La rupture de collaboration entre l’Union démocratique pour un Bénin nouveau avec le Bloc républicain, la fusion annoncée entre le Parti du renouveau démocratique et l’Union progressiste sont symptomatiques de la peur qui anime les partis de la majorité présidentielle à quelques encablures des prochaines élections législatives. C’est du moins la lecture faite de ces actualités par El Farouk Soumanou, le 2ème Secrétaire exécutif adjoint de la Force cauris pour un Bénin émergent dans un entretien qu’il a accordé à « Le Matinal » et dont nous vous livrons l’intégralité.
Le Matinal : Quelle lecture vous inspire la rupture de collaboration entre l’Udbn et le Br ?
El Farouk Soumanou : Je dois dire d’abord que ce retrait, ou cette suspension, ajoutée aux nombreux débauchages dont notre parti a été victime, car vous n’êtes pas sans savoir que nous avons des Communes ou des conseillers élus sur la liste Fcbe (Ndlr Force cauris pour un Bénin émergent) ont décidé dans des conditions qui restent obscures, de rejoindre un parti de la mouvance. Quand on ajoute tout ça à ce qui s’observe actuellement, ce qu’on peut conclure à chaud, est que la réforme du système partisan est un échec. Et malheureusement, ce sont les partis soutenant l’action du Président de la République Patrice Talon qui sont à la base de l’échec de cette réforme. C’est une réforme normalement à saluer parce qu’elle visait non seulement à réduire le nombre de partis politiques dans notre pays, mais également à rendre les partis plus forts. Malheureusement ce que l’on constate, c’est que ce sont les parties de la mouvance qui se sont spécialisés dans le débauchage de militants, de conseillers, élus sur une autre liste. Ce sont eux qui ont inventé le concept de mise ensemble. Pour ne pas dire alliance, on parle de mise ensemble. Et c’est dommage, parce qu’à l’issue des Communales de 2020, il y avait une loi explicative qui dans son interprétation, s’est opposée à toute alliance entre le couple Union progressiste-Bloc républicain et le parti Fcbe. Je crois qu’il est temps que le Chef de l’Etat ou le Parlement tape du poing sur la table pour clarifier un certain nombre de choses dans la loi n°2018-31 du 15 novembre 2019 portant Charte des partis politiques en République du Bénin. Et je pus vous dire que c’est ce flou artistique qui fait qu’au niveau de l’opposition, nous donnons l’air d’être des observateurs parce qu’il y a des velléités de mise ensemble des partis de l’opposition mais aujourd’hui, on se demande quelle interprétation on peut faire de cette loi. Pour nous, un parti n’adhère pas à un autre. L’adhésion à un parti politique est individuelle, alors si l’Udbn est censée s’être fusionnée avec le Br, je pense que ça veut dire que le ministère de l’Intérieur, devrait retirer ou annuler l’Udbn de la liste des partis politiques.
Quelles étaient selon vous les implications de cette mise ensemble ?
N’étant pas membre du Bloc républicain, je ne sais pas quelle forme a été donnée à cette mise ensemble et qui puisse échapper aux principes de l’alliance. Ce qui signifie qu’en réalité, c’était une alliance déguisée. Si ce n’était pas une alliance déguisée, le parti Udbn ne pouvait pas se retirer comme il l’a fait. Donc, cela pose sérieusement le problème de l’esprit de la réforme du système partisan. Il y a-t-il possibilité d’alliance ? Si oui, quelle forme doit prendre cette réforme ? Il faut que cela soit clair. En plus, cela nous permet d’opiner un peu sur la fusion annoncée entre l’Up et le Prd. Si c’est un parti politique, ça veut dire qu’automatiquement la mise ensemble fait disparaître les deux partis. A partir de ce moment, les récépissés individuels de ces partis sont d’office pour nous caducs. Donc, si le nouveau parti Up, Prd se crée, il va falloir que ce parti fasse les formalités pour avoir un nouveau récépissé. Du coup, on s’interroge sur la question de savoir si un nouveau parti politique créé dans ces conditions devrait être qualifié pour aller aux élections Législatives ? C’est des questions juridiques, c’est de débats que nous devons faire et des débats qui doivent être faits de manière claire et transparente. Cette mise ensemble, pour un nouveau parti, ça se passe comment ? On ne saurait le dire. Mais au niveau de l’opposition, nous remarquons que c’est qu’à la veille de ces élections législatives il y a eu une certaine débandade au niveau de la majorité présidentielle parce qu’il ne s’agit d’une élection présidentielle. Il s’agit des élections Législatives où le chef de l’Etat lui-même aura l’occasion de jauger le poids politique de ceux qui se réclament de sa tendance. Je puis vous dire que tout récemment une forte délégation de l’Union progressiste a pris d’assaut la mairie de Bantè et manifestement leur démarche, c’était une démarche qui rentre dans le cadre d’une tentative d’influencer le maire Fcbe de Bantè, ce qui nous parait être inadmissible et nous aurons le temps de revenir sur cette question.
La dynamique de fusion de partis n’est-elle pas à saluer vu qu’elle intègre l’esprit de la réforme du système partisan qui promeut le regroupement des grands ensembles ?
Ce que nous disons, c’est une débandade. On a l’impression que les partis de la mouvance constatent que s’ils ne se mettent pas ensemble, il leur sera difficile d’affronter l’opposition. Quant à l’opposition, elle n’a pas besoin d’être unique. Vous ne verrez dans aucun pays du monde, une opposition unique. Même en France qui est le pays dont on s’inspire, vous verrez bien qu’il y a plusieurs genres d’opposition. Donc manifestement, c’est parce que l’opposition fait peur que beaucoup pensent que l’opposition est dans l’inorganisation. On constate qu’affronter l’opposition aujourd’hui devient une équation difficile pour les partis de la mouvance. Cette débandade qu’on constate et vous allez voir que l’Udbn en se retirant du Br, va atterrir dans l’Union progressiste qui déjà reçoit le Prd et nous entendons que Moele-Bénin est annoncé. Nous assistons également à des démissions en cascade au niveau du Bloc républicain. Tout cela mis ensemble, montre quand même que la panique est dans la maison et donc l’opposition que l’on croit désorganisée mais qui a changé de stratégie est prête et se dit déjà rassurée de constater que l’adversaire en face a déjà peur et quand l’adversaire a déjà peur, c’est que vous avez déjà la victoire à moitié.
Par rapport aux incertitudes qui caractérisent les regroupements aujourd’hui, que propose votre parti ?
Vivement que cette loi sur le système partisan soit relue et clarifiée, que les termes soient suffisamment clairs pour qu’on sache si des partis veulent se mettre ensemble pour affronter les élections, doivent fusionner et que de ce fait les deux partis disparaissent puisque les alliances sont interdites ou est-ce qu’il y a une possibilité de contrat à signer entre deux partis qui restent autonomes. La loi doit pouvoir clarifier cela sinon, ça nous pose problème. Et cette clarification doit permettre évidemment aux partis de l’opposition dont les idéologies sont proches d’explorer les possibilités de fusion. Cela aidera à réduire le nombre de candidatures et de listes comme on l’a vu lors de la Présidentielle du 11 avril 2021.
Votre mot de fin
Vivement que les choses soient mises en ordre et que le paysage politique soit un peu plus clair. Quant à l’opposition, nous restons sereins, nous sommes des spectateurs joyeux de ce qui ce passe de l’autre côté et j’espère qu’au soir du 8 janvier 2023, l’opposition s’en sortira avec une large victoire et un contingent de députés pour la neuvième Législature. Je vous remercie.
Propos recueillis par Gabin Goubiyi