Depuis que les verdicts de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) sont tombés, condamnant Joël Aïvo et Rékya Madougou à des peines d’emprisonnement ferme, beaucoup orientent leurs regards vers le président Patrice Talon. Tout le monde attend sa réaction et souhaite qu’il fasse usage de ses prérogatives constitutionnelles pour faire lever les sanctions judiciaires qui pèsent sur les deux personnalités.
Le président Patrice Talon, dans ce dossier n’a que deux choix ; sinon, un seul. Le premier, est l’incitation à la prise d’une loi d’amnistie pour faire suspendre la procédure judiciaire et demander la mise en liberté sans conditions de Aïvo et Madougou. Le second est la possibilité qu’il a de laisser finir la procédure judiciaire et leur accorder plus tard, une grâce présidentielle. Pour le premier, ce serait comme si le président de la République demande d’oublier tout ce qui est reproché aux mis en cause, laissant ainsi au sein de l’opinion publique la vérité autour des faits à eux reprochés. La vérité ne sera plus connue et on pourrait même croire que la justice avait inventé des histoires pour priver les deux personnalités et leurs co-accusés de liberté, simplement pour faire plaisir à quelqu’un. Ce serait aussi une manière de dire que les évènements intervenus pendant et après les élections de 2021 ont été banalisés. Ce serait, enfin, une manière d’encourager de tels évènements lors des prochaines élections en République du Bénin. Et donc, pour la transparence et la manifestation de la vérité, il serait utile de laisser la procédure judiciaire aller à son terme. Il faut laisser ces dossiers se vider entièrement et devant les juridictions compétentes afin que les responsabilités soient définitivement situées. Le peuple béninois et l’opinion internationale pourra se faire une idée des implications ou non de Madougou et Aïvo dans lesdits dossiers. Ce serait d’ailleurs mieux pour eux que le processus aille jusqu’au bout; puisqu’ils n’ont pas encore vidé leurs cartouches.
En ce qui concerne le second cas, notamment la grâce, elle apparaît comme la meilleure possibilité, aussi bien pour le président de la République que les personnes condamnées pour vider ce dossier. La grâce, pour le simple fait que son intervention n’est possible qu’après le jugement en second desdites affaires, traduit le vrai pardon et permet de savoir qui est vraiment coupable de quoi.
Aucune urgence
Le peuple béninois est connu pour son caractère émotionnel devant des situations du genre et surtout pour sa solidarité lorsqu’un des leurs est en difficulté. C’est ce qui explique les appels à tous les niveaux pour des actions devant empêcher que Madougou ; Aïvo et consorts ne passent toutes ces années en prison. A ce jour, personne n’a pu dire publiquement sa joie de voir ces compatriotes condamnés à de si fortes peines d’emprisonnement, même si cette même opinion publique avait déploré les évènements malheureux de la période électorale et même des discours peu discourtois que se permettaient de tenir Aïvo et Madougou dans la période. C’est cela le Béninois. L’amour pour son prochain, le pardon, la complaisance etc.
Mais dans ces dossiers, il faudra éviter de se tromper. La fin, quelle que sera sa nature, n’est pas pour maintenant ? Si la grâce est la meilleure qui s’offre au Chef de l’Etat et aux personnes condamnées, elle mettra certainement du temps avant d’intervenir. Pourquoi ? Il est évident que les avocats interjettent appel dans les deux dossiers. Autrement, ils auraient confirmé définitivement les décisions de la Cour. Et pour analyser les appels, la Cour ne sera pas obligée d’y aller en procédure d’urgence. Elle le ferait tout de même dans les délais requis.
Cette étape franchie, interviendra les discussions d’ordre politiques et les appréciations à des niveaux auxquels l’opinion publique n’aura certainement pas accès, avant que n’intervienne une éventuelle grâce. Pour pardonner un enfant, il faut s’assurer qu’il s’est repenti. Il faudra donc s’assurer que Madougou et Aïvo se sont calmés et se sont disposés à se repentir. Il ne sera pas bon que le président de la République accorde sa grâce à des gens qui continuent de ne pas se fier aux décisions de la justice et de garder des positions impulsives. Même avec Dieu, créateur du ciel et de la terre la grâce n’est accordée qu’à celui qui reconnait sa faute et se repentit.
C’est dire donc que même si Patrice Talon accepte donner une suite favorable aux appels à la grâce présidentielle, tout dépendra de Madougou et Aïvo. Dans tous les cas, la balle reste dans leurs camps ; car, de toutes les façons, les mêmes Béninois qui formulent cette demande publique au président Talon, oublieront très vite ces dossiers et passeront à autre chose, sous peu. On a vu les cas de Sébastien Ajavon, Komi Koutché, Léhady Soglo et autres. Qui parle encore d’eux aujourd’hui, si ce n’est leurs seules familles et proches?
A T