L’actualité politique béninoise s’anime depuis quelques semaines au rythme de la fièvre préélectorale. Elle est particulièrement marquée par une ruée de leaders vers les deux grands partis politiques de la mouvance qui se taillent la grosse part des adhésions. Ce spectacle pourrait légitimement faire naître au profit de ces deux formations politiques un sentiment d’assurance dans la perspective des élections en vue. Mais pour l’observateur averti, les clés de la victoire à ce scrutin majeur sont bien ailleurs.
Il est une vérité indéniable que la politique reste et demeure un rapport de forces. Elle est loin d’être un dîner de gala ou une simple partie de plaisir. A quelques encablures des prochaines élections législatives, le mercure politique monte progressivement. Dans certains états-majors, l’heure est à l’enregistrement de nouveaux adhérents. Pour d’autres, la remobilisation des militants et leur mise en ordre de bataille restent les priorités de l’heure. L’enjeu de ces élections n’est plus à démontrer que ce soit du côté de la mouvance présidentielle que de l’opposition. Déjà, le schéma qui se dessine présage d’un scrutin totalement différent de celui du 28 avril 2019 auquel aucun parti de l’opposition n’a participé. La dynamique inclusive prétendument affichée pour les élections du 8 janvier prochain, devrait induire une nouvelle approche de lecture sur ce scrutin. A la volonté du parti Union progressiste Le renouveau de confirmer son hégémonie, s’oppose l’ambition du parti Bloc républicain de renverser la tendance. Pendant ce temps, l’opposition qu’elle soit qualifiée de « modérée », de « partisane » ou de « radicale » travaille à remonter la pente afin de bousculer les certitudes. Sur papier, les partis qui enregistrent actuellement le plus d’adhésions, pourraient, dans une approche mathématiques, être considérées comme favoris. Mais face à la réalité vécue lors de la Présidentielle de 2016 où le candidat Lionel Zinsou, conforté par le soutien des ex-partis du Renouveau démocratique, Renaissance du Bénin et Forces cauris pour un Bénin émergent, soit plus de 70% de l’électorat n’a pu faire mieux que 28,43% des suffrages au premier tour avant d’être battu au second tour avec 34,63% des voix contre 65,37 % pour son challenger Patrice Talon. On se doit donc d’être prudent sur tout calcul systématique avant l’épreuve fatidique. La thèse de l’addition mathématique étant battue en brèche en matière politique, l’on se doit d’être prudent vis-à-vis du tintamarre et du spectacle orchestré autour des ralliements tous azimuts, souvent induits d’une soif de trouver une place au soleil plutôt qu’une volonté d’apporter une plus-value au parti d’accueil. Partir de ce référentiel pour apprécier l’ancrage du parti, pourrait biaiser les statistiques et provoquer des éventuelles crises de diplopie au constat de la réalité.
Le casting, un facteur déterminant
Le positionnement des candidats à une élection n’a jamais été chose aisée pour les partis politiques. Il est souvent fonction des enjeux et des rapports de forces. Dans le cas d’espèce et au-delà des critères classiques et convictions forgées qui ont prévalu en 2019, les concepteurs des listes de candidatures doivent intégrer certains éléments nouveaux qui caractérisent les élections à venir. Déjà qu’elles constituent une compétition d’avant-date pour la Présidentielle de 2026, les Législatives du 08 janvier prochain, ne doivent pas être perçues au sommet des partis comme une balade de vacanciers et ou de touristes. Du coup, le casting à faire doit intégrer les facteurs de représentativité des potentiels candidats dans les Circonscriptions électorales où ils seront positionnés. Il faudra donc arrimer le choix du candidat aux desiderata des populations pour éviter des votes sanctions. Tabler sur des critères fantaisistes qui n’intègrent pas la volonté des masses électorales pourrait engendrer des frustrations préjudiciables au parti. Le positionnement, au-delà des préférences, des jeux de parrainage et de lobby, ne doit pas s’écarter de la volonté des populations. Il faudra également jouer sur la capacité du potentiel candidat à fédérer les électeurs et à ratisser large pour le compte de la formation politique.
La promotion des jeunes
La jeunesse a pendant longtemps servi d’échelle à l’ascension de vieux briscards de la scène politique. Dépourvue de moyens et sans réel point d’ancrage, la jeunesse a souvent été instrumentalisée et confinée dans un rôle de bétail électoral. Depuis quelques années, la dynamique est en train de subir une mutation avec la volonté affichée du président Patrice Talon, de renouveler le personnel politique. Constituant plus de 80% des électeurs, la jeunesse aura comme à l’accoutumée, son mot à dire dans les prochaines élections. Le parti qui fera de la place aux jeunes dans ses positionnements, aura forcément gagné une longueur d’avance sur les partis concurrents.
Le discours, un levier important
Contrairement à ce que laisse entrevoir le jeu des ralliements, la victoire aux prochaines élections législatives ne va pas se décréter sur un coup de tête. Le discours de campagne pourrait à maints égards, faire la différence dans le jeu de conquête de l’électorat. Face à un peuple de plus en plus lucide qui détient sa grille de lecture de l’actualité sociopolitique du pays, le discours qui triomphera sera celui qui apportera une certaine assurance aux électeurs. Verser dans un discours fleuve de récit de litanies d’exploit du régime ou peindre en noir tous les efforts et succès enregistrés depuis quelques années pourrait s’avérer fatal pour les partis ou leurs leaders. Face à un peuple en proie à une quête quotidienne et permanente de survie dans un environnement où le pays se transfigure, seul un discours méthodique, fédérateur et rassurant pourrait être une clé de victoire. Vendre la peur ne ferait qu’en rajouter à la psychose ambiante.
Gabin Goubiyi