Dix ans après sa disparition, le Bénin commémore l’un de ses plus illustres dirigeants : le Général Mathieu Kérékou. Chef militaire, président révolutionnaire, puis artisan de la transition démocratique, il a marqué de manière indélébile l’histoire politique nationale et demeure, par son héritage, une figure incontournable. À l’heure où le pays s’apprête à vivre ses premières élections générales, la mémoire de celui que l’on surnommait le « Caméléon » résonne avec force comme un appel à l’unité, à la sagesse et à la paix.
Né le 2 septembre 1933 à Kouarfa, dans le nord du Bénin, Mathieu Kérékou entre dans l’histoire par le biais des armes. Après un coup d’État en 1972, il prend la tête de l’État et engage le pays dans une expérience révolutionnaire aux accents marxistes-léninistes. Durant près de deux décennies, il dirige d’une main ferme, installant un régime autoritaire mais soucieux de maintenir la cohésion nationale. C’est pourtant au crépuscule de ce cycle que l’homme révélera une autre facette, inattendue. En février 1990, confronté à une grave crise économique et sociale, Kérékou convoque la Conférence nationale des forces vives. Alors que beaucoup s’attendaient à une reprise en main brutale, il surprend en acceptant sans réserve les conclusions de cette assemblée. Il dissout l’Assemblée nationale révolutionnaire et oblige ses ministres à démissionner, ouvrant ainsi la voie au pluralisme et à la démocratie. Ce geste de renoncement au pouvoir, inédit en Afrique, propulse le Bénin à l’avant-garde des transitions démocratiques sur le continent. François Mitterrand, dans son discours de La Baule en juin 1990, cite le cas béninois comme modèle à suivre. En se pliant aux règles du jeu démocratique et en reconnaissant sa défaite électorale en 1991 face à Nicéphore Dieudonné Soglo, Kérékou entre définitivement dans l’histoire comme un pionnier de l’alternance pacifique.
Le retour démocratique : un président respectueux des règles du jeu
Rappelé aux affaires par les urnes en 1996, Mathieu Kérékou retrouve la présidence du pays, mais cette fois, dans le cadre démocratique qu’il avait lui-même contribué à instituer. Entre 1996 et 2006, il gouverne avec sobriété, respectant scrupuleusement la séparation des pouvoirs et les libertés fondamentales. Durant cette période, le Bénin se distingue par une presse libre et dynamique, au point d’être classé parmi les meilleures jeunes démocraties du monde par Reporters sans frontières. Contrairement à de nombreux chefs d’État africains, Kérékou ne cède jamais à la tentation de modifier la Constitution pour prolonger son mandat ou contourner la limite d’âge. Au terme de deux mandats successifs, il passe pacifiquement le flambeau à Boni Yayi en 2006, confirmant son statut de véritable homme d’État. Son attachement à la paix et à l’unité nationale restera sa marque la plus durable. Ses compatriotes se souviennent notamment de son refus d’user de la violence, même dans les moments de tension. Loin des postures d’orgueil, il privilégia toujours le dialogue et le compromis. C’est cette sagesse qui lui valut, après sa mort en octobre 2015, des funérailles nationales d’une ampleur exceptionnelle et l’hommage unanime de la Nation.
Un héritage de paix et d’unité pour les générations futures
Au-delà de ses choix politiques et de son itinéraire singulier, l’héritage de Mathieu Kérékou se résume en un mot : la paix. Sa conviction profonde était que le Bénin devait rester une nation unie, capable de surmonter ses clivages ethniques, religieux et politiques. Par son renoncement au pouvoir et son respect des institutions, il a montré que la grandeur d’un dirigeant réside moins dans la durée de son règne que dans sa capacité à préserver la stabilité de son pays. Dix ans après sa disparition, cet héritage prend une résonance particulière. Alors que le Bénin s’apprête à organiser pour la première fois des élections générales, le souvenir de Kérékou s’impose comme une boussole morale. Dans un contexte où les tensions politiques peuvent être vives, son exemple rappelle l’importance du respect des règles démocratiques, de la tolérance et du vivre-ensemble. Célébrer Mathieu Kérékou aujourd’hui, ce n’est pas seulement honorer la mémoire d’un ancien président ; c’est raviver les valeurs qui ont permis au Bénin d’être une démocratie respectée en Afrique et au-delà. C’est affirmer que la paix, l’humilité et le sens du devoir demeurent les fondations indispensables de tout projet national. En ce 14 octobre 2025, une décennie après sa mort, l’ombre du Général Kérékou continue d’éclairer l’avenir. Plus qu’un souvenir, il demeure une leçon vivante de courage politique et de patriotisme, un guide silencieux qui rappelle à la Nation que son plus grand trésor reste son unité.
Gabin Goubiyi


















