Gisèle Sèwadé Gbondjého est une entrepreneure agricole et commerçante, originaire de la Commune de Djakotomey. Femme politique et leader de mouvements féminins dans sa localité, elle fait partie des premières femmes activistes ayant soutenu la candidature et l’élection de Patrice Talon en 2016. Gisèle Sèwadé a également été militante connue de l’ex-Parti social démocrate (Psd) de Bruno Amoussou avant la naissance de l’Union progressiste devenue plus tard Union progressiste Le renouveau. A l’issue des élections législatives de janvier 2023, elle est élue députée à l’Assemblée nationale sur la liste Up le renouveau dans la 11ème Circonscription électorale constituée des Communes d’Aplahoué, de Djakotomey et de Klouékanmey. Dans le cadre de notre initiative qui consiste à vous conduire dans les secrets des 29 femmes députées, l’élue parlementaire Gisèle Sèwadé est la deuxième que nous recevons pour vous.
Le Matinal : Qu’est-ce qui vous a motivée à venir en politique ?
Gisèle Sèwadé : Se battre pour les ‘’minorités’’ a toujours gouverné mes actions depuis que j’étais toute jeune. Mon engagement dans la politique s’est inscrit dans la même ligne. Les femmes sont majoritaires du point de vue démographique mais sont minoritaires quand il s’agit de parler de la cité. C’est à ce paradoxe que mon combat politique répond. Et ceci aux côtés des ainés qui nous ont transmis l’amour de la chose politique. Participer à l’éveil et à l’émancipation de la femme et de la fille est devenue mon leitmotiv.
Parlez-nous de vos premiers pas dans la politique. Comment-est ce que cela a commencé ?
Mes premières expériences de militantisme politique ont commencé avec la création de l’ancien Parti social démocrate du président Bruno Ange-Marie Amoussou au début des années 1990. Mais il convient de noter qu’avant cet engagement au vrai sens du terme, je menais déjà des actions politiques dans les années 1972 aux côtés de mon père Sèwadé Gbondjèho Michel qui a été Commissaire du peuple (député) à l’Assemblée nationale révolutionnaire aux première et troisième législatures pour le compte du Grand Mono et maire après. En un mot, il a été celui qui m’a inspirée à servir la communauté, la Nation et la République. C’est d’ailleurs ce qui a fait que j’ai commencé précocement à m’y intéresser déjà en classe de 4ème. Une réelle passion !
Alors, en politique, tout est rose pour les femmes ?
Nulle part dans le monde entier, l’engagement de la femme en politique n’a été un long fleuve tranquille. Au Bénin, notre sociologie et notre culture ne facilitent pas non plus la tâche aux femmes qui ont choisi de faire de la politique. Ce milieu étant considéré comme un milieu masculin par excellence. Tôt dans le cocon familial, les tâches assignées à la femme la relèguent en seconde zone. Or la femme est une actrice non moins importante de l’épanouissement du foyer et du développement du pays. C’est d’ailleurs le lieu de rendre un vibrant hommage à toutes les femmes du monde entier, du Dahomey puis du Bénin, qui ont mené avec détermination et conviction les combats dont nous jouissons aujourd’hui des fruits. Ces combats d’hier nous appellent à un devoir à redoubler d’efforts aujourd’hui pour que le cap soit maintenu aujourd’hui et demain pour le rayonnement de notre société. Et dans cette dynamique, nous saluons les réformes courageuses conduites depuis 2016 par le Président Patrice Talon et son gouvernement. Réformes qui, à plusieurs égards, ont permis aux femmes de se sentir davantage concernées par les questions liées à la gestion de la cité. Cette année, ces réformes ont permis d’avoir près de 27% des sièges au Parlement pour les femmes (29 sièges/109).
Parlez-nous d’un évènement qui vous a marqué en politique depuis vos débuts ?
Parlant d’événements marquants en politique, je puis dire que la politique elle-même est marquante. Je veux parler des échecs et des réussites par endroits. La politique évolue comme la vie évolue. Vous apprenez et vous continuez la marche.
Quelles ont donc été les difficultés rencontrées dans ce parcours politique ?
Le chemin politique est parsemé de difficultés qui sont d’ailleurs inhérentes à l’essence même de la politique. Mais l’inégalité genre, la non maîtrise des questions de leadership et de militantisme, sont tant de difficultés que notre parti politique et les différents projets mis en œuvre au profit des femmes ont participé à corriger. Mais le plus difficile est la conciliation de la vie politique et de la vie dans le foyer. Les deux domaines ont des exigences qui des fois, sont contradictoires. Les heures de réunions politiques peuvent s’étendre jusqu’à tard dans la nuit. Si votre conjoint ne vous comprend pas et vous accompagne dans votre élan, votre engagement va en souffrir. Plusieurs femmes aguerries ont abandonné à cause des difficultés de ce type.
Comment avez-vous pu surmonter ces difficultés en tant que femme ?
En tant que femme, j’ai pu surmonter ces difficultés par l’amour, la persévérance dans mes décisions et la poursuite de mes objectifs. Mon époux a été toujours un soutien indéfectible qui ne m’a pas fait défaut dans mon engagement.
Autour de vous, qui sont ceux qui vous ont tenu la main dans ce parcours ? Un parrain ?
Ceux qui ont tenu mes mains sont nombreux : mes parents, mes leaders politiques et mes camarades de lutte. Ils continuent d’être là.
Qu’avez-vous à dire aux filles et femmes qui ont peur d’entrer en politique à cause des intrigues, des guerres de leadership et autres ?
Les filles et les femmes doivent savoir qu’elles sont des êtres humains et qu’elles ont de grands rôles à jouer sur la terre et dans la société. Chaque individu doit se voir comme un missionnaire sur terre. Tenir compte de ce qui se passe autour de soi et ne pas s’impliquer dans la gestion de la communauté, c’est participer inconsciemment à la destruction de cette société.
Avez-vous le soutien de votre conjoint ? Comment conciliez-vous activisme politique et vie de femme au foyer ?
Comme je l’ai dit plus haut, mon mari me soutient. Il me conseille beaucoup surtout sur le leadership féminin et m’encourage. L’activisme politique étant un élément de la vie humaine, sa conciliation avec mes obligations du foyer n’est pas difficile. Le rôle de la femme dans le foyer est un rôle obligatoire et fait partie du leadership féminin et politique.
Vous avez quitté la base pour le Parlement, ne vous sentirez-vous pas loin des femmes et des jeunes dont vous comptez défendre les intérêts ?
Pas du tout. Le Parlement n’est que la plateforme où se prennent les grandes décisions politiques pour le présent et l’avenir du pays. L’essentiel de ces décisions émanent des aspirations du peuple et donc de la base. Nous députés, ne sommes que la courroie de transmission entre le sommet (Assemblée nationale et Gouvernement) et la base. Nous sommes au service des populations et surtout en tant que femme parlementaire, nous sommes plus encore au service des femmes et des jeunes.
Personnellement, je suis fréquente dans ma circonscription électorale aux côtés de mes mandants et partout sur le territoire où le besoin se fait sentir pour soutenir des actions en faveur de ces couches et recueillir les préoccupations qui méritent d’être étudiées par notre groupe parlementaire et notre parti l’Up Le renouveau. C’est notre devoir. C’est pour cela que nous nous sommes engagée.
Et si on vous demandait de nous dire les valeurs qui vous déterminent ?
Travail, persévérance, tempérance, loyauté, solidarité et humilité me définissent le plus.
Aujourd’hui, il y a de plus en plus de femmes dans les instances de décisions. En témoigne le nombre d’élues femmes au Parlement. Ne craignez-vous pas un conflit avec les hommes ?
En réalité, les hommes doivent se réjouir d’avoir des femmes dans les instances de décisions. Ce n’est que justice à cette majorité devenue par la force de la tradition et de la culture, une minorité malgré elle. Nous ne venons pas prendre la place des hommes. Nous prenons juste notre place à leurs côtés. Ensemble, nous bâtirons une meilleure société. Plus juste et plus équitable. C’est le Bénin, l’Afrique et le monde qui gagnent.
Comment comptez-vous contribuer à la promotion de la femme dans les instances de prise de décisions ?
En créant de réelles opportunités de formation, de sensibilisation et de mobilisation des femmes dans la vie politique. Je travaillerai avec mes collègues à œuvrer au renforcement du mécanisme de promotion des femmes dans notre pays.
La réussite de notre mandat aussi est un argument solide qui militera en faveur de la promotion davantage des femmes. Et ce challenge, nous comptons le relever pour la femme béninoise et africaine.
Quels sont les actes que vous avez prévus pour la lutte contre les Violences basées sur le genre au Bénin ?
Par rapport aux actes de Violences basées sur le genre, j’ai opté sensibiliser et faire sensibiliser à travers des structures compétentes en la matière et autres organisations non gouvernementales. Nos populations ont besoin des informations et de la formation sur ces thématiques. Les femmes et filles ont besoin de savoir à qui s’adresser pour signaler ces types de cas pour décourager ce phénomène dans notre société.
Les réseaux sociaux et les plateformes numériques font aujourd’hui le lit à plusieurs autres formes de violence à l’égard du genre. Nous devons arriver à faire du numérique un atout mais pas un autel pour sacrifier la femme et son avenir. Des actions fortes sont pensées dans ce sens.
Quel est votre défi pour cette Législature ? Une loi à porter au cours de votre mandat ?
Le grand défi qui m’attend au cours de mon mandat est d’œuvrer pour l’aboutissement de ma mission parlementaire. Il y a une multitude d’actions à mener. Nous travaillons d’ailleurs depuis notre prise de fonction à mieux répondre aux attentes de la Nation. A titre personnel, dès que nos réflexions aboutiront sur la prise d’une loi dont nous tiendrons le leadership, vous en serez les premiers informés. Nous priorisons l’action.
Entre le sport, les loisirs, la lecture, la musique… quelle est votre préférence ?
J’aime tout ce qui participe à l’équilibre de l’être humain. La musique, les loisirs, les voyages, la lecture permettent de nourrir l’âme et de s’évader. Le sport entretient le corps et cultive l’esprit d’équipe et de compétition.
Si on devrait vous offrir un plat, lequel vous fera plaisir ?
J’aime la pâte de maïs accompagnée de la sauce graine. Plutôt poisson que viande. Je préfère les bons plats de chez nous.
Un mot à l’endroit des femmes pour conclure cet entretien
Femme ! Ton destin et celui de plusieurs générations sont dans tes mains. Alors lèves-toi, chère sœur, debout chère fille, pour qu’ensemble nous balisions encore un peu plus le chemin pour que la femme entre dans la plénitude de son rôle d’actrice du développement.
Et pour cela nous devons nous engager davantage car cette lutte personne ne la fera à notre place. On aura beau créer les meilleures conditions pour nous, si nous ne nous levons pas et prenons conscience, rien ne changera pour nous aujourd’hui et pour les générations à venir. La balle est plus que jamais dans notre camp. Agissons maintenant ! Alors au travail !
Propos recueillis par Estelle Vodounnou (Coll)