Vendredi 1er juillet 2022, accompagnées d’huissier de justice, les forces de l’ordre ont vidé l’une des maisons de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon. Il s’agit, en fait, de l’exécution normale d’une décision de justice devenue définitive, après épuisement de toutes les voies de recours. Retour sur les faits reprochés à l’ancien magnat de la volaille.
« Il y a des opérateurs économiques vertueux, et d’autres pas ». C’est l’ex-président Yayi Boni qui le dit dans une vidéo réapparue il y a quelques jours sur les réseaux sociaux. Une vidéo abondamment commentée. Au-delà de ce qu’il dénonçait pendant son bras-de-fer avec le Pdg de Cajaf common, Yayi Boni affichait publiquement ainsi une certaine impuissance face au phénomène. C’est cette impuissance à enrayer la machine mise en place par Comon Sa, l’une des sociétés de Sébastien Ajavon qui semblait l’agacer le plus. Mais, c’est une époque révolue, et l’eau a coulé sous les ponts. A l’avènement du président Patrice Talon, la donne a changé. La justice a repris la procédure de fond en comble. Les avocats de l’homme d’affaires y ont aussi participé. Ce qui a abouti à la descente dans sa maison. Le vendredi 1er juillet a eu lieu l’enlèvement des biens dans les conditions prévues par une ordonnance de justice, en présence d’un huissier de justice de chacune des parties.
Il avait été donné à la Direction générale des impôts et des domaines de constater que dans le cadre de leur collaboration avec la société Comon Sa, celle-ci leur a déclaré comme en exportation, une quantité importante de produits vendus notamment au Nigeria, alors qu’en réalité, il n’en pouvait être ainsi. Pour ce faire, Comon Sa leur présente différents certificats délivrés et signés par l’ambassadeur du Bénin à Abuja, au Nigeria, en lieu et place des autorités consulaires béninoises accréditées, prévues par la lettre de facilitation, pour attester que les produits ont été effectivement vendus sur le territoire nigérian. De la même manière, elle présente des quittances de sortie délivrées par la douane béninoise, alors qu’en réalité ce sont les Nigérians eux-mêmes qui se déplacent vers la Société Comon Sa, achètent les produits, Tva comprises, et s’arrangent pour franchir le cordon douanier pour avoir des quittances au nom de la société Comon Sa.
En procédant ainsi, le schéma de remboursement prévu par la loi se trouve dénaturé. La Tva étant remboursée en nature, ce mode de remboursement n’est pas prévu par la loi. De plus, la société Comon Sa n’a pas réellement fait de l’exportation, mais vient réclamer le remboursement de crédit de Tva. Il résulte donc des faits que Sébastien Ajavon, administrateur de la Comon Sa, par le biais de manœuvres frauduleuses, a entrepris de déposséder l’Etat béninois d’une partie de son patrimoine. Ces manœuvres frauduleuses sont caractérisées par le recours à des tierces personnes, notamment l’ambassadeur du Bénin au Nigeria et différents agents des douanes, lesquels ont mis à sa disposition différents documents contraires à la vérité, dans le but de réaliser son dessein.
« Il y sera contraint par toutes les voies de droit et notamment par la saisie-vente de ses biens »
Ces différentes manœuvres punies par les textes légaux ont fait l’objet de procédures judiciaires qui ont conduit à la condamnation, au pénal, de l’ambassadeur Lalèyè Oyédékpo Mouftaou à deux ans d’emprisonnement ferme et à 400.000 francs d’amende, et Sébastien Germain Ajavon à cinq ans d’emprisonnement ferme et à 2.400.000 francs d’amende ferme. Les deux (02) prévenus sont également condamnés aux frais. Sur l’évaluation, effectuée par l’Agent judiciaire du trésor et la Direction générale des impôts, Sébastien Germain Ajavon a été condamné à payer à l’Etat béninois, la somme de 80 milliards de francs Cfa pour les préjudices subis par l’administration fiscale et à 60 milliards de francs Cfa pour les préjudices non fiscaux. Ce jugement, après divers recours exercés par les condamnés, est devenu définitif et l’Etat béninois en a sollicité la « grosse », en vue de son exécution en cours. Le 22 février 2022, la « grosse » a été signifiée au requis avec commandement de payer le montant total de 156, 5 milliards de francs Cfa sous réserve des intérêts à échoir, des frais de poursuites, droits et actions avec la déclaration que, faute par lui d’y satisfaire, il y sera contraint par toutes les voies de droit et notamment par la saisie-vente de ses biens.
Le 23 mars 2022, les biens de l’intéressé ont été mis sous-main de justice. Ce dernier disposait d’un délai d’un (01) mois pour procéder à la vente amiable à défaut de laquelle il sera procédé à la vente forcée. A l’issue de ce délai, l’Etat béninois a requis l’autorisation par ordonnance du juge aux fins d’enlèvement desdits biens, le cadre de leur situation n’étant pas propice à l’opération de vente aux enchères. Cette ordonnance a fait l’objet de signification au requis pour l’exercice de son droit de recours.
Jean-Paul Mahugnon