L’autonomisation des femmes devient de plus en plus une question préoccupante de développement durable. Lors de cette dernière décennie, elle capte l’attention des décideurs publics ainsi que des partenaires qui y consacrent assez de ressources et d’énergie pour sa réalisation. Au Bénin, des efforts sont certes faits, mais les résultats restent mitigés par rapport aux attentes. Plusieurs facteurs expliquent cette dichotomie selon les leaders religieux traditionnels rencontrés au sein des communautés. Ils exhortent les femmes à œuvrer pour prendre leurs destins en main.
Le respect des droits des femmes est indissociable du développement durable d’une Nation. Sur ce plan, le Chef de l’arrondissement de Savalou-Aga Gratien Towanou Gbaguidi a estimé que le Bénin a connu une avancée significative à travers une volonté politique qui s’est traduite par la prise d’un paquet de mesures en faveur de l’autonomisation de la femme.
Gratien Towanou Gbaguidi, Chef de l’arrondissement de Savalou-Aga : «Le Bénin a franchi un pas important »
«En termes de mesures correctives de cette injustice, on peut citer l’article 26 de la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin modifiée par et complétée par la loi n°2019-40 du 07 novembre 2019 qui accorde l’égalité de droit à l’homme et à la femme, la création d’un ministère en charge de la promotion des femmes et du genre, la création par décret n°2021-507 du 29 septembre 2021 de l’institut de la femme. Le Bénin a également innové avec l’article n°144 du code électoral. Ce qui a permis d’avoir aujourd’hui au parlement 29 femmes députées sur les 109. Il y a aussi la signature et la ratification de nombreuses conventions régionales et internationales concernant notamment l’amélioration de conditions de participation des femmes béninoises à tous les niveaux, pour ne citer que ces mécanismes. En dépit de ce progrès, la femme est encore à la traîne. Plusieurs facteurs justifient la faible participation des femmes aux instances de prises de décisions. Ils sont entre autres, l’illettrisme, le manque d’information sur leurs droits et devoirs, la présidence du patriarcat avec pour conséquence la marginalisation des femmes. Elles sont quasi absentes lors des grandes réunies familiales et communautaires. On peut aussi citer le caractère nocturne retenu et attaché aux réunions et décisions politiques importantes, le défi de la gestion simultanée des responsabilités familiales et de la vie publique. Tout cela limite l’engagement des femmes en politique voire leur participation aux instances décisionnelles ». A l’issue de ce diagnostic, certaines femmes leaders proposent quelques thérapies pour inverser la tendance»
Anne-Marie Gbènongbé, coordonnatrice du projet ‘’Une femme, une identité » à Za-kpota : «Les droits des femmes, d’accord, mais il faut aussi parler de leurs devoirs»
«Le problème de la femme, c’est la femme elle-même. Il va donc falloir que les femmes changent leurs caractères en les adaptant aux réalités actuelles puisque le monde a évolué. Ceci permettra de faire prospérer les initiatives en faveur de la gent féminine. Nous les femmes, nous devons nous faire confiance, avoir la confiance en soi, cultiver l’esprit d’amour, d’humilité, de pardon et d’entraide. Prendre nos époux comme nos confidents et se comporter comme tel envers eux. Sans ces vertus, l’émancipation de la femme tant rêvée serait vaine. La femme ne peut jamais être l’égale de l’homme. La nature a créé la femme pour compléter l’homme et non pour le supplanter comme le pensent certaines femmes. La femme ne peut jamais émerger sans la complicité de son mari. Si, par exemple, une femme est soumise dans un foyer, c’est son époux lui-même qui lui ouvre les portes de l’émergence. Dans le cas contraire, celle-ci se ferme la porte de l’émancipation. C’est le cas pour bon nombre de femmes d’entre nous. Dans les foras, il faut également accentuer la sensibilisation de la femme sur ses devoirs dans le ménage. C’est très important. Si on laisse les devoirs de côté et on parle uniquement que des droits, l’autonomisation serait un vain mot. L’Etat, les partenaires vont beau engloutir des milliards de francs Cfa dans les projets et programmes, mais les résultats seront toujours mitigés»
Dah Zodjinon Baba Hountchokan, président du bureau communal de Syndi-Tpc : « Sans prendre en compte les devoirs, la lutte serait biaisée »
«La femme ne peut acquérir son autonomisation sans la complicité de l’homme. Du coup, on ne peut pas occulter les devoirs de la femme vis-à-vis de l’homme, de son foyer et de sa communauté et prétendre son émancipation. Si on leur concède tous les droits sans qu’elle ne reconnaisse leurs devoirs, la lutte serait biaisée. Leurs devoirs sont entre autres le respect, la considération et l’entente mutuelle. Ils concernent également l’éducation des enfants, la paix puis sa contribution au sein du foyer. Si chacun n’arrive pas à jouer son rôle, la cohésion est mise à mal. Quant aux hommes, ils doivent prendre soin de leurs femmes, les honorer et les soutenir dans leurs activités génératrices de revenus. Il faut les aider à prospérer. C’est capital puisqu’aujourd’hui, le vie coûte cher et seul l’homme ne peut subvenir aux besoins de la famille.»
Véronique Sènami Dékpon, psychopédagogue, spécialiste en éducation et formation à Porto-Novo : « Il est nécessaire de recourir à l’éducation traditionnelle»
« C’est la femme qui donne la vie et c’est elle qui éduque. Pour que la fille d’aujourd’hui soit une bonne mère de demain, c’est d’abord à la base. L’éducation traditionnelle telle qu’elle était donnée en Afrique formait la femme. C’était une éducation authentique. Tout se passe aujourd’hui comme si cette éducation traditionnelle a été laissée de côté au profit de l’éducation moderne avec à la clé le train numérique qui éduque les enfants pour nous en notre absence. Nous devons alors revoir l’éducation que nous donnons aux enfants en puisant dans l’éducation traditionnelle. » Cette option adoptée produit déjà ses fruits à Boukoumbé »
Joséphine Koubétty, femme leader engagée à Boukoumbé : « Il y a des enseignements qu’on ne doit pas abandonner en Afrique »
«A Boukoumbé, on a été obligé d’impliquer les femmes dignitaires de la tradition dans la lutte afin d’obtenir les résultats attendus. Auparavant, on appliquait la tradition qui prônait la virginité à 20 ans ou à 25 ans. Il s’agissait d’un fromage qu’il fallait manger en public lors d’une cérémonie en prélude à son mariage. Si quelqu’un refusait de manger ce fromage ce qui voudra dire qu’elle a déjà mangé le fruit défendu et personne ne veut avoir la tomate pourrie dans sa maison. Pour éviter de subir cette honte, la femme était tenue de se préserver. On est en train de faire recours à cette tradition pour y arriver. Avec cette implication, les jeunes ont peur de s’approcher des filles apprenties et des élèves parce qu’ils savent que ce sont les enfants du président Talon. La prise de conscience renaît donc à Boukoumbé. De onze filles au collège en notre temps, on est passé à une fille en 2013. Mais aujourd’hui, il y a plus de filles à l’école que de garçons. Nous avons alors compris qu’il y a des enseignements qu’on ne doit pas abandonner en Afrique »
Agathe Elvire Capo-Chichi, transformatrice de produits agricoles à Savalou-Aga : «Il faut revoir le taux de fécondité»
«Aujourd’hui, on parle de l’autonomisation des femmes. Mais, elle ne peut pas avoir cette autonomie tant qu’elle porte grossesse par-ci ou par-là. Elle n’aura pas la possibilité ou l’occasion de travailler pour sa vraie autonomisation. La femme bardée de diplômes chôme à la maison parce que son époux refuse qu’elle travaille. Ainsi, elle devient une femme soumise à la maison. Nous avons le droit de travailler pour se libérer du joug de la pauvreté. Les hommes seuls ne peuvent pas faire le Bénin et nous ne pouvons pas faire ce travail sans les hommes. Il y a forcément le défi de l’implication pour la réussite de notre mission. Nous allons travailler pour l’éducation culturelle et redonner confiance à ceux qui renient leurs origines, la religion endogène qui est celle de nos parents. On doit les sensibiliser à cela. Adapter le langage de l’éducation en fonction de l’âge de l’enfant. Apprendre aux filles à se prendre en charge».
Propos recueillis par Zéphirin Toasségnitché (Br Zou-Collines)