thème retenu par l’Unesco pour la commémoration de ladite journée est «L’éducation multilingue, une nécessité pour transformer l’éducation».
Ce thème incite chacun de nous à se pencher sur le potentiel du multilinguisme, de transformer l’éducation dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie et dans différents contextes. Cela nécessite l’élaboration des capacités potentielles pour soutenir le développement d’un enseignement/apprentissage de qualité pour tous, gage du développement durable.
Il s’agira de renforcer l’éducation multilingue comme une nécessité pour transformer l’éducation dans des contextes multilingues, de la petite enfance et bien au-delà.
En effet, les langues et le multilinguisme peuvent contribuer au progrès d’une éducation inclusive et permettre d’atteindre les objectifs du développement durable dont le principe est de ne laisser personne en rade. L’éducation, dans la première langue de la socialisation est la base de tout apprentissage. Pour Koïchiro (2000), « encourager la promotion du développement de l’éducation multilingue dès le plus jeune âge, c’est assurer la préservation du pluralisme culturel tout autant que les conditions de la compréhension internationale, de la tolérance et du respect mutuels ».
C’est pourquoi les Nations Unies reconnaissent les droits linguistiques de tous les enfants comme fondamentaux. L’article 29 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant stipule clairement que : « les Etats partis conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à lui inculquer le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ».
Cette vision interpelle chacun de nous, acteurs de la promotion des langues nationales à concilier multilinguisme et l’éducation en vue de permettre à chaque béninoise et à chaque béninois d’œuvrer efficacement pour le développement de sa communauté.
Mesdames, messieurs,
En tant que véhicule privilégié de transfert des connaissances et des idées, les langues jouent un rôle irremplaçable et incontestable dans la formation et le développement de l’être humain. Il urge de soutenir l’apprentissage par le biais de l’éducation multilingue et du multilinguisme dans ce contexte mondial en mutation et dans des situations de crise et d’urgence afin de revitaliser les langues qui disparaissent ou qui sont menacées d’extinction.
Le thème de cette année est également en phase avec l’objectif 4.7 des Odd qui précise que ‘’d’ici 2030, tous les apprenants auront acquis des connaissances et compétences pour promouvoir le développement durable, notamment par l’éducation en faveur de la promotion d’une culture de paix et de la non-violence, de la citoyenneté mondiale et de l’appréciation de la diversité culturelle et de la contribution de la culture au développement durable. »
Toutefois, l’atteinte de ces objectifs ne peut être possible sans l’acceptation d’une éducation inclusive basée sur le multilinguisme, facteur de l’équité voire de la cohésion sociale prônée par l’axe stratégique 5 du Pag2. C’est à ce titre que les courageuses réformes introduites par le Président Patrice Talon dans le Programme d’actions du gouvernement (Pag2) à travers la promotion d’une éducation de qualité, les projets Arch et l’Eftp à travers la conception des documents de qualification aux métiers, qui accordent une place importante à la valorisation des langues maternelles à travers des offres d’enseignement/apprentissage basées sur la flexibilité et la réactivité, ainsi que la prise en compte des différents groupes sociaux en vue d’une éducation inclusive multilingue, doivent être saluées. Aussi, l’utilisation de la bibliothèque numérique en langues nationales participe-t-elle aux renforcements des capacités de ces apprenants.
Mesdames, messieurs,
Nous devons nous engager à observer cette diversité linguistique liée au multilinguisme qui, loin de constituer un frein pour l’épanouissement des peuples, se révèle comme un moteur d’apprentissage, de paix, de développement économique, culturel et social pour l’ensemble du peuple béninois.
L’éducation au service de la citoyenneté mondiale a pour but de favoriser les compétences de la vie permettant de relever des défis à l’échelle mondiale. Ainsi, chacun pourra contribuer à la création d’un monde plus pacifique, plus équitable et durable. Cette ambition ne peut être réalisée sans la contribution des enseignants dont les compétences seront renforcées en vue de soutenir l’enseignement/apprentissage multilingue.
Il est impérieux de rappeler que les sociétés multilingues et multiculturelles existent à travers leurs langues, qui transmettent et préservent les savoirs et les cultures traditionnels de manière durable.
Aussi, la diversité linguistique est-elle une caractéristique de la vie culturelle largement reconnue et appréciée dans notre pays. Elle est reflétée par la pluralité des langues parlées et constitue une richesse pour l’humanité.
En application de la loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin, plus précisément en son article 99 qui stipule que « la commune doit veiller à la promotion des langues nationales en vue de leur utilisation sous forme écrite et orale », le Gouvernement porte dès lors, une attention particulière au respect de cette diversité linguistique en développant des programmes d’alphabétisation liés à l’apprentissage tout au long de la vie.
La langue maternelle en tant qu’outil identitaire et culturel très fort, est un instrument de communication et de développement d’un peuple. Dès lors, des programmes d’enseignement/apprentissage numérisés et dispensés en langues nationales favorisent l’épanouissement de l’être et permettent le développement d’une éducation inclusive.
En paraphrasant Matsuura (2007), on pourrait dire que : C’est de la langue maternelle que viennent les premiers mots que nous prononçons, c’est elle qui exprime le mieux la pensée individuelle. Elle est la fondation sur laquelle tout être humain se construit dès son premier souffle, et qui le soutient tout au long de sa vie.
A ce sujet, l’anthropologue Levi Strauss affirme que « …c’est au moyen de la langue maternelle que l’individu acquiert la culture de son groupe, on instruit, on éduque l’enfant par la parole, on le gronde, on le flatte avec les mots… » (Anthropologie structurale 1958).
Chers Compatriotes,
Mesdames et Messieurs,
Loin d’être une fête foraine, le 21 février doit être un instant de réflexion profonde sur nos rapports à nos langues maternelles pour une éducation inclusive multilingue dans nos sociétés.
Les langues constituent un univers conceptuel, un assemblage complexe et fascinant de sons et d’émotions, d’associations et de symboles, de représentations du mouvement et du temps. Ce sont les instruments les plus puissants pour préserver et développer notre patrimoine matériel et immatériel.
Dans cette perspective, je lance un vibrant appel à toutes les béninoises et à tous les béninois pour que le mardi 21 février 2023, soit une ouverture sur une éducation inclusive basée sur le multilinguisme.
Enfin, je formule le vœu que demain chacun consacre à la Journée, ne serait-ce qu’un court instant, pour échanger uniquement dans sa langue maternelle.
Tous ensembles, engageons-nous à relever le défi de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales au Bénin. Car l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde (Nelson Mandela).
Vive les langues maternelles au service du développement durable !
Vive l’éducation multilingue pour une éducation intégrée !
Vive le Bénin !
Je vous remercie.
Monsieur Kouaro Yves Chabi, ministre des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle.