La filière anacarde est l’une des filières à haute valeur ajoutée dont la promotion est consignée dans le programme d’actions du gouvernement (Pag) en raison de sa forte capacité à contribuer à la création d’emplois et de revenus, sa contribution à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et sa grande opportunité pour l’exportation.
L’anacarde est le 2ème produit agricole d’exportation du pays après le coton et fournit 3% du produit national brut (Pnb), et 25% des revenus de l’agriculture d’exportation. Présente dans tous les sept (07) pôles de développement agricole du pays, l’anacarde est classé parmi les cultures à forte valeur ajoutée qui cristallisent la politique agricole du Bénin. Les activités de production, de transformation et de commercialisation de cajou participent de façon subséquente à l’objectif de diversification du sous-secteur agricole faisant de l’anacarde une filière qui compte de plus en plus à travers les campagnes agricoles. Au recensement national de l’agriculture de 2019, environ 147 270 exploitations se consacrent à la filière, soit 10% de celles pratiquant la production végétale et 50% de celles disposant de plantations de cultures pérennes comme le palmier, le cocotier, les agrumes, le manguier et autres. Selon la dernière enquête sur la production de l’anacarde réalisée en 2023, les exploitants de verger d’anacardier ont un âge moyen de 50 ans et ne sont constitués que de 10% de femmes. Près de neuf producteurs sur dix sont dans la culture de l’anacarde depuis plus de cinq ans. Les exploitants faisant leurs premiers pas dans l’activité ne représentent que 0,10 %.
Main-d’œuvre familiale
Les activités d’entretien et de récolte des vergers absorbent une main-d’œuvre non négligeable que les producteurs puisent essentiellement dans la sphère familiale. En effet, 64% des hommes et femmes travaillant dans les exploitations sont les actifs du ménage du propriétaire du verger contre environ 30% de travailleurs journaliers rémunérés à la tâche. Les salariés permanents ou saisonniers représentent respectivement 3% et 4% des emplois utilisés. En dehors de l’exploitation de parcelles de cajou, la plupart des producteurs s’adonnent à d’autres activités agricoles dont les cultures vivrières qui constituent l’activité principale de plus des deux tiers d’entre eux. L’anacarde étant la principale source de revenus d’environ 15% des propriétaires de vergers.
Réorganisation de la filière
Le poids de plus en plus croissant, depuis 2016, de la filière anacarde dans la mobilisation des devises à travers les exportations est l’une des raisons qui ont poussé le Président Patrice Talon à demander la réorganisation de la filière. Selon Hermann Imali Djetta, président de la Chambre Nationale d’Agriculture, la contribution de la valeur des exportations globales du Bénin n’est plus négligeable. Seulement, a-t-il fait remarquer, la filière est dominée par les exploitations familiales agricoles et les initiatives de transformation n’arrivent pas à transformer toute la production nationale. «Le plus grand volume de production est exporté. Cette situation ne correspond pas à la politique d’industrialisation actuelle du gouvernement du Bénin, qui a décidé que la totalité des produits agricoles de rente soit transformée au niveau national, ne serait-ce que la transformation primaire. À partir de cet instant, l’organisation et la structuration des acteurs agricoles constituent un élément clé pour garantir les liens d’affaires, ainsi que l’accès aux facteurs de production, au financement adéquat, aux divers services agricoles et à l’accès à un marché rémunérateur », a expliqué Hermann Imali Djetta. Selon la dernière enquête sur la production de l’anacarde réalisée en 2023, en matière de structuration de la filière, près de 43% des exploitants sont affiliés à une organisation professionnelle agricole. La principale faîtière étant la Fédération nationale des producteurs d’anacarde du Bénin (Fénapab). Elle s’est assignée comme mission de contribuer à la promotion de la filière anacarde et assurer la bonne coordination des organisations de producteurs au Bénin. A ce titre, elle défend les intérêts de tous les producteurs d’anacarde membres et non membres en vue d’améliorer leurs revenus et les conditions de travail. A travers son agrément en conseil agricole, elle développe un panel de services variés prioritairement au profit de ses membres de même qu’aux producteurs non membres. Elle assure, entre autres, l’encadrement technique des producteurs avec d’autres acteurs notamment l’Atda4, les Ong et les projets. Selon les résultats de l’enquête, environ un exploitant sur trois est touché par les appuis de ces acteurs qui sont essentiellement des formations sur l’entretien des vergers, les techniques de récolte et de commercialisation groupée, la vie coopérative et la réhabilitation des anciennes plantations.
Impact de la réorganisation de la filière
Aujourd’hui avec 45 communes de producteurs d’anacarde et 1255 coopératives réparties dans 1255 villages, la Fénapab prend une part active dans la réorganisation de la filière tant souhaitée par le gouvernement du président Patrice Talon. À en croire, Sahadatou Atta Kakayitchi, présidente de la fédération nationale des producteurs d’anacarde du Bénin (Fénapab), ces coopératives représentent 168 318 producteurs membres de la fédération nationale des producteurs d’anacarde (Fenapab) dont 24 430 femmes. Les plantations de la fédération couvrent une superficie totale de 476 815 hectares pour une production annuelle estimée à 225 810 tonnes de noix brutes de cajou. « Aujourd’hui, nous réaffirmons notre engagement à assurer que toutes les noix de cajou soient commercialisées à travers le mécanisme consensuel de vente groupée mis en place », informe-t-elle à Bassila au lancement de la campagne nationale de commercialisation de la noix de cajou au titre de 2024-2025.
Zones de concentration
La taille moyenne des plantations est de 2,2 ha avec la moitié des plantations ayant moins de 1,7 ha Les plantations d’anacardiers sont concentrées dans les départements de la Donga, des Collines, du Borgou et de l’Atacora. Le pole 4 abrite d’ailleurs plus de trois quarts des exploitations du pays. La taille moyenne des exploitations est de 2,2 ha dans le pays. En dehors des Pda 2 et Pda 3, les exploitations des autres Pda ont une taille moyenne de moins d’un hectare. Le Pda 4 est le seul dont les exploitations ont une taille moyenne au-delà de la moyenne nationale. En outre, on note que la moitié des plantations au Bénin ont une taille inférieure à 1,7 ha. Environ la moitié des plants d’anacardier sont aujourd’hui âgés de 10 à 20 ans et une parcelle sur cinq a été mise en place lors des trois dernières années. Pour booster la productivité de la filière, la mise aux normes des anciennes plantations par les opérations d’élagage, d’éclaircie, de sarclage et autres entretiens sont promus un peu partout dans la zone de production. Le Pôle de développement agricole 4, cœur de la zone de production de l’anacarde au Bénin. Le potentiel de production représente l’ensemble des arbres en âge de production de toutes les exploitations du pays. Il s’agit donc de l’effectif des arbres âgés de trois ans et plus qui s’établit à 42 887 014 arbres producteurs lors de la campagne agricole 2023-2024. Plus de 76 % des plants ayant produit lors de cette campagne se retrouvent dans le pôle 4.
Une production en progression et un boom industriel
Au cours de la campagne 2023-2024, la production de l’anacarde est estimée à 203 844 tonnes. Le pôle 4 détient à lui seul 77,45% de la production nationale suivi du pôle 2 qui contribue pour environ 20% à la production nationale. Le rendement moyen à l’arbre est évalué à 4,75 kg. En 2023 les exportations de noix brutes ont généré 468 millions de dollars, grâce à une forte demande internationale. Pour la campagne de commercialisation de la noix de cajou dont le top a été donné le 30 janvier 2025 et sera clôturée vendredi 31 mai 2025 prochain, le prix homologué est de 375 fcfa/kg, incluant 5 fcfa pour les fonctions critiques. La production nationale est passée de 201.000 à 225.000 tonnes (+12%), vise 300.000 tonnes en 2026.
L’engagement du gouvernement en faveur de la transparence et de la régularisation du marché est un atout majeur pour la pérennité du secteur. Les actions visant la réhabilitation des anciennes plantations et l’application des bonnes pratiques agricoles ont permis d’avoir cette production agricole. La vision du chef de l’Etat est de promouvoir le développement agricole et son leadership ont été des sources d’inspiration pour tous les acteurs. Il invite les structures à avancer vers cette campagne avec patience et ambition tout en étant des ambassadeurs de cette filière pour la faire briller sur la scène nationale et internationale. « L’option faite par le gouvernement de promouvoir l’industrialisation de notre pays pour la création d’emplois et de richesse à travers le développement des filières agricoles engage l’Interprofession de la filière anacarde qui est le cadre de concertation des deux familles d’acteurs à savoir la Fenapab, le Conseil national des transformateurs de cajou (Cntc) pour assurer la commercialisation en un système groupé et la transformation de la totalité du volume de la production nationale de la noix d’anacarde au Bénin », indique Léopold Lokossou. « La transformation au plan local de toute la production nationale des noix de cajou du Bénin est une préoccupation du gouvernement. Nous gardons espoir que cette volonté ne restera pas un simple vœu », a rassuré Charles Kayembe, président du Conseil national des transformateurs de cajou (Cntc). Les acteurs se sont engagés à faire le nécessaire pour faire évaluer les balances à utiliser dans le cadre de cette campagne par l’Agence nationale de normalisation, de métrologie et du contrôle qualité. D’un autre côté tous les acteurs et maires sont invités à accompagner les structures de l’Etat dans le cadre de la lutte contre les sorties frauduleuses des productions afin de préserver les efforts communs et de relever le défi de performance de la filière.
Transformation
Il faut préciser que les unités de transformation ne tournent pas encore à leur plein potentiel. La transformation des noix de cajou reste l’autre maillon en pleine mutation de la filière. Selon les données du Conseil national des transformateurs de Cajou (Cntc), sur une capacité installée d’environ 65 000 tonnes pour la transformation des noix de cajou (14 unités de transformation dont 3 non fonctionnelles entre 2022 et 2023 pour la transformation des noix de cajou), 19.100 tonnes et 26. 035 tonnes ont été transformées respectivement en 2022 et en 2023. A ces unités, s’ajoutent celles installées au niveau de la Gdiz pour la transformation des noix de cajou dont les capacités sont de 120 000 tonnes par an et qui ont transformé 57 000 tonnes de noix de cajou au titre de la campagne 2022-2023 selon les données de la Société d’Investissement et de la Promotion de l’Industrie (Sipi).
Par ailleurs, les unités de transformation des pommes en jus existent dans le pays (25 unités en 2022 et 2023) et qui ont permis de transformer respectivement 225 tonnes et 250 tonnes de pommes en 450 000 et 500 000 bouteilles de 25 cl respectivement en 2022 et 2023 selon la Cntc. Au niveau de la Gdiz, 1200 tonnes d’amandes transformées ont été exportées selon la Sipi.
Sergino Lokossou