La cérémonie de consécration du vénérable Doudédji, prêtre de culte Thron Kpétodéka Alafia, a sonné, le week-end dernier, la grande mobilisation de hauts dignitaires et adeptes de cette congrégation religieuse qui se sont réunis à Cana. Occasion solennelle au cours de laquelle, le vénérable Hounnongan Xôssou Akouègnon a conféré à son filleul Doudédji, le titre de Hounnongan.
Le vénérable Doudédji a intégré le cercle restreint et fermé des Hounnongan de Thron Kpétodéka Alafia de la lignée Kounindédji. Il en a reçu l’onction et la consécration de son père spirituel, le vénérable Hounnongan Xôssou Akouègnon lors d’une cérémonie empreinte de solennité. La conquête de ce titre lui a coûté les yeux de la tête et assez d’énergie. A en croire ses confidences, plusieurs paliers ont été franchis avant d’atterrir dans ce cercle. Il s’est s’armé de détermination et s’est enveloppé de l’esprit Thron pour y parvenir. «Ce n’était pas gagné d’avance. Mais à cœur vaillant rien d’impossible » ,se réjouit-il. Selon les critères, avant d’être candidat à cette consécration, il faut avoir parrainé au moins trois prêtres de culte, connaître, dans les moindres détails, les différentes cérémonies du vodoun Thron, organiser au moins deux cérémonies de ‘’Houétatrotro’’ en l’honneur de la divinité, incarner la patience, l’humilité, la probité et l’intégrité, des vertus sans lesquelles on ne peut accéder à ce fauteuil quelle que soit son ancienneté. « Vous pouvez faire trente ans dans le Thron sans accéder au grade de Hounnongan tout comme vous pouvez faire juste cinq ans pour décrocher ce prestigieux titre», nuance Doudédji. Le tout dépend alors de la volonté, de l’accessibilité, de la disponibilité et de l’engagement de l’aspirant en quête du titre. Tout ceci se déroule sous la coupole d’un père spirituel qui vous suit et vous guide les pas en tenant compte de votre capacité spirituelle et d’assimilation. Remplissant toutes ces conditions, Doudédji est aujourd’hui admis dans la cour des grands du vodoun Thron. Ce fut donc un instant mémorable pour l’heureux du jour.
Le couronnement, une lourde responsabilité
Quatre grandes phases ont marqué le sacre de Doudédji. L’accueil est la première. Elle ouvre le bal des différentes cérémonies du couronnement. Les adeptes et les fidèles, arborés de leur accoutrement, taillé dans un tissu blanc, accueillent triomphalement, sur un angle de rue, les hauts dignitaires devant présider les cérémonies. Ici, ils ont effectué la libation dite ‘’Dja’’ pour implorer tous les esprits de la famille, ceux du milieu hôte et solliciter leur implication, leur participation, leur accompagnement et leur protection. Dans une liesse animée de chants et de danse ‘’Agbadja” en hommage à Thron, le cortège s’est ébranlé vers la maison de Doudédji où attendaient bœuf, bouc, moutons et volailles pour être sacrifiés sur l’autel des divinités. La veillée d’âme, la deuxième étape, celle d’une libation faite aux esprits des morts par tous les Hounnongan présents. Un peu au-delà de minuit, le collège des Hounnongan s’engouffrent dans le temple de la divinité Thron pour mettre sous terre ‘’Houétavodoun’’ suivi des rituels y afférents. Au lendemain, le nouveau candidat au couronnement présente à ses pères spirituels sa dote communément appelée ‘’Kpomègban’’. Une présentation qui fait suite à la prière de ‘’Kpinxixo’’ et de sacrifice à ‘’Zogbé’’ pour renouveler l’alliance avec les esprits des morts sur une table sainte bien garnie. La troisième étape, quant à elle, est consacrée aux rituels de ‘’Lankansiso’’ au cours desquels tous ceux qui sont présents passent devant l’autel pour des consultations et des prières de bénédiction. Les animaux sont par la suite offerts en sacrifice aux divinités pour un témoignage de reconnaissance et solliciter leur couverture. Pendant ce temps, l’heureux du jour est mis au couvent (Vatèmè). Durant cette retraite spirituelle de quelques heures, il subit les rites de couronnement de Hounongan et en reçoit les attributs. A la sortie du couvent, il prend le bain de ‘’Zanlô’’ pour être de nouveau confié au vodoun Thron. A la suite du renouvellement du pacte, la cérémonie sacrificielle de ‘’Gougbigbo” qui consiste à donner la volaille aux divinités connexes. C’est alors qu’à la quatrième et dernière étape d’un long processus, le cortège des Hounnongan avec le nouveau couronné en tête de peloton défile devant les tam-tams sacrés de ‘’Houngan’’ pour offrir de numéraire aux défunts et remercier les tambourinaires, une procession accompagnée des ovations nourries du public. Ce sera donc la fin de la deuxième journée des cérémonies. Le lendemain, on consulte l’oracle (Houéta Fâ) pour voir si les prières et les libations faites la veille ont été exaucées et connaître le signe sous lequel est placée la mission du nouveau Hounnongan. Sous ce manteau, le vénérable Hounnongan Doudédji mesure l’immensité de la charge qui lui incombe désormais. Il la place sous le sceau de l’amour du prochain. « Celui qui aime son prochain peut tout gérer », souligne le vénérable. Selon lui, en respectant les principes sacro-saints du Thron, ses bénédictions vous accompagnent, car c’est une divinité de justice. Il doit travailler également à concilier les fidèles et à l’expansion de la divinité. « Le Hounnongan dans l’antichambre de la divinité a découvert tous les secrets du vodoun Thron. A ce titre, il n’est plus un homme ordinaire. Ainsi, il doit cultiver la patience et avoir de retenue parce que tout ce qu’il aura à prononcer de sa bouche est sacré et doit se réaliser. Il est habilité à l’installer à d’autres, la divinité. Par contre, le Hounnon n’a pas cette prérogative. « Si un Hounnon se hasardait sur ce terrain, ce serait un sacrilège. Comme sentence à son acte, il va rejoindre ses ancêtres dans l’au-delà quelles que soient les cérémonies propitiatoires à faire pour solliciter la clémence des dieux. Même si c’est le Hounnongan qui foule aux pieds les interdits du vodoun Thron, il en aura aussi pour son compte», avertit le vénérable Doudédji.
Des difficultés à l’appel du vodoun Thron
La plupart de ceux qui sont devenus des prêtres du vodoun Thron Kpétodéka Alafia l’ont été dans la douleur. L’histoire du vénérable Hounnongan Doudédji n’échappe pas à cette réalité. S’il a, aujourd’hui reçu l’appel de cette divinité, c’est bien après avoir traversé des péripéties. Natif de Dohounvè, dans l’arrondissement de Cana II, Commune de Zogbodomey, le vénérable Hounnongan Doudédji était à mille lieu d’imaginer qu’il serait un prêtre de culte Thron quand il était encore sur les bancs. Mais tel a été le chemin tracé par son destin. Plongé dans ces réminiscences, il se souvient que sa reconversion n’est pas un plaisir. La décision de confier sa vie à Thron résulte des multiples difficultés qu’il traversait à l’époque sans issue favorable en dépit des sacrifices. «Après avoir laissé les bancs, je suis allé faire la conduite du véhicule poids lourds. Un métier que je n’ai jamais exercé. Plus tard, je me suis lancé dans le commerce. Des années après, les lignes n’ont pas bougé. L’activité commerciale n’étant pas mal, moi je n’arrive pas à rentabiliser. Attiré par ce souci, j’ai recouru à l’oracle Fâ qui m’a recommandé le fâtitè pour un meilleur diagnostic. Les signes ont révélé que mon bonheur n’est ni dans la conduite ni dans le commerce. La seule porte de sortie est de s’initier à la divinité Thron. Dans un premier temps, j’ai banalisé la révélation. Mais chasser le naturel, il revient au galop. Pour avoir perdu mon capital, trois ans plus tard, je suis revenu sur la décision du Fâ », raconte-t-il. En quête de solutions durables à ses problèmes il s’est alors rendu à Towonou chez le Vénérable Hounnongan Adignon. Nous étions en 2003. Les négociations ont abouti à l’installation de la divinité tel que recommandé par l’oracle histoire de contrer les velléités de la sorcellerie et des mauvais esprits. Mais hélas ! Six ans après, les choses se sont empirées. Il ne fallait pas plus pour qu’il rencontre une amie qui l’a orienté vers le Vénérable Hounnongan Akouègnon, à Honhoun pour l’aider à soigner un malade envoûté. C’est autour de la guérison du malade que les liens entre Doudédji et Akouègnon se sont créés et renforcés. Celui-ci lui a recommandé le Thron de la lignée Kounindédji, différent du précédent en termes d’organisation et de principes. «L’installation du Thron de la lignée Kounindédji se fait en une seule cérémonie alors que chez les autres, elle se fait en plusieurs rites nécessitant chaque fois des dépenses », fait remarquer Doudédji. Il y a adhéré et en 2019, Akouègnon lui a installé une autre forme de Thron qui concourt aux mêmes objectifs. C’est en ce jour que son père spirituel l’a baptisé Doudédji qui signifie littéralement sa victoire sur les forces du mal. Un nom de consécration qui résume son vécu avant être Hounnon. «Maintenant, j’ai retrouvé mon salut. Ce qui m’a motivé à poursuivre le cheminement jusqu’à obtenir le grade de Hounnongan », témoigne-t-il. Doudédji, a saisi l’occasion pour adresser ses sincères gratitudes, d’abord à Hounnongan Adignon de Towounou puis à Akouègnon, tous deux ses guides spirituels. «Mes Hommages à Hounnongan Xôssou Akouègnon à qui je souhaite une longévité et de l’abondance pour m’avoir donné la bonne orientation». Aux fidèles et adeptes, il leur a demandé d’observer scrupuleusement les règles du vodoun pour bénéficier de ses biens faits. Au cas contraire, il les invite à tenter leur chance ailleurs au risque de se faire foudroyer inutilement.
Zéphirin Toasségnitché (Br Zou-Collines)
Les différents grades
Kpéssivi, Kpindjigan, Hounnon, Hounnongan et Hounnongan Xôssou