Une croissance solide, des investissements soutenus, un déficit et une dette maîtrisés… tels sont les attributs de l’économie béninoise qui, malgré le Covid et les chocs exogènes, présentent de bons chiffres. Retour sur les moteurs de la croissance de l’économie béninoise.
C’est une performance tout à fait « honorable qu’a réalisé en 2020, le Bénin en obtenant une croissance de 3,8 %, l’une des plus fortes d’Afrique, au moment où l’Afrique subsaharienne reculait de 1,6 %. Nous tablons sur une croissance de 5,51 % en 2021 et de 6,49 % en moyenne à partir de 2022 », affirme Arthur Minsat, chef économiste pour l’Afrique à l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde). La dette, le déficit budgétaire et l’inflation demeurent contenus, quoiqu’en hausse. « Cette croissance est tirée par le commerce et les projets infrastructurels, surtout dans les transports, qui sont dopés par la relative stabilité macroéconomique et politique du gouvernement, qui a fait preuve d’un grand volontarisme avec son plan national de développement des infrastructures. » En janvier 2021, le ministre béninois des Finances, Romuald Wadagni, bouclait une levée de 1 milliard d’euros, sous forme de deux émissions obligataires en euros. L’une d’une durée de onze ans au taux de 4,875 % pour 700 millions d’euros, et l’autre d’une durée de trente et un ans au taux de 6,875 % pour 300 millions d’euros. Cette gestion proactive de la dette publique est la ligne de conduite du ministre, qui n’a jamais voulu financer son économie par un moratoire de la dette du pays, mais grâce à la crédibilité acquise en honorant les engagements pour pouvoir emprunter à très long terme et à des taux avantageux. Comme en 2019, cette deuxième émission d’eurobonds a permis, en novembre 2021, un reprofilage de la dette béninoise, c’est-à-dire un remboursement anticipé des dettes contractées antérieurement à des conditions moins favorables, ce qui permettra de réaliser une économie de 36 milliards de FCfa (54,9 millions d’euros), somme qui sera réinjectée dans les programmes du gouvernement en matière d’eau, de santé, d’énergie et d’éducation pour atteindre les Objectifs du développement (Odd) visés par les Nations unies.
L’assainissement a aussi concerné les Pme, le gouvernement ayant décidé de raccourcir le délai de paiement de leurs créances de soixante à trente jours. De son côté, le 8 décembre, l’Assemblée nationale a adopté un nouveau code général des impôts séparant pour la première fois dans l’histoire du pays les règles d’assiette et les procédures fiscales. Ce nouveau code améliorera les relations entre l’administration fiscale et les contribuables, et introduira des mesures incitatives en faveur de Pme, en particulier pour celles qui se développent dans le secteur du numérique. Ce volontarisme a valu au Bénin l’approbation de l’agence de notation Fitch, qui a relevé par deux fois la note du pays, désormais à B+ avec perspective stable. Le taux de croissance de 3,8 %, la bonne récolte cotonnière et la poursuite du programme d’investissements du gouvernement laissent bien augurer du futur.
Les services et l’agriculture, moteurs de la croissance
Il convient d’ajouter à cela que le réseau des Solutions de développement durable des Nations unies (Sdsn) classe le pays à la 86e place, juste derrière la Côte d’Ivoire, alors qu’il était classé 153e en 2017. « Depuis 2016, les moteurs de la croissance béninoise ont été les services et surtout l’agriculture. Du côté de la demande agrégée, l’investissement privé a pris de l’élan », analyse Nathalie Picarelli, économiste principale de la Banque mondiale pour le Bénin. Les nombreuses réformes réalisées par le gouvernement dans la mobilisation des recettes fiscales, la maîtrise du déficit budgétaire ont permis au pays d’aborder la crise sanitaire en bonne position pour rebondir« La productivité du travail a progressé lentement au rythme de 1,2 % par an depuis une décennie, compte tenu de la taille de l’économie informelle. Le gouvernement est conscient de l’importance de développer le secteur privé pour y remédier, et il s’est focalisé sur le développement du secteur en amont, comme celui du numérique et de l’électricité, mais aussi sur l’amélioration de la qualité de la main-d’œuvre avec des nouveaux programmes de l’Eftp [enseignement et formation techniques et professionnels proposés par l’Unesco]», ajoute Nathalie Picarelli.
L’informalité massive qui plombe l’économie béninoise a eu tout de même pour avantage de permettre à celle-ci de surmonter en grande partie la fermeture de la frontière avec le Nigeria en 2020. En effet, l’analyse des déplacements transfrontaliers via le bornage des téléphones portables a permis de constater que le trafic commercial de contrebande, que le blocus était censé combattre, s’était poursuivi en se déplaçant à l’écart des postes de contrôles. Le grand perdant a été l’État béninois, dont les revenus douaniers se sont effondrés avec l’arrêt du trafic officiel. La signature d’un accord entre le gouvernement béninois et l’Association des producteurs de riz du Nigeria (Rifan), le 24 novembre 2021, pourra-t-il aider le Bénin à porter sa production de riz à 1 million de tonnes à l’horizon 2024, à la transformer et à la commercialiser ? De la réponse à cette question dépend la fin du conflit entre les deux pays à propos de la concurrence plus ou moins déloyale que les exportations de riz béninoises infligent aux riziculteurs nigérians. « Il faut reconnaître que notre président a plus réformé que ses prédécesseurs. Il a une vision claire de ce qu’il veut faire pour le pays. Nos villes se sont embellies. De ce point de vue, les progrès sont incontestables », analyse John Igué, ancien ministre de l’Industrie et des PME, professeur émérite de géographie à l’université Abomey-Calavi et fondateur du Laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale (Lares). « Le président Talon a voulu mettre de l’ordre dans l’informel et contrôler la corruption. Ce faisant, cela a privé les fonctionnaires des activités parallèles qui complétaient leurs revenus. Il a tout verrouillé. Les gens ne sont pas heureux et la rue se plaint », poursuit-il.
Jean-Paul Mahugnon