L’organisation des funérailles ruineuses prend de l’ampleur dans le département du Couffo. Le deuil d’un parent engendre dans cette région des dépenses excessives. Cette pratique qui porte de graves préjudices à la société, présente des dimensions sociologiques et culturelles.
Un samedi de cette année 2021 au moment où le soleil est au terme de sa course matinale, nous faisons notre entrée à Azové dans la Commune d’Aplahoué. Ici, les bâches installées dénommées « bâches présidentielles », occupant un terrain de sport sont toutes occupées. Le sujet sur les funérailles ruineuses n’est pas bien bienvenu ici. Personne ne veut aborder la question. Du terrain de sport cap sera mis sur le centre de la ville. A un kilomètre environ de route, nous arrivons devant un bar restaurant. C’est ici que nous avons rendez-vous avec notre ami, enseignant de profession et artiste par passion. La quarantaine révolue, il a récemment déboursé un peu plus de cinq millions (5 000 000) de francs Cfa pour organiser les funérailles de son père. « Cela ne m’a pas ruiné parce que je ne me suis pas endetté », confie cet enseignant et directeur d’école. Et pourtant dans le Couffo, le pouvoir d’achat des habitants s’amenuise de nos jours. Malgré le coût de la vie, la perte d’un parent engendre des dépenses exorbitantes. Selon le témoignage d’un cousin, un chef de famille à Azové, Commune d’Aplahoué, l’égoïsme, le m’as-tu-vu et le snobisme amènent les éplorés à vendre des biens matériels notamment des parcelles, leurs maisons et à s’endetter pour faire le deuil de leurs proches ou parents défunts. Les dépenses des funérailles de son oncle par exemple effectuées par ses frères, il y a quelques mois, vont au-delà des dizaines de millions de francs Cfa. Ces frères l’ont fait sous prétexte que leur papa est un grand commerçant de la localité, indique le cousin. « Nous avons mis le paquet », disaient-ils. Mais c’est un gâchis, selon le cousin. Il a vu beaucoup de personnes faire la prison ou qui se suicident après les cérémonies funéraires parce qu’ils n’arrivent pas à rembourser les dettes.
Une règle
Pour le septuagénaire Paulin, spécialiste des cultures endogènes, cette pratique est érigée en règle dans le Couffo. Culturellement, poursuit-il, la pratique des cérémonies ruineuses est un vice pour la société et suscite beaucoup de dégâts. Aujourd’hui, quand il y a des funérailles, il y a achat à crédit, prêt, vol de cabris déversés à vil prix sur le marché. Il réalise que les dépenses des cérémonies funéraires dans la région Adja sont abusives de nos jours et les gens ne parviennent pas à s’en sortir. L’achat de pagne obligatoire est ruineux. A peine les endeuillés ont de sous à offrir de l’eau fraîche aux visiteurs, mais ils ont l’obligation d’acheter le pagne de deuil. Lequel pagne coûte parfois cinquante mille (50 000) franc Cfa, confie Paulin. A cela s’ajoute le coût exorbitant des bâches, des boissons, des services traiteurs, de la sonorisation et des cachets des artistes, le tout évalué à des millions comme dettes que de nombreuses personnes sont incapables de solder. Les causes de cette pratique, selon Paulin, sont l’arnaque, le gain facile, la corruption devenue un acte coutumier. En réalité, le deuil appelle à des exigences ritualiques qui recommandent que certaines cérémonies soient faites soit au mouton, soit au cabri, soit au poulet, au porc pour que l’élévation de l’âme puisse atteindre le niveau maximal, car la foi ou la résurrection dans les cultures Adja est une réalité, explique-t-il. « Mais, ces rituels ne sont pas ruineux », affirme Paulin. Malgré la pandémie du Covid-19, les mesures barrières ne sont pas respectées lors des funérailles. Une loi votée à l’Assemblée nationale, pourra encadrer et limiter les cérémonies funéraires pompeuses au Bénin en général et en milieu Adja et régions en particulier.
Jean-Eudes Chicha
(Br Mono-Couffo)