Corruption au Bénin : Des efforts pour endiguer le phénomène 

Le président de la République du Bénin, Patrice Talon, travaille depuis son arrivée au pouvoir à lutter contre la corruption. En témoignent les nombreuses actions déjà menées pour enrayer le phénomène.

La corruption est un problème fondamental pour le développement. Elle nuit aux pauvres et aux personnes vulnérables, augmentant les coûts et réduisant l’accès aux services de base, et même de la justice. Elle exacerbe les inégalités et réduit les investissements privés au détriment des marchés, des opportunités d’emploi et des économies. La corruption compromet la réponse aux situations d’urgence, entraînant des souffrances inutiles, et la mort dans le pire des cas. Si elle n’est pas combattue, la corruption peut saper la confiance que les citoyens accordent à leurs dirigeants et à leurs institutions, créant des tensions sociales et augmentant dans certains contextes, le risque de fragilité, de conflit et de violence. Au nombre des actions menées par le gouvernement, se trouve l’adhésion du pays au Globe Network, un réseau mondial mis en place par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc) pour favoriser la coopération internationale en matière de lutte contre la corruption. Lors de sa session du mercredi 16 juillet 2025, le gouvernement béninois a marqué son accord pour l’adhésion du pays au Globe Network, un réseau mondial lancé en 2021 par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc). Ce cadre international a pour vocation de faciliter la coopération transnationale en matière de lutte contre la corruption, notamment à travers l’échange sécurisé d’informations et le renforcement des capacités des autorités nationales. En intégrant ce réseau, le Bénin rejoint les États membres de l’Onu et les parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption, bénéficiant ainsi d’un accès à une plateforme numérique sécurisée, de programmes de partage de connaissances entre pairs, et d’un cadre opérationnel favorisant la détection, l’enquête et la poursuite d’infractions liées à la corruption transnationale.

Guichet pour les dénonciations de faits de corruption

Le président Patrice Talon a mis en place la Cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations des faits de corruption (Cpd). L’annonce de ce nouveau dispositif anti-corruption a été faite à la faveur d’un conseil des ministres. Le  président béninois explique avoir créé la Cpd pour associer les citoyens. Il s’agit d’un guichet qui va recueillir les plaintes et les dénonciations sur des faits de corruption. Cette création s’explique par le fait que les pratiques préjudiciables aux ressources de l’État persistent. En clair, on continue de détourner l’argent public. Onze fonctionnaires d’une agence de construction d’infrastructures de l’éducation ont été interpellés puis placés en détention provisoire par la Criet. Des entrepreneurs les ont accusés de rançonnement. Sa composition et sa taille ne sont pas encore connues, mais on pourrait y retrouver des financiers, des magistrats et des fins connaisseuses des rouages de l’administration. Les plaintes devraient arriver via une plateforme qui ne sera pas qu’en français, mais aussi dans d’autres langues. La cellule a pour mission d’analyser les dénonciations et surtout les preuves fournies. Le gouvernement insiste sur ce point. Si un cas est avéré après investigation, la cellule devra proposer les modalités de poursuites. Les opposants au régime du président Patrice Talon redoutent la délation. Par contre, un de ses proches souffle que les dénonciations calomnieuses seront punies. L’opérationnalisation de la cellule à son conseiller spécial et au secrétaire général du gouvernement.

Neutralité et impartialité

Dans une interview accordée au quotidien Matin Libre, le secrétaire exécutif de Social watch Jean-Pierre Degue a fait un certain nombre d’observations. Selon lui,  après l’abrogation de la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, il a été pris la loi n°2020-09 du 23 avril 2020 portant création, organisation et fonctionnement du Haut-Commissariat à la prévention de la corruption en République du Bénin. Mais ce n’est que le mercredi 12 juin 2024 que le Haut-commissaire à la prévention de la corruption a été nommé. Il s’agit de l’ancien bâtonnier Jacques Migan. « Il appartient à ce Haut-commissaire d’avoir les coudés franches pour travailler afin d’avoir des résultats concrets. Ce qui est certain, le Fonds monétaire international (Fmi) a fait un diagnostic sur le Bénin en matière de lutte contre la corruption, a déposé son rapport en février 2023 et a fait des recommandations à l’Etat béninois. Entre autres, il fallait revoir la loi créant le Haut-commissariat à la prévention de la corruption pour y mettre les éléments concrets devant se mettre en phase avec la Convention des Nations Unies contre la corruption. Pour être plus concret, donner l’indépendance réelle au Haut-commissaire et au Haut-commissariat à la prévention de la corruption parce que ce n’est pas le cas actuellement. On a dit qu’il est indépendant, mais il n’est vraiment pas indépendant. Deuxièmement, il est nommé par le Président de la République. Troisièmement, il a prêté serment devant le Président de la République. Quatrièmement, le président de la République peut le révoquer pour faute lourde. La faute lourde n’est pas définie dans la loi. On peut se lever un jour pour dire tu as fait ceci, c’est une faute lourde, je te révoque. Autant de choses qu’il faudrait clarifier dans une loi complémentaire au Haut-commissariat à la prévention de la corruption. Ensuite, il est dit que le personnel avec lequel il va travailler, c’est le gouvernement qui va lui donner ce personnel-là. Ça ne marche pas. L’indépendance est où ? Voilà autant de problèmes que le Fmi a soulevés et qu’il faut corriger. Ensuite, les principes de Jakarta qui font bloc avec la Convention des Nations Unies contre la corruption. Il a été pris en novembre 2012 à Jakarta et a posé 16 principes dans lesquels l’indépendance de l’institution doit être garantie, la mise en place des finances pour faire le travail doit être garanti, pas d’immixtion dans le travail que doit faire la structure. Est-ce que tout ça est respecté pour le Haut-commissaire, j’en doute fort. Voilà autant de choses qui ont été bien précisées dans le rapport du Fmi », a laissé entendre le président du Fonac Jean-Baptiste Elias. Plus loin dans cette même interview, le secrétaire exécutif de Social Watch, Jean-Pierre Degue a expliqué que « la volonté politique, si elle est sincère, c’est aussi dans le choix des personnes appelées à diriger nos institutions. Dans le passé, on ne doit pas voir ces personnes comme des gens qui chantent les louanges du gouvernement, des défenseurs d’un camp. Ils doivent être des personnalités non marquées, non colorées. La lutte contre la corruption exige à en croire le secrétaire exécutif, cette neutralité, cette impartialité. C’est vrai que dans la convention, la prévention est la première étape. Elle est très importante. Maintenant, il faut l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il faut que ceux qu’on met à la tête soient des gens qui aient fait leurs preuves, que dans leur passé on voit qu’ils s’étaient engagés dans la lutte contre la corruption et la promotion de l’intégrité comme valeur. » Ces gens doivent être reconnus comme tels par les différentes parties prenantes. La lutte contre la corruption est tellement sensible pour qu’on la confie à des gens qui auraient des relents de partisans. Il faut que les hommes nommés à cette tâche aient des profils et des expériences avérés et que ce soient des gens moins colorés politiquement. Des gens qu’on doit reconnaître comme des personnalités intègres. La corruption reste un problème majeur en Afrique, freinant le développement et affectant négativement la vie quotidienne des citoyens. Elle prend de nombreuses formes, de la « petite » corruption (pots-de-vin dans les services publics) à la « grande » corruption (détournement de fonds publics et corruption au plus haut niveau). Les conséquences sont multiples, allant de la perte de ressources pour les services essentiels (santé, éducation) à l’augmentation des inégalités et à l’affaiblissement de l’état de droit. Le secrétaire exécutif a fait savoir que la corruption, véritable fléau contemporain peut être éradiquée au Bénin grâce à des mécanismes pratiques. Des campagnes de sensibilisation, la formation et le renforcement des capacités, la transparence et la mise en place de sanctions sévères contre les éventuels actes de corruption doivent servir d’outils à adopter pour lutter contre la corruption et réduire ses impacts négatifs sur la société. Il est donc crucial pour les gouvernants de s’engager fermement dans la lutte contre la corruption en mettant en place ces mécanismes qui leur permettront de l’éradiquer à long terme.

Sergino Lokossou