Le porte-parole de l’Assemblée nationale, James William Gbaguidi, était hier jeudi 13 octobre 2022 face à la presse parlementaire. L’objectif de sa sortie médiatique est d’éclairer l’opinion publique sur les lois votées au cours des 3ème et 4ème sessions extraordinaires de l’année 2022.
Ouverte le mardi 27 septembre 2022 à la demande du chef de l’État, la troisième session extraordinaire de l’année 2022 a connu l’examen et l’adoption de six textes de lois. Il s’agit de la loi n° 2022-16 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour spéciale des affaires foncières. Le gouvernement a fait le constat selon lequel les chambres de droit de propriété foncière de la plupart des tribunaux de première instance et des cours d’appel sont submergées par des dossiers complexes qui durent anormalement. Il a alors pris l’initiative de la création d’une juridiction spécialisée, exclusivement dédiée à ces questions et destinée à favoriser pour les justiciables ayant des affaires dans certaines Communes, l’accès à une justice plus diligente et plus crédible. La Cour ainsi créée, aura compétence sur les Communes d’Abomey-Calavi, d’Allada, de Cotonou, de Ouidah, de Porto-Novo, de Sèmè-Podji et de Tori-Bossito, particulièrement exposées aux litiges en matière de terre ; la loi n° 2022-17 modifiant la loi n° 2020-37 du 03 février 2021 portant protection de la santé des personnes en République du Bénin. A l’occasion du vote de cette loi, certaines dispositions ont prévu la souscription d’une assurance santé pour chaque employé, qu’il soit du secteur privé ou du secteur public au Bénin. Ces dispositions mettaient cette souscription entièrement à la charge de l’employeur. Ce faisant, la loi fragilise la mesure en réduisant sa soutenabilité, surtout pour les employeurs du secteur privé. De même, l’absence de toute contribution financière de la part de l’employé assuré, réduit sa responsabilité dans la prévention des maladies. Les députés ont donc validé la volonté du gouvernement de mettre en place une souscription partielle de la police d’assurance par les employés en complément de celle payée par l’État ou les employeurs du secteur privé. Les députés ont également examiné et voté la loi n° 2022-18 portant création, composition et organisation du corps des inspecteurs des services judiciaires. Il s’agissait de mettre en conformité la législation béninoise au sujet de la mise en place des corps de contrôle au Bénin. Celui des inspecteurs des services judiciaires ainsi créé vient en compléter d’autres que sont le corps des inspecteurs des finances, celui des inspecteurs des services et emplois publics et enfin celui des inspecteurs de ministères. Elle vient corriger certaines insuffisances du dispositif préexistant et la loi n° 2022-19 modifiant et complétant la loi n° 2012-15 du 18 mars 2013 portant Code de procédure pénale en République du Bénin, telle que modifiée par la loi n° 2018-14 du 02 juillet 2018. A ce niveau, on retient que les fonctions de la peine sont la rétribution, la dissuasion et la réhabilitation. Par la rétribution, la personne condamnée paie à la communauté le prix du trouble qu’elle a occasionné. Par la dissuasion, toute personne tentée de commettre une infraction, par crainte de la sanction encourue penserait plutôt à y renoncer. Par la réhabilitation ou resocialisation, l’agent pénal retrouve une place parmi les gens libres, une fois que le processus judiciaire est mené à son terme. Ainsi, les mécanismes tels que les peines alternatives à la détention et les aménagements de peine sont inscrites dans le droit positif. Toutefois, en matière criminelle, la possibilité d’assurer une resocialisation optimale des personnes reconnues coupables par une juridiction pénale et condamnées à une peine privative de liberté étaient assez limitées. Pour résoudre cette difficulté, l’Assemblée nationale a adopté cette loi qui confère au chef de l’État, le pouvoir d’ordonner, à la demande de la personne condamnée ou de son avocat, la suspension de l’exécution de la peine, lorsque celle-ci est justifiée par des raisons de bonne conduite ou des raisons sociales et humanitaires. De même, le 8ème Législature a examiné et voté la loi n°2022-20 portant modification des dispositions de l’article 585.1 de la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin, telles que modifiées par la loi n°2020-08 du 23 avril 2020 portant modernisation de la justice. En matière de saisie immobilière, cette loi redonne compétence aux tribunaux de première instance et aux tribunaux de commerce, plutôt qu’au juge de l’exécution, comme le prévoyait la loi de 2020.
Quid de la quatrième session extraordinaire ?
La quatrième session extraordinaire de l’Assemblée nationale a été consacrée à l’examen et à l’adoption de la loi n° 2022-21 portant modification et complément de la loi n°2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin, telle que modifiée et complétée par la loi n° 2018-34 du 05 octobre 2018. Prenant conscience de ce que sur l’ensemble du territoire national, certains secteurs vitaux de l’économie ne doivent, en aucune circonstance souffrir des arrêts et autres interruptions dus à des mouvements de grève, qu’ils soient gérés par des structures privées ou publiques, le gouvernement a introduit un projet de texte tendant à la modification de la loi sur l’exercice du droit de grève au Bénin. À l’issue du vote, la grève est désormais formellement interdite dans les secteurs d’activités portuaires et aéro-portuaires ainsi que ceux de l’eau, de l’énergie et des hydrocarbures. « Après le vote des lois, des incorrections de langage, du fait même de certains journalistes, ont commencé à être insinuées au sein de l’opinion publique », a laissé entendre, James William Gbaguidi, porte-parole de l’Assemblée nationale. Selon lui, c’est une compréhension erronée des dispositions législatives nouvelles.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit en particulier de celles qui ont rapport avec la loi n°2022-19 modifiant et complétant la loi n°2012-15 du 18 mars 2013 portant Code de procédure pénale en République du Bénin, telle que modifiée par la loi n°2018-14 du 02 juillet 2018. Il a été abondamment relayé dans l’opinion publique, via des médias et des réseaux sociaux que dès que la loi entrera en vigueur, le président de la République, Patrice Talon serait habilité à « suspendre les peines » des personnes condamnées. De telle manière que beaucoup de Béninois retiennent d’ores et déjà que les députés de la huitième Législature, par le vote de cette loi, ont donné la possibilité à l’Exécutif, de remettre en cause le travail de la Justice. En parlant de suspension de peine, on laisse entrevoir une entorse décidée par le chef de l’État à une décision de justice censée être devenue définitive. Tout faux, explique James William Gbaguidi. « En réalité, la loi ne donne pas au président de la République le pouvoir de suspendre une peine privative de liberté, ni aucune autre peine d’ailleurs. Ce n’est pas de son ressort. Il s’agit plutôt de la suspension de l’exécution de la peine. En d’autres termes, le juge aura déjà achevé son travail qui est de connaître des faits, de les apprécier et de prononcer ses jugements, ou arrêts qui seraient devenus définitifs. C’est seulement après que la peine aura déjà commencé à être exécutée, que le président de la République pourra intervenir. En se fondant sur des motifs comme la bonne conduite de la personne détenue ou sur des considérations d’ordre humanitaire ou social significatives, il peut, sur demande de la personne concernée ou de ses avocats, ordonner la suspension de l’exécution de la peine pour une durée de 5 ans, renouvelable une seule fois. Qui plus est, le président de la République ne décidera pas de façon unilatérale et arbitraire. Son décret sera le fruit d’une procédure rigoureuse et exigeante qui commencera nécessairement par la personne condamnée elle-même ou son conseil. Ensuite, entreront en jeu deux autres acteurs majeurs que sont le ministre chargé de la Justice et la commission de surveillance des prisons. Au porte-parole du Parlement de rassurer qu’il ne s’agit donc pas d’une suspension de la peine prononcée. Celle-ci demeure inchangée. C’est uniquement son exécution que le président de la République pourra suspendre après avis de la commission de surveillance saisie et le rapport du ministre chargé de la Justice. Au cas où cette suspension est acquise pour une durée de cinq ans, renouvelée et que le délai de 10 ans est échu, ajoute James William Gbaguidi, la suspension de la peine produit les effets d’une grâce présidentielle. Autrement dit, la personne ne retournera pas en prison. Il exhorte donc les hommes des médias à prendre cela en compte et faire valoir cette nuance à l’opinion publique. Car, va-t-il conclure, à l’image du vote de lois d’amnistie ou de la grâce présidentielle qui constituent des pratiques admises dans les sociétés démocratiques comme celle béninoise, et n’apparaissent pas comme une immixtion du pouvoir Exécutif dans les prérogatives du pouvoir judiciaire, l’avènement de la suspension de l’exécution d’une peine devrait plutôt réjouir les citoyens béninois, plutôt que de les effrayer.
Martial Agoli-Agbo (Br Ouémé-Plateau)