Dans un communiqué de presse en date du 13 décembre 2021, le département d’Etat américain a exprimé ses inquiétudes relativement à la situation des opposants béninois après les condamnations de Frédéric Joël Aïvo et Reckya Madougou. Cette position du pays de l’oncle Sam paraît totalement incompréhensible pour qui suit bien l’actualité de ce pays, où l’acquittement du meurtrier Kyle Rittenhouse le 19 novembre dernier par le tribunal de l’Etat du Wisconssin, divise le pays.
Les Etats-Unis, à travers le département d’Etat américain, s’est visiblement mépris en s’érigeant en donneur de leçon dans son récent communiqué de presse sur la situation politique au Bénin. S’il est vrai qu’on ne saurait dénier le droit à un pays d’émettre son appréciation ou de faire sa lecture sur ce qui se passe dans un autre Etat, il n’en demeure pas moins qu’un minimum de raison et d’objectivité doit guider cette démarche. Sur leur dernière note où ils ont exprimé des inquiétudes après les procès de « complot contre la sûreté de l’Etat et blanchiment de capitaux » et « complicité de financement du terrorisme » à l’issue desquels Frédéric Joël Aïvo et Reckya Madougou ont été respectivement condamnés à 10 et 20 d’emprisonnement. Les Usa sont visiblement passés à côté de la plaque. En effet, les Usa continuent d’essuyer des critiques et de recevoir des volées de bois vert après l’acquittement, le 19 novembre dernier, du sieur Kyle Rittenhouse, un jeune américain qui avait tué deux manifestants et en avait blessé un autre avec une arme automatique en août 2020, en plein mouvement « Black Lives Matter », à Kenosha, dans l’Etat du Wisconsin. Le jeune meurtrier blanc de 18 ans, qui encourait la réclusion à perpétuité, avait été placé en détention préventive. Il est inculpé de deux chefs d’accusation d’homicide, d’un chef d’accusation de tentative d’homicide, de deux chefs d’accusation de mise en danger inconsidérée, d’un chef d’accusation de possession illégale d’une arme à feu et d’un chef d’accusation de violation du couvre-feu. Lors de son procès qui s’est déroulé du 1er au 19 novembre 2021, Kyle Rittenhouse a invoqué la légitime défense. Le juge Bruce Schroeder y fera droit puisqu’il va rejetter les accusations de possession illégale d’une arme à feu et de violation du couvre-feu pendant le procès. Le jury a déclaré à l’unanimité Rittenhouse non coupable des autres chefs d’accusation et prononcé son acquittement au grand dam des parents des victimes et des activistes des droits de l’Homme. A la suite de ce verdict, des manifestations ont éclaté dans plusieurs Etats américains pour dénoncer la ‘’parodie de justice’’ Pour certains, il s’agit d’«un déni de justice ». D’autres parlent encore « abus du droit de légitime défense ». Même le président Joe Biden a dit prendre acte de ce verdict suicidaire, avant de se raviver dans un communiqué : « le verdict à Kenosha laisse de nombreux Américains en colère et inquiets, moi y compris » a-t-il regretté.
Etats-Unis-Bénin : deux Nations, deux approches différentes
Le verdict dans l’affaire Rittenhouse laisse pantois. Il sonne comme une négation de la sacralité de la vie. Il a fortement mis à mal l’image de la Nation réputée être la plus vieille démocratie au monde. Comment un pays qui prône certaines valeurs et qui est très regardant sur des questions de droits de l’Homme peut se méprendre de cette manière ? C’est la question que se posent, beaucoup d’observateurs avertis de l’actualité américaine. Ces récriminations ne suffiront malheureusement pas à étouffer la douleur des parents de victimes tombées sous les balles d’un jeune dont les facultés mentales n’ont pas été mises en défaut. Le Bénin n’a certes pas la même maturité que les Etats-Unis, mais il n’est pas moins pointilleux sur les questions de droits de l’Homme et de protection des libertés publiques et individuelles. Les procès Frédéric Joël Aïvo et Reckya Madougou sont une illustration de l’importance et du prix que le Bénin, à travers sa justice, accorde aux questions liées à la vie. Le verdict prononcé, quoique sévère, est à la mesure de la gravité des actes envisagés par les mis en cause et leurs proches et dont la commission aurait provoqué de graves bouleversements au sein de la République. Il serait prétentieux de dire que le Bénin est exempt de tout reproche, mais le « donneur de leçon » se doit de bien se mirer, avant de formuler des griefs contre sa cible.
Abdourhamane Touré