La digitalisation des services publics est un levier crucial pour le développement socio-économique du Bénin, car elle favorise l’accès des citoyens à des services de qualité, tout en réduisant les coûts administratifs. Cette tendance à la digitalisation permet aussi d’attirer les investissements étrangers, tout en positionnant le pays comme un acteur de plus en plus connecté au monde numérique.
La transformation numérique fait partie des priorités du gouvernement béninois. L’Exécutif prévoit de consacrer un budget de 16,4 milliards de FCfa aux projets numériques en 2025. Le gouvernement béninois prévoit de connecter 18 Communes supplémentaires à la fibre optique d’ici mi-2025 dans le cadre de son ambition de généraliser l’accès au haut débit dans toutes les 77 Communes du pays. C’est ce qu’a révélé Aurelie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la digitalisation, le jeudi 21 novembre 2025 au cours de l’émission « Pag 2021-2026 : reddition de comptes » sur la télévision nationale. Selon la ministre, le déploiement de la fibre optique dans les nouvelles communes permettra de renforcer la dorsale nationale qui relie déjà 50 communes sur environ 2550 km. A terme, le gouvernement cible une couverture totale de 3300 km de fibre optique. De plus, neuf autres communes seront connectées grâce à des technologies alternatives. Ces plans du gouvernement font partie du projet de déploiement de l’Internet haut et très haut débit sur l’ensemble du territoire national qui vise à « apporter le haut et le très haut débit au plus près des populations et des entreprises béninoises par le biais des investissements publics et privés ». D’un coût estimé à environ 207 milliards de francs Cfa (330,63 millions $), l’initiative elle-même s’inscrit dans le cadre du Programme d’actions du gouvernement 2021-2026. L’exécutif cherche à « transformer le Bénin en la plateforme de services numériques de l’Afrique de l’Ouest pour l’accélération de la croissance et l’inclusion sociale ». Le projet du gouvernement pourrait contribuer à améliorer la couverture de la population en services de télécommunications, en particulier l’Internet.
Le gouvernement revendique un taux de couverture de la 4g de l’ordre de 90 %. Ces données sont confirmées par la plateforme Ict data Hub de l’Union internationale des télécommunications (Uit). L’organisation ajoute que la 2g et la 3g couvrent respectivement 98 % et 90 % de la population. La 5G quant à elle est en début de commercialisation. En ce qui concerne l’usage, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep) a recensé 11,06 millions d’abonnés à l’Internet mobile et 20 000 utilisateurs d’Internet fixe en juin 2024 sur une population estimée à environ 13,7 millions par la Banque mondiale (2023). Le nombre d’abonnements à la téléphonie mobile s’élève à 17,8 millions, contre 1363 pour la téléphonie fixe. Cependant, l’Uit estime que les taux de pénétration de l’Internet et de la téléphonie mobile sont respectivement de 33,8 % et 53,9 % à fin 2023.
Digitalisation de l’administration publique
Selon le Plan national de développement (Pnd), la gouvernance numérique est une priorité au Bénin. Plusieurs réformes ont été menées dans le cadre du programme d’actions du gouvernement (Pag), qui met l’accent sur la digitalisation des services publics. Parmi les réalisations phares figure la mise en place du Portail national des services publics, qui permet aux citoyens d’accéder en ligne à des services essentiels comme les démarches administratives, la déclaration d’impôts ou encore les demandes de permis. Cette centralisation vise à réduire les délais de traitement, éliminer la bureaucratie excessive et garantir une meilleure traçabilité des processus. L’autre axe majeur est l’introduction de solutions numériques pour la gestion des ressources publiques, avec des outils comme le Système intégré de gestion des finances publiques (Sigfip). Ces innovations doivent permettre de mieux gérer les dépenses publiques, en minimisant les risques de corruption grâce à une surveillance accrue et à une automatisation des procédures.
Les avantages de cette digitalisation de l’administration publique sont multiples. D’abord, la digitalisation a réduit les interactions physiques entre les citoyens et l’administration, diminuant ainsi les risques de corruption et de favoritisme. De plus, en automatisant certaines tâches, l’administration publique béninoise devient plus efficace, avec des délais de traitement réduits et une meilleure coordination entre les différentes entités publiques. Par exemple, des plateformes telles que eVisa Bénin facilitent l’entrée des étrangers en offrant un système en ligne rapide et transparent pour l’obtention de visas. Certains citoyens ayant déjà expérimenté ces services numériques en témoignent. « J’ai récemment utilisé le portail en ligne pour obtenir un document administratif, et tout s’est fait en quelques minutes, sans avoir à me déplacer. Cela a réduit les coûts et les délais», déclare Rose Atikpo, entrepreneure à Abomey-Calavi. Elle fait le témoignage qu’avant, elle devait avaler plusieurs kilomètres pour obtenir des services de l’administration. Alors qu’aujourd’hui, avec la digitalisation, elle effectue ses démarches directement en ligne, même depuis les zones rurales.
Challenge
La transformation numérique de l’administration publique rencontre bien des obstacles. Le premier est d’ordre technique. En dépit des efforts du gouvernement, l’infrastructure numérique reste encore insuffisamment développée, notamment dans certaines zones rurales où l’accès à internet est limité ou inexistant. Un autre obstacle concerne la non-maitrise des différents systèmes par les citoyens qui ont souvent des difficultés à générer les documents numériques, alors qu’une telle innovation et la modernisation des services nécessitent également la maîtrise des outils numériques. Sur le plan financier, la transformation numérique nécessite des investissements importants. Bien que le gouvernement ait alloué d’importants fonds pour atteindre l’objectif de développement numérique, les besoins restent énormes. Pour faire échec aux obstacles qui pourraient l’enrhumer, il va falloir intensifier les partenariats surtout avec le privé et des initiatives telles que le partenariat Afrique-Europe sur la connectivité numérique, qui pourraient fournir des financements pour renforcer les infrastructures numériques dans les zones reculées. Des efforts doivent être faits également pour renforcer la formation numérique au sein des services publics et au niveau des populations, afin de garantir que les agents puissent pleinement utiliser les outils mis à leur disposition et que les citoyens aussi s’en servent tel qu’il le faut. Cela pourrait se faire via des programmes de formation continue ou la création d’écoles spécialisées dans le numérique et l’innovation administrative. Le Bénin est en passe de devenir un modèle de gouvernance numérique en Afrique, avec des initiatives ambitieuses visant à améliorer l’efficacité administrative et à renforcer la transparence. Une approche inclusive et collaborative, impliquant à la fois le secteur public et le secteur privé, serait une bonne clé pour garantir que la transformation numérique profite à tous les citoyens.
Pour rappel, le programme d’actions du gouvernement a prévu pour le quinquennat 2021-2026, la phase 2 de la smart gouv encore intitulé projet de mise en œuvre de l’administration intelligente. Est alloué à ce projet, une somme d’environ soixante-quatorze milliards de francs Cfa. A travers ce projet qui intègre le renforcement des services et surtout leur digitalisation pour faciliter la vie aux populations, le gouvernement ambitionne de faire de la transformation numérique de l’administration une réalité avec la mise en place des outils numériques et la dématérialisation des processus administratifs, moderniser les réseaux informatiques des administrations et institutions et former les agents, favoriser la synergie entre les secteurs public, privé et autres, assurer la sécurité des systèmes d’information de l’Etat est assurée, et accroître le nombre de services sur le portail national des Services.
Sergino Lokossou