Lorsqu’un prince accède au trône dans le royaume de Danxomè il est tenu d’inventer un rythme pour personnaliser son règne; C’est en respect à cette prescription, que Dada Dègan, alors chef canton de Tindji, a créé le ‘’Vihoun’’ en l’honneur de ses ancêtres. Exclusivement réservé aux descendants de cette lignée royale, ce rythme typiquement cérémoniel se différencie des autres par ses cadences qui s’adaptent à chaque chant entonné.
« Nul ne peut être membre du groupe folklorique de ‘’Vihoun’’ s’il n’est descendant de père et ou de mère Dègan Glèlè » informe sa Majesté Dègan Glèlè Gblangbé, chef canton de Tindji dont l’étendue du pouvoir royal couvre toute la Commune de Za-kpota. Une création artistique spécialement dédiée aux cérémonies de libation en mémoire de Dada Dègan, fondateur du canton de Tindji, le ‘’Vihoun’’ été créée par son fils, successeur au trône, Dègan Glèlè Gbèdozin. L’objectif est de rendre hommage à son feu père. La chorale et le chœur sont composés uniquement de ses enfants, de ses petits-fils et arrières petits fils. « Vous ne verrez personne d’autres jouer ce rythme que les descendants de Dada Dègan », insiste le souverain de Za-kpota. A vocation cérémonielle, ‘’Vihoun’’ n’est pas une danse populaire si bien que très peu de jeunes le connaissent. Sa sortie est conditionnée par une autorisation de la cour royale et des ancêtres suite à des rites coutumiers effectués sur la tombe du premier chef canton. « Le rythme ne sort pas n’importe comment, n’importe où et à n’importe quel moment. Il ne sort qu’après avis favorable des ancêtres (esprit du premier canton) », précise-t-il. Il poursuit ses explications en ajoutant que la permission est sollicitée s’il s’agit d’une cérémonie de libations en son honneur. « Il ne sort pas lors des mariages, des cérémonies funèbres, des réjouissances populaires ou pendant une animation quelconque. Jamais ! », martèle-t-il. A l’allée comme au retour, le même rituel est fait. Il est conduit par des personnes averties. « Seuls le chef canton en exercice assisté de son Migan, Fagla, Axônonvi et aussi des enfants initiés qui peuvent conduire une telle libation ».
Une dérogation de principe de base
Malgré cette interdiction formelle d’animer une manifestation autre que les cérémonies de prières et de libations en l’honneur des ancêtres Dègan, une ouverture est tout de même tolérée pour satisfaire à certaines demandes venant des autorités et du public pour faire aussi la promotion et la connaissance du rythme à la jeune génération. « Depuis un certain temps, le rythme est fortement sollicité. D’où son ouverture au public pour ne pas enfermer la culture », justifie sa Majesté Dègan Glèlè Gblangbé. Ainsi donc, le rythme a participé à plusieurs reprises au festival de Danxomè dont Dègan est membre de l’organisation et lors des manifestations où Dègan est invité. « Ce n’est qu’à ces occasions que le rythme peut franchir le portail de la collectivité Dègan pour se retrouver dehors », clarifie le chef canton de Za-kpota tout en faisant cette nuance. « Si une autorité le sollicite pour une réception d’envergure, on peut lui faire cet honneur, mais ce n’est pas tout le temps ». En dehors du cercle coutumier, ‘’Vihoun’’ a fait sa toute première apparition en public lors de l’inauguration de l’hôtel Sheraton au cours de laquelle les membres du groupe ont passé un séjour d’une semaine à égayer les hôtes du gouvernement. Leurs prestations leur a valu à l’époque une invitation en Europe où le rythme a traversé les frontières pour aller représenter le Dahomey d’alors. ‘’Vihoun’’ a aussi marqué sa présence au cours des retrouvailles des filles et fils de Za-Kpota dont les Dègan. « A cette occasion, c’est normal que le rythme sorte. Les natifs de Za-Kpota sont des descendants de Dègan. On ne peut pas célébrer cette retrouvaille sans que le premier chef canton, Dègan, ne soit honoré », détaille sa Majesté Dègan Glèlè Gblangbé. L’autorité royale va plus loin en apportant ces précisions. « Le rythme ne devrait être joué qu’en présence effective du chef canton. Mais ne pouvant pas s’asseoir devant le public, il peut se faire représenter par la recadre soigneusement entretenue dans une étoffe puis posée dans un fauteuil».
L’originalité du rythme conservée
Selon les archives de la cour royale, le canton de Tindji est crée en mars 1900 par le Colon après la chute de Danxomè. Mais il a fallu attendre 1934 pour découvrir le rythme ‘’Vihoun’’. Une création artistique de Dada Dègan Glèlè Gbèdozin qui a fait sa sortie officielle pour l’ultime hommage au premier chef canton. Bien qu’ayant traversé plusieurs générations, cette percussion traditionnelle a sauvegardé toute son identité culturelle. Elle n’a rien perdu de son enthousiasme d’antan et continue de faire la fierté des filles et fils de Za-Kpota jusqu’à nos jours. Son chœur est constitué des instrumentistes, des chanteurs et des danseurs. Parmi les instruments, on distingue deux tam-tams dont un petit et un grand. Sur la surface du géant tambour, avant de le jouer, on y passe de façon cérémoniale un produit dénommé ‘’Awon’’ pour obtenir la tonalité souhaitée. D’où le nom ‘’Awonhoun » encore attribué à ce même rythme ‘’Vihoun’’. Trois gongs et des castagnettes les accompagnent. A l’instar de Kotodja, et Gbindoun, le Vihoun Awonhoun est une danse d’ensemble au cours de laquelle les danseurs exécutent les cadences qu’imprime la musique. Ils sont du même genre pratiquement. Les tam-tams guident les danseurs. « Tu peux avoir n’importe comment la maîtrise de toutes les danses. Mais si tu entres dans le cercle de ‘’Vihoun’’ tu ne peux pas danser si tu n’es pas un habitué. Ce n’est pas une danse de tous les jours Il faut nécessairement être né dedans. N’importe qui ne peut ni jouer ni danser. Chaque chant entonné à son rythme et son mouvement. C’est cela la particularité par rapport aux autres rythmes populaires ou non », renseigne l’actuel locataire du canton de Za-kpota.
Un encadrement rigoureux pour une relève assurée
Le rythme ‘’Vihoun’’ laisse entrevoir toute sa beauté artistique et sa splendeur au public grâce à un travail coordonné des hommes de l’ombre. Du récit de sa Majesté Dèga Glèlè Gblangbé, on retient par exemple que la chorale était confiée à Ahônonvi Houégbèlo de Zounmè. Mais aujourd’hui, c’est plutôt Zihoun Dègan (animateur principal) qui s’en occupe sous le couvert de Pascal Adjahouénou, petit fils de Dègan qui, lui, est investi principalement de la mission d’encadrement. Les séances de répétition se tiennent à l’approche des cérémonies précisément dans la première quinzaine du mois de décembre de chaque année. Elle a aussi lieu si nécessaire dans la semaine d’une sortie officielle. Quant à la relève, elle est assurée. D’ailleurs, comme l’indique si bien le nom du rythme ‘’Vihoun’’, c’est-à-dire pour les enfants, ne souffre pas d’insuffisance d’acteurs. Au fur et à mesure que les enfants naissent, on les entraîne à ce rythme et ils s’y habituent dès leur bas âge. « Personne n’est épargné. Pourvu que tu sois descendant de Dègan, de mère ou de père on t’embarque dedans », souligne Gblangbé. Les écoliers, élèves collégiens et étudiants membres sont permissionnaires lorsque le groupe reçoit une invitation de sortie qui nécessite la présence de chacun et de tous. Ils retournent dans leurs classes respectives à l’issue du spectacle. Les démarches administratives pour obtenir la permission de ces apprenants sont faites par les responsables de la troupe. C’est dire donc que les descendants de Dègan sont très organisés autour de leur héritage.
Zéphirin Toasségnitché (Br Zou-Collines)