La mobilisation est de plus en plus forte autour du cancer du sein au Bénin. Gouvernants et gouvernés s’engagent à lutter efficacement contre ce mal qui détruit les femmes. Octobre rose semble avoir conquis le cœur des Béninois qui font de la lutte contre le cancer du sein, un idéal à atteindre pour le bien-être des femmes.
Le cancer du sein est le premier cancer dont souffrent les femmes au Bénin. Bien que l’incidence soit parmi les plus faibles au monde, la mortalité y est la plus élevée reflétant une survie médiocre. L’une des principales raisons de cette surmortalité est le diagnostic à un stade tardif. Au Bénin, 70 % des cas diagnostiqués le sont tardivement selon plusieurs spécialistes de la santé. Ils font savoir que le diagnostic arrive « à un moment où plus aucun traitement ne peut apporter la guérison. « Nous assistons à la mort de nos femmes, même quand l’État prend sur lui la responsabilité de les évacuer, ce sont des évacuations qui se font à grands frais pour des résultats inutiles », soutient Herbert Avlessi médecin. Selon lui, les facteurs associés au diagnostic tardif des cancers du sein au Bénin, sont le revenu inférieur ou égal au Smig, la médecine non conventionnelle comme premier recours, avoir consulté un infirmier comme premier agent de santé et l’absence de dépistage antérieur du cancer du sein. Il affirme qu’au moins 1500 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués au Bénin et parmi ces cas, il y a eu environ 700 décès. Ce qui fait une mortalité de 50%. C’est très alarmant quand on sait que dans les autres pays, les gens obtiennent des taux de guérison très élevés.
Barrières socio-économiques
Il y a des barrières socio-économiques et culturelles au traitement selon le spécialiste. Il estime que les croyances traditionnelles et populaires empêchent les femmes de consulter quand elles sont malades. Pour inverser la tendance, acteurs politiques, sanitaires, organisations de la société civile, institutions internationales se sont associés et mènent sur le terrain de véritables campagnes de sensibilisation et de dépistage. Les victimes connaissent les ravages du cancer du sein. Léontine dont la mère a souffert du mal, fait partie de milliers de femmes béninoises qui préfèrent mourir plutôt que de se faire enlever une partie du corps. Sa mère a eu la vie sauve in extrémis. « On a constaté qu’elle a commencé par perdre du poids de même que ses cheveux. Je ne sais pas si c’est le cancer qui a entraîné une insuffisance rénale, mais elle en a souffert et après le cancer, l’insuffisance rénale est restée. Ses seins avaient tellement grossi et ils pesaient tellement qu’elle était obligée d’attacher un foulard à son cou en y mettant les seins pour supporter le poids. Quand on lui disait qu’on voulait toucher, elle nous disait qu’on ne pourrait pas parce que c’est une image qui nous marquera à vie », a confié Léontine au sujet de la maladie de sa mère. Comme elle, nombreuses sont les Béninoises qui affrontent la maladie en silence. Une psychologue décrit l’état dans lequel elle reçoit les femmes et parfois des jeunes filles atteintes du cancer du sein. « Ça peut partir d’une profonde détresse à une dépression très sévère. C’est une maladie qui affecte l’image que la personne a d’elle-même, puisque ce mal affecte le corps et laisse des séquelles à vie. Comme j’ai l’habitude de dire à toutes ces femmes que je reçois, il faut s’accrocher, tenir ferme dans la foi et l’espérance », affirme la psychologue. Bien que le taux de mortalité soit assez élevé au Bénin, certaines patientes guérissent et sont la preuve qu’un dépistage et un diagnostic précoces sont nécessaires pour toutes les femmes en âge de procréer.
Une priorité dans les milieux carcéraux
Les femmes en détention dans les prisons civiles et maisons d’arrêt du Bénin ne sont pas laissées en marge de la politique de promotion et de protection des droits de la femme au Bénin. En mars 2024, des sages-femmes qualifiées sont déployées dans les onze établissements pénitentiaires du Bénin, en appui au personnel de santé, pour la deuxième édition de la campagne de dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus. Le thème de cette campagne est : « Femme détenue, je préserve mon droit à la santé ». Cette s’inscrit dans les missions assignées à l’Agence pénitentiaire du Bénin notamment l’amélioration des conditions d’accès aux soins de santé des détenus. François Hounkpè, directeur général de l’Apb a salué cette initiative de santé publique qui vient impacter les femmes détenues. Il met en exergue l’importance de cette campagne pour ces femmes qui sont à l’écart des réalités quotidiennes, mais qui ne sont pas épargnées par ces tumeurs. « La campagne sur le dépistage de ces affections en milieu pénitentiaire est nécessaire en raison de la vulnérabilité de la cible », va d’ailleurs soutenir François Hounkpè, directeur général de l’Apb. Il insiste sur l’urgence de promouvoir le dépistage précoce de ces pathologies afin de ne pas avoir à gérer des situations périlleuses. « Le combat que nous avons à mener ensemble passe d’abord par la prévention. Car selon l’Organisation mondiale de la santé, les cancers du sein et du col de l’utérus sont parmi les cancers les plus fréquents chez les femmes… et le cancer du sein tue une femme toutes les cent secondes. Le dépistage précoce est donc indispensable, car il garantit un traitement efficace dans 9 cas sur 10, réduisant ainsi la nécessité d’interventions fort onéreuses et exigeantes», précise le directeur général de l’Apb. Une évidence que reconnait et réaffirme Salwaa Imorou, directrice de la Santé, de l’Alimentation et du Transport.
Au terme des différents examens, les détenues qui seraient déclarées positives bénéficieront d’une prise en charge médicale intégrale et adaptée, ainsi que d’un soutien psychosocial.
« Les cancers du sein et du col de l’utérus sont des enjeux majeurs de santé publique. Leur traitement constitue aujourd’hui un réel défi pour les femmes en général et surtout celles qui sont privées de liberté », admet François Hounkpè, directeur général de l’Apb. Il relève que le droit à la santé des personnes détenues a été érigé au rang des priorités par le gouvernement. C’est ce qui justifie, poursuit-il « l’engagement du garde des sceaux, à œuvrer pour l’amélioration de la qualité de la prise en charge sanitaire dans les établissements pénitentiaires ». C’est également ce qui a motivé l’Agence pénitentiaire du Bénin à initier en 2019, la première édition de la campagne de dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus. « Cette initiative avait permis de dépister deux cent dix (210) détenues sur un effectif total de deux cent soixante-dix-huit (278), soit une adhésion de 75,54 %. A l’issue, vingt-sept (27) femmes détenues, soit 12.86 % ont été identifiées positives aux différents tests : quatre (4) étaient porteuses de nodules aux seins et vingt-trois (23) autres présentaient des lésions précancéreuses éligibles à la cryothérapie nécessitant une colposcopie et une biopsie», résume le directeur général de l’Apb. A l’en croire, le traitement ainsi que les examens et analyses nécessaires ont été intégralement pris en charge par l’administration pénitentiaire et les détenues concernées ont recouvré leur santé.
Sergino Lokossou