(Les regards tournés vers la plénière)
La commission des lois de l’Assemblée nationale a procédé hier, mercredi 3 janvier 2024, à l’examen de la proposition de loi spéciale d’amnistie au profit des personnalités en prison et pour favoriser le retour des compatriotes en exil. C’est par 17 voix contre et 06 pour que la commission présidée par le député Orden Alladatin a rejeté cette proposition de loi.
De sources parlementaires, les 06 votes favorables à l’adoption de la proposition de loi émanent des députés du parti Les démocrates. Il s’agit là d’un premier revers pour ce parti de l’opposition qui met un point d’honneur sur la question de la libération des prisonniers dits politiques et le retour des exilés qui se trouvent être pour la plupart, des membres de leur formation politique. Par ce rejet, les députés de la majorité parlementaire viennent de s’aligner derrière la position du président de la République qui a opposé une fin de non-recevoir à la demande de Boni Yayi de soutenir la proposition de loi et de donner des instructions aux députés de la majorité présidentielle aux fins de son adoption. C’était lors de la rencontre avec la délégation du parti le 27 novembre 2023. Les regards sont désormais tournés vers la plénière qui devra débattre de la question dans les prochains jours ou semaines. De toute évidence, avec le rejet de la commission des lois, les chances d’aboutissement de l’initiative se trouvent minces.
Sans surprise
Le rejet par la commission des lois de la proposition de loi spéciale portant amnistie et/ou abandon des poursuites judiciaires au profit de personnalités politiques pour des faits criminels intervient sans grande surprise. Que ce soit dans le rang des acteurs politiques qu’au niveau des populations, l’on s’attendait visiblement à un tel scénario après les différentes réactions des députés de la majorité parlementaire dont la caution était nécessaire pour faire aboutir l’initiative. Sur la question, le chef de l’Etat a réitéré le 27 novembre dernier son opposition formelle à l’impunité pour les acteurs politiques simplement du fait de leur appartenance à la classe politique. Patrice Talon a soutenu n’avoir pris aucun acte pour contraindre qui que ce soit à l’exil. Il est donc loisible aux compatriotes qui sont partis hors de pays, d’y revenir à tout moment, afin de répondre des faits à eux reprochés devant la justice. Relativement à la proposition de loi d’amnistie, Patrice Talon a indiqué qu’il appartient aux députés d’y donner telle suite qu’il plaira. Personnellement, il a déclaré qu’il ne soutiendra pas la démarche. Une position qu’il a réaffirmée lors de l’entretien télévisé qu’il a accordé aux confrères de la télévision nationale le 23 décembre 2023. « Il s’agit d’une demande folklorique, c’est une demande politicienne et ceux qui sont avisés savent bien que ce n’est pas possible de donner une suite favorable à cette demande…Techniquement, ce n’est même pas possible. », avait martelé Patrice Talon.
La plénière pour trancher
Même si la plénière reste le dernier recours pour trancher le débat, il y a très de peu de chance que la proposition de loi spéciale portant amnistie aboutisse. Il serait très improbable que la position de la majorité parlementaire varie sur la question quand bien même le vote est personnel. Plusieurs députés de la majorité avaient émis des avis qui compromettent les chances d’adoption de la proposition de loi. Le dernier en date est celui de Assan Seibou qui, dans une tribune, publiée fin décembre a relevé les failles de l’initiative de cette proposition de loi. Avant lui, le député Nicaise Fagnon trouve par exemple que la démarche adoptée par ses collègues de la minorité parlementaire est biaisée. Il a notamment déploré la posture catégorique et anti-dialogue des députés du parti « Les démocrates » depuis le début de la 9ème Législature. Autant de facteurs qui laissaient déjà poindre, un échec cuisant de l’initiative. Au regard de tout cela, on se demande si la plénière pourra faire volte-face pour adopter la loi. Dans tous les cas, le rapport de la commission des lois, reste juste une proposition qui ne lie pas la plénière. Il va sans dire que seule la plénière est souveraine et reste libre d’adopter une posture contraire. Quoique rien ne soit impossible en politique, un tel retournement de situation serait surréaliste.
Gabin Goubiyi