Aurélien Agbénonci, l’ancien ministre des Affaires étrangères qui a servi durant sept (07) ans (2016-2023), le président Patrice Talon, s’en est pris dans une récente interview qu’il a accordée à Rfi, à la gestion de la diplomatie du pays, notamment la récente décision d’interdiction d’embarquement du pétrole nigérien. De l’avis de plusieurs observateurs de la vie politique béninoise, cet ancien collaborateur du président Talon qui s’est réveillé tardivement a raté une belle occasion de se taire et fait preuve d’aigreur.
Celui qui se fait passer pour donneur de leçons s’est dit surpris de la décision du pouvoir de Cotonou qui a imposé un blocus sur l’embarquement du pétrole nigérien. « J’étais un peu surpris d’apprendre que le gouvernement du Bénin adopte une telle mesure. Je pensais qu’on était dans une démarche d’apaisement et de retour à la sérénité », a laissé entendre l’ex-patron de la diplomatie béninoise. Une déclaration qui n’apporte visiblement rien de nouveau en termes de solution à cette crise qui secoue les deux nations qui ont des liens historiques et sociologiques très forts.
Après avoir servi des années durant le chef de l’État Patrice Talon, l’ex-ministre des Affaires étrangères a tenté de critiquer les nouvelles options diplomatiques du pouvoir Talon. En effet, l’homme donne l’impression d’être complétement coupé des réalités du Bénin et d’un gouvernement duquel il a été éjecté, il y a à peine une année. Un recul permet à plus d’un de voir la réalité qui émerge de son intervention sur Rfi. Il a juste voulu afficher son aigreur et opposition au régime du président Talon. Ce qui se traduit par ses rires narquois vers la fin de l’interview. Il a certes souhaité que les parties béninoises et nigériennes ramènent la balle à terre, mais quand il dit s’être étonné, il semble dire que les choses seraient meilleures s’il était encore aux affaires. Ministre des affaires étrangères en poste au fort moment de la crise entre le Bénin et le Nigéria sous le règne du président Buhari avec la fermeture des frontières et leurs conséquences sur l’économie du pays, il n’a pu faire grand-chose. Dans la crise actuelle, le Bénin n’est pas resté inactif, et Agbénonci semble vouloir prouver le contraire. Il suffit de le suivre attentivement pour comprendre sa posture de censeur puritain de la diplomatie béninoise et du fonctionnement de la Cedeao. On voit bien dans son intervention médiatique qu’il est aisé pour ceux qui sont à la touche d’apprécier ceux qui sont à la manœuvre.
Règlement de comptes
« Aurélien Agbénonci vous avez été pendant sept ans le ministre des Affaires étrangères du président Talon et puis tout à coup, l’année dernière, en dehors de tout remaniement gouvernemental, on a appris votre départ par un simple communiqué. Qu’est-ce qui s’est passé ?, a questionné le journaliste. « J’ai servi le gouvernement de la République, le moment était venu peut-être de passer à autre chose. Je suis passé à autre chose », a répondu l’ex-patron de la diplomatie béninoise. « Vous avez démissionné ou le président vous a demandé de partir? » : « je suis passé à autre chose (rire). » « Et dernière ce rire, il y a que vous auriez bien aimé rester à votre poste? » : « je suis passé à autre chose (rires). Il faut avoir le sens des pages qui se tournent et les pages ont été tournées. Voilà…. » Dans les réponses laconiques qu’il a apportées aux questions du journaliste Christophe Boisbouvier, on a senti un ministre frustré qui n’a toujours pas digéré son limogeage du gouvernement Talon. Mieux, il a montré sa soif de parler et de régler visiblement ses comptes avec son ancien patron. C’est une manière pour lui de certainement se repositionner pour aller contre sa politique. Des propos qui confirment qu’il y a des quiproquos. Cette posture d’Aurélien Agbénonci justifie à suffisance ce que pensent nombre d’observateurs. Avec son expérience dans le milieu diplomatique, il devrait garder le silence au lieu d’exposer de la sorte ses rancœurs envers son ancien patron. Ça frise de l’amateurisme politique. Des déboires entre président et collaborateurs, on en a connu dans ce pays. Mais jamais on n’a vu un ex-ministre adopter cette posture. L’exemple de Boni Yayi et du ministre Pascal Koupaki est encore vivace dans les mémoires.
Manque de volonté affichée du Niger
Le gouvernement béninois a fait usage de toutes les cartes diplomatiques en sa possession pour faire entendre raison aux autorités nigériennes. Des actes forts ont été posés par le Bénin pour normaliser ces liens forts qui existent entre les deux pays depuis des décennies. Les autorités du Niger ont préféré adopter une posture radicale. Ils ont fait preuve de peu de prudence et de réflexion, en refusant de tenir compte à la fois des impératifs diplomatiques et économiques afin d’ouvrir les frontières à leur niveau. La dernière décision du gouvernement qui fait polémique même si elle est surprenante doit s’analyser comme une manière pour le Bénin de s’afficher et de faire prévaloir sa souveraineté et son honneur que la junte au pouvoir au Niger semble bafouer. Leur pipeline est implanté sur le territoire du Bénin et le Niger ne peut en aucun cas l’inaugurer en laissant de côté les autorités béninoises. Au-delà de ce conflit, l’attitude du Niger est purement et simplement un mépris, et pourtant les règles élémentaires de la diplomatie demandent de ne pas tourner dos à un pays dans lequel on a des intérêts qui touchent directement à l’économie.
Abdourhamane Touré