Les cours de géographie sur les ressources minières du Bénin ne sont pas des affabulations. Le Bénin dispose bel et bien d’un potentiel minier capable de satisfaire ses besoins économiques. Si pendant longtemps, l’exploration de ces ressources n’a été que théorique, le gouvernement du Nouveau départ a préféré faire montre de pragmatisme pour affronter l’arriération économique entretenue. Désormais, le tableau sombre que présentait le secteur s’efface et fait place à l’espoir.
Du projet pipeline Niger-Bénin, le pays, sans ressource exploitable en grande quantité dans sous-sol se fera des recettes énormes. Mais abriter ce projet n’a pas été le fruit du hasard. Destiné initialement au réseau Tchad-Cameroun, les atouts sécuritaires du Bénin ont milité en sa faveur. Selon l’agence Ecofin, si le Bénin a été retenu pour abriter cette infrastructure pharaonique après une rude concurrence avec d’autres pays comme le Nigeria ou le Tchad, il faut dire que cela n’était pas gagné d’avance. Au début, les discussions sur le projet d’exploitation du pétrole brut d’Agadem faisaient état d’un pipeline de 600 km devant relier les champs pétroliers de la ville nigérienne à l’oléoduc Tchad-Cameroun. De quoi permettre l’exportation du brut nigérien à partir du Port en eau profonde de Kribi, dans la région du Sud du Cameroun, en passant par le territoire tchadien. Cependant, la China national petroleum corporation (Cnpc) qui détient les droits d’exploitation du pétrole d’Agadem, a décidé de ne pas choisir cette solution peu coûteuse, préférant passer par le port de Sèmè au Bénin. « Lorsqu’un pays rassure tout le monde, les investisseurs y affluent. Aujourd’hui, notre signature rassure, elle a de la valeur à l’international. Cela fait que les gens prennent le risque de venir au Bénin. Lorsqu’une compagnie comme la Cnpc, la plus grande compagnie pétrolière de la Chine accepte de venir au Bénin, dites-vous en fait que ce n’est pas parce qu’on s’appelle le Bénin ou on est amis. Ces sociétés n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts et pour les avoir, il faut aller dans les pays où on respecte l’opérateur économique qui vient investir des milliards de francs Cfa. Le projet pipeline Niger-Bénin, c’est environ 600 milliards de FCfa d’investissements privés où l’Etat ne met un seul franc. Quelqu’un ne peut pas venir faire cela pour nos beaux yeux, et notre coopération avec la Chine ne date pas d’aujourd’hui. L’assurance pour ces investissements existe aujourd’hui. D’abord, la tête et, les textes législatifs et réglementaires qui accompagnent le Pag rassurent n’importe qui. Et c’est cela qui nous a permis de pouvoir faire la compétition, d’égal à égal avec les autres pays à savoir le grand voisin (Nigeria), le Tchad et le Cameroun et le résultat est là aujourd’hui. Le pipeline est au Bénin », a justifié le ministre Adambi. A croiser les faits, la Cnpc a évidemment analysé les coûts et les atouts dans le choix des pays. « S’il est vrai que les deux pays ouest-africains partagent une frontière, un pipeline partant d’Agadem pour les infrastructures portuaires béninoises sera bien plus long et reviendra bien plus cher aux opérateurs. Pourquoi la Cnpc a-t-elle donc renoncé au tracé Niger-Tchad-Cameroun pour un tracé Niger-Bénin ? Selon certaines sources citées par le magazine Investir au Cameroun, les motivations de cette décision tiennent aux médiocres relations entre l’entreprise chinoise et les autorités tchadiennes. D’après ces sources, la Cnpc aurait finalement invalidé ce tracé plus direct et d’un coût moindre, à cause d’une « mauvaise expérience » avec les autorités tchadiennes. Elle a déjà connu des déboires avec le gouvernement tchadien, avec lequel elle a déjà eu des partenariats », a fait remarquer Ecofin avant d’illustrer « Le 13 août 2013 par exemple, elle a été suspendue d’activités par le gouvernement tchadien, pour « violation flagrante des normes environnementales ». Début 2019, la Cnpc a de nouveau été confrontée aux autorités tchadiennes pour le contrôle de la Société de raffinage de Djarmaya (Srn). Bien que contrôlant le capital de cette raffinerie à 60%, l’entreprise s’est vu refuser la nomination d’un Dg chinois, le gouvernement préférant la promotion de nationaux. Finalement, c’est à l’un des fils du président Déby que le poste fut attribué. Cependant, le choix du Bénin pour la construction de cet oléoduc est également lié à des raisons purement sécuritaires. C’est d’ailleurs le principal argument avancé par la partie nigérienne. Ainsi, pour Niamey, « l’insécurité grandissante à ses frontières et la menace permanente que fait désormais peser la secte fondamentaliste Boko Haram dans la région du Lac Tchad » ne sont pas de nature à encourager l’utilisation de ce tracé. »
Présentation du projet
Le projet de Pipeline export Niger-Bénin (Penb) vise la construction d’un système de transport par canalisation pour évacuer le pétrole brut produit au Niger vers le marché international via le territoire national. D’une longueur totale de 1980 km dont 675 km sur le territoire national, la section béninoise du pipeline formera avec la section nigérienne, un système de pipeline intégré partant du Niger et traversant le territoire béninois jusqu’à la côte du Bénin dans la commune de Sèmè-Podji, qui sera utilisé pour le transport de pétrole brut en vue l’acheminement vers les marchés internationaux. Sur la partie terrestre, le pipeline traversera les départements de l’Alibori, du Borgou, des Collines, du Plateau et de l’Ouémé, dix-sept (17) communes et cent cinquante-deux (152) villages/villes. Il sera constitué du pipeline proprement dit transportera le pétrole brut depuis son entrée sur le territoire béninois à Malanville jusqu’à la côte béninoise, de deux (02) stations de pompage, à Gogounou (Gogounou) et à Tchatchou (Tchaourou), et vingt-quatre (24) vannes d’une station terminale et d’exportation à Sèmè (Sèmè-Podji). La section maritime, longue de 15 km sera équipée d’un système d’amarrage à point unique qui permettra de charger les navires pour l’exportation.
Le projet lancé
Le jeudi 20 mai 2021, le ministre du plan et du développement, Abdoulaye Bio Tchané a procédé au lancement des travaux de la construction du pipeline Niger-Bénin sur le site de la station de Sèmè-Podji. Un lancement un peu en retard à cause du coronavirus. Sinon depuis 2020, les choses se précisaient déjà. « Ce projet a déjà démarré puisque la tuyauterie est déjà là, depuis le 23 février 2020, et stockée au Port Autonome de Cotonou. Le transport a déjà commencé sur tout le pays, dans les zones traversées par le projet. C’est au total 675 km de tuyauterie du Nord Bénin jusqu’à Sèmè-Podji où nous allons avoir un quai qui va être construit et où les navires pétroliers viendront transporter le pétrole qui quitte le désert nigérien à Agadem pour Sèmè. Nous avons tout fait pour que le tracé ne vienne pas perturber le quotidien des populations. Aujourd’hui, nous sommes prêts, mais l’actualité du Covid-19 a freiné les choses parce que les techniciens et les patrons du projet ne sont pas autorisés à quitter la Chine », avait expliqué le ministre lors du Bilan an 4.
Le Nigeria tente de ravir la vedette au Bénin
Dans une vidéo publiée le 28 juin 2021 sur YouTube, le président nigérian Muhammadu Buhari a affiché sa volonté de ravir la vedette au Bénin dans la réalisation du projet. « Vous voyez, j’ai parlé à un Français et vous savez, il disait n’importe quoi. Je lui ai dit vous autres en 1885, vous vous êtes assis avec une règle et un crayon et vous avez tracé des lignes. Je lui ai dit que j’avais des cousins germains au Niger. Il y a des Kanuris, il y a des Haoussas, il y a des Fulanis en République du Niger, tout comme il y a des Yorubas en République du Bénin et ainsi de suite. On ne peut pas entièrement être coupé d’eux. Mais les rails, regardez le plan, si vous regardez le plan, comment nous réhabilitons les rails, comme vous le savez, le Niger aussi a découvert du pétrole. Et nous ne souhaitons pas les voir passer par la République du Bénin. Nous voulons qu’ils passent par le Nigeria. Nous espérons qu’ils décideront lorsque nous aurons mis en place le chemin de fer jusqu’à Maradi, de faire transiter toutes leurs exportations par le Nigeria plutôt que par le Bénin. Parce que si les chemins de fer et les routes fonctionnent de Maiduguri à Port Harcourt, de Kano à Lagos, ainsi de suite, les gens seront très occupés et je crois que si nous rendons opérationnels les infrastructures, les routes, les rails, je vous assure que les Nigérians seront très occupés et qu’ils vous laisseront en paix. »
(Suite dans la prochaine parution)
Bienvenue Agbassagan