Dans un contexte mondial où nombre de pays peinent à se remettre des effets de la pandémie du Covid-19 et ceux de la guerre russo-ukrainienne, le Bénin affiche plutôt des indicateurs rassurants au plan économique. Cette tendance a été confirmée tout au long de l’année 2023 malgré les chocs mais les perspectives restent prometteuses.
L’économie béninoise a été résiliente face aux effets de la Covid-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la situation sécuritaire au nord du pays. Malgré ces chocs, la croissance du Pib réel a été soutenue en 2023 et portée par les trois secteurs d’activité (primaire, secondaire et tertiaire). Si l’année 2022 a été marquée par un léger ralentissement de la croissance à 6.3 %, après un fort rebond en 2021 à 7.2 %, il est annoncé une croissance de l’ordre de 5,8% en 2023, une moyenne supérieure à celle de la zone Uemoa. En effet, au premier semestre 2023, l’économie béninoise est confrontée à des chocs externes liés à la fermeture des frontières avec le Niger ainsi qu’à la hausse du prix de l’essence à la suite des réformes prises au Nigéria en mai 2023. L’inflation en glissement annuel s’établissait à 3.9 % en juillet 2023. Malgré tout cela, les perspectives économiques du Bénin sont favorables. La croissance est restée soutenue : 6,2 % en 2023, grâce au dynamisme des secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Les principaux risques qui menacent l’économie sont les fluctuations défavorables des cours mondiaux du coton et du pétrole et les effets négatifs du changement climatique. Par ailleurs, une évolution défavorable de la situation économique du Nigeria et une aggravation de la situation sécuritaire au nord du pays pourraient compromettre les perspectives économiques. En 2023, les cours des produits pétroliers qui devraient augmenter, se sont plus ou moins stabilisé sur le marché international, ce qui devrait contribuer à la maîtrise de l’inflation à 2,8 % en moyenne en 2023, puis à 2,3 % en 2024. La politique budgétaire a bénéficié des effets positifs du programme en cours du Fonds monétaire international (Fmi) portant sur un financement de 638 millions Usd. Le déficit budgétaire devrait baisser légèrement à 4,5 % du Pib en 2023, puis à 4,1 % en 2024. Avec le repli des prix des matières premières (produits alimentaires), un fléchissement du déficit du compte courant à 4 % du Pib est attendu en 2023, puis à 3,8 % en 2024.
Des notes positives
L’agence internationale de notation financière Fitch a maintenu la notation de B+ attribuée à la République du Bénin, avec perspective stable en 2023. Cette décision atteste de la résilience des fondamentaux économiques du Bénin dans un contexte d’instabilités internationales et régionales accrues. Fitch a salué la croissance robuste du Bénin, tirée par la mise en œuvre du Programme d’actions du gouvernement (Pag), et souligne les perspectives de croissance très favorables malgré les chocs externes observés en 2023. L’agence évalue la croissance du Bénin à 5,5% en 2023 notamment soutenue par le dynamisme du secteur agroindustriel, qui bénéficie de la mise en exploitation de la zone économique spéciale de Glo-Djigbé. L’agence anticipe une croissance de 6% en 2024 portée la performance attendue du secteur du coton, une baisse des pressions inflationnistes, et une stabilisation des réformes économiques entreprises au Nigéria.
Le constat est quasi-identique au niveau de l’Agence Moody’s qui insiste sur les perspectives économiques très favorables du Bénin, avec une croissance de 6% à 7% anticipée sur la période 2026-2027, portée par la mise en œuvre du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG). A ce titre, l’agence salue le programme de modernisation du Port Autonome de Cotonou, qui devrait renforcer la position du Bénin comme hub régional en Afrique de l’Ouest avec des retombées économiques importantes. De son côté l’Agence Standard’s and Poor a réhaussé la note du Benin. Selon l’agence de notation américaine, les perspectives économiques du pays passent de «stables» à «positives». Dans un contexte régional et international complexe, S&P évoque une économie béninoise «robuste», et minimise les retombées des sanctions sur le Niger. De son côté, le gouvernement béninois s’est lui félicité de la décision dans un communiqué et explique être « le seul pays d’Afrique disposant d’une perspective positive avec S&P ».
Les notes positives attribuées à l’économie béninoise ne sont pas venues que des organismes ou agences internationaux. Les institutions financières sous régionales ont également reconnu et salué les efforts du Bénin. C’est le cas de la Banque économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest qui trouve soutenue, la croissance du pays. Le gouverneur de l’institution financière de l’Afrique de l’Ouest a déclaré lundi 22 mai 2023 à la fin d’une séance de travail avec le président Patrice Talon à Cotonou, que “des progrès ont été réalisés au Bénin”. Jean-Claude Kassi Brou a expliqué que “nous avons noté que la croissance est restée très soutenue”. Le gouverneur de la Bceao met un accent particulier sur les efforts fournis pour contenir la hausse des prix des produits de première nécessité générée par des chocs exogènes. “Dans l’Union, le Bénin a la meilleure inflation. La performance d’inflation est à un taux relativement faible, et donc, nous avons vraiment salué les efforts qui ont été faits par l’État béninois pour lutter contre la hausse des prix d’une manière générale “, a précisé Jean-Claude Kassi Brou.
La gestion prudente de la dette publique saluée
Au 30 juin 2023, l’encours de la dette publique du Bénin s’établit à 6.434,55 milliards Fcfa contre 6.067,26 milliards Fcfa à fin mars 2023. La structure de l’encours de la dette se présente ainsi qu’il suit : dette extérieure : 4 312,53 milliards de Fcfa (67,02% du portefeuille) et dette intérieure : 2 122,03 milliards Fcfa (32,98% du portefeuille). Le taux d’endettement public ressort à 54,32% (36,41% du Pib pour la dette extérieure et 17,91% du Pib au titre de la dette intérieure) à fin juin 2023 et demeure toujours inférieur à la norme communautaire de l’Uemoa qui est de 70%. De façon générale, la dette publique du Bénin est dominée par la dette envers les créanciers non-résidents (79,63% du total). La dette extérieure est dominée par la dette multilatérale (50,35% du total) pendant qu’au niveau des titres publics, composante la plus importante de la dette intérieure (84,61%), l’Euro représente la principale devise d’endettement du Bénin (47,23%) suivi du Fcfa (32,98%) et du dollar américain (10,76%). A fin juin 2023, l’encours des prêts rétrocédés aux entreprises publiques s’élève à 157,26 milliards de CFA pour un engagement initial de 307,70 milliards de Fcfa. Il représente 2,44% de l’encours de la dette publique et 1,33% du Pib. Selon la Caisse autonome de gestion de la dette, la dette du Bénin demeure « viable avec un risque de surendettement modéré ». Fitch souligne par ailleurs la bonne performance du Bénin en matière de consolidation budgétaire malgré les événements régionaux. L’agence prévoit à ce titre une réduction du déficit budgétaire en 2023, en ligne avec les anticipations du Fonds Monétaire International, pour atteindre près de 3% du PIB en 2025. Par ailleurs, il est prévu une diminution du niveau d’endettement en 2024 et 2025 sous l’effet des efforts de consolidation budgétaire du Bénin et du maintien d’une croissance dynamique. Fitch salue en particulier la qualité de la gestion prudente et proactive de la dette publique, et la capacité du Bénin à maintenir un coût de la dette très attractif malgré l’environnement de remontée des taux d’intérêts à l’international.
Une coopération axée sur l’économie
Pa décret n°2023-156 du 17 avril 2023 portant composition du gouvernement, le Chef de l’Etat a procédé à un remaniement technique de son équipe. De la lecture de la composition de la nouvelle équipe, il ressort que le ministère des affaires étrangères a été dépouillé du portefeuille de la coopération qui est désormais greffé à celui de l’Economie et des finances. Du coup, les attributions du ministère d’Etat en charge de l’économie et des finances ont été renforcées. La lecture qui se dégage de ce changement de paradigme du président de la république est d’asseoir une coopération économique. Selon le secrétaire général adjoint du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, une recherche davantage d’efficacité sous-tend ce remaniement technique opéré par le président béninois, Patrice Talon, sur son équipe gouvernementale. « Le chef de l’État recherche davantage d’efficacité en ce qui concerne la coopération, particulièrement dans son volet économie », a confié, vendredi 14 avril 2023 le secrétaire général adjoint du gouvernement relativement à ce changement technique. Le patron de la communication gouvernementale a fait remarquer que la dimension coopération aboutit aux accords de financement et aux discussions sur les financements. Patrice Talon, de ce fait, a choisi de confier le volet coopération au ministre d’Etat chargé de l’Economie et des finances pour qu’il soit « encore plus impliqué que par le passé ». Cela, « pour davantage de cohérence et d’efficacité » dans l’action de son gouvernement.
De nombreux accords de signés
2023 aura été une année d’intenses activités au plan économique pour le Bénin. Renforcé par le volet coopération greffé à son portefeuille, le ministre d’Etat, chargé de l’économie et des finances a effectué plusieurs voyages pour dynamiser la coopération entre le Bénin et plusieurs pays. Ces voyages n’ont pas manqué de porter leurs fruits puisqu’ils ont permis la signature des accords de financement dans plusieurs secteurs et domaines au profit du Bénin. Sur ce registre, on peut citer par exemple la signature en avril 2023 d’un accord de financement de 100 millions de dollars soit 60 milliards Fcfa avec la Banque Mondiale pour le Programme Gbessoke. Un programme qui vise à diversifier les services sociaux, soutenir l’autonomisation des ménages pauvres et promouvoir l’inclusion économique des couches vulnérables au Bénin. Cet accord renforce les efforts du gouvernement béninois pour améliorer les conditions de vie de nos populations et réduire la pauvreté. Avec le Directeur du département Afrique, le Bénin a signé deux conventions de financement avec l’Agence française de développement pour le projet Padiap,un projet doté d’un financement total de 29,3 millions d’euros (19,2 milliards de Fcfa) par l’Afd, qui va booster le développement significatif des infrastructures agricoles dans diverses filières, dont le maïs, le riz et le soja. Toujours en juillet 2023, le Bénin signait un accord de financement d’un montant de 164 millions d’euros avec African Development Bank Group. Ce financement vise à accompagner le Bénin vers la réalisation d’infrastructures résilientes de drainage des eaux pluviales, en vue de faire face aux inondations cycliques et à atténuer leurs conséquences économiques. Le 31 juillet 2023, le ministre de l’Economie et des finances a procédé à la signature avec Sidi Ould Tah, Directeur Général de la Badéa de deux accords de financement et d’un accord-cadre sur la protection des investissements entre le Bénin et la Banque. Les deux accords de financement d’un montant global de 100 millions de dollars Us contribueront à financer : un projet d’aménagement hydroagricole et d’adaptation aux changements climatiques dans la vallée du fleuve Mono sur une superficie de 1500 hectares à travers la mise en place d’infrastructures agricoles avec maitrise de l´eau; et le programme de recapitalisation de la Boad qui vise le renforcement de cette institution régionale de développement. Le 30 octobre 2023 à Berlin en Allemagne, lors de la 22ème session des négociations intergouvernementales bénino-allemandes, les deux pays ont acté des engagements financiers d’environ 62 millions d’euros (soit 41 milliards de francs Cfa) pour la période 2023-2025. Afin de soutenir la politique économique, financière, démocratique et sociale du gouvernement, 170 millions d’euros soit environ 111,5 milliards de FCfa ont été mobilisés auprès de l’Union européenne, au titre des plans d’action annuels pour les exercices 2022 et 2023. Plusieurs autres accords de financement, de prêts et de dons, ont été formalisés au profit du Bénin pour appuyer et accompagner le pays dans ses efforts de développement.
Perspectives pour 2024
Pour l’exercice 2024, le gouvernement a opté pour un taux de progression de 12,8% de ressources. Une projection qui résulte des investissements massifs dans les secteurs clés de l’économie en cours de réalisation depuis 2016, selon les autorités. Le projet de Loi de finances pour l’année 2024, voté le 9 décembre 2023, affiche une hausse de 5,5% par rapport à l’exercice précédent. Selon la note d’information, le projet de loi s’équilibre en ressources et en charges à 3199,274 milliards de francs Cfa (5,12 milliards $) contre 3033,337 milliards de francs Cfa (4,8 milliards $) de la Loi de finances pour la gestion 2023. Celui-ci est porté par des orientations visant à accélérer la transformation structurelle de l’économie et à opérer concomitamment une meilleure répartition des fruits de la croissance. Les ressources du budget de l’Etat pour l’exercice 2024 présentent elles aussi un taux de progression d’environ 12,8%, se chiffrant ainsi, à 2076 milliards Fcfa contre 1840 milliards Fcfa prévus dans le scénario initial de la Loi de finances 2023. Cette projection résulte principalement « des réformes fiscales et non fiscales centrées sur l’élargissement de l’assiette fiscale et la dynamique de consommation puis des investissements massifs dans les secteurs clés de l’économie en cours de réalisation depuis 2016 », selon le gouvernement. Le déficit budgétaire, quant à lui, devrait diminuer, passant de 4,3% du Pib prévu pour la fin de 2023 à 3,7% en 2024. Pour rappel, l’activité économique du Bénin affiche une bonne résilience, en dépit de la situation sécuritaire qui prévaut dans la sous-région ainsi que les chocs exogènes. Pour 2024, l’Etat béninois table sur un taux de croissance du Pib à 6,5 % contre 6,1 % estimé pour la fin de cette année. Des prévisions plus optimistes que celles du Fmi qui projette un taux à 5,9% en 2024 et 6% en 2023.
Gabin Goubiyi