Le gouvernement veut redonner à la filière palmier à huile ses lettres de noblesse. Après avoir donné le top de la relance de la filière en mai 2020, les actions de valorisation se sont poursuivies à travers le pays pour asseoir à nouveau l’hégémonie de cette culture.
La culture du palmier à huile regorge d’importantes ressources économiques et d’opportunités tant pour les populations que pour les entreprises et par ricochet l’Etat. S’il y a des filières agricoles respectueuses de l’environnement et juteuses pour l’économie d’un pays, le palmier à huile en est une. Avec cinq (05) milliards de francs Cfa accordés à la filière palmier à huile dans le Programme d’actions du gouvernement (Pag) 2021-2026, le gouvernement veut améliorer la performance de la filière palmier à huile avec l’aménagement d’au moins vingt-cinq mille (25 000) nouveaux hectares. Ce qui se traduit par l’amélioration d’au moins 20% du rendement moyen en 2025 et l’amélioration de la transformation par la raffinerie et la savonnerie pour la satisfaction du marché national et de celui régional. Selon le rapport de faisabilité du programme national de développement de la filière palmier à huile au Bénin, il y a une forte complémentarité entre les hommes et les femmes, et entre les vieux et les jeunes dans le secteur agricole, ce qui est valable pour la filière palmier à huile. Les déclarations des producteurs indiquent que moins de 25% des propriétaires de plantations sont des femmes, même si ces dernières jouent des rôles importants dans les activités de production du palmier. Cet état de chose peut se comprendre dans la mesure où la mise en place des plantations demande d’avoir le droit de propriété sur les terres utilisées alors que dans plusieurs communautés du Sud Bénin la femme hérite peu de terres. Les femmes, les hommes, aussi bien jeunes comme âgés interviennent tous dans les différentes tâches relatives à la production de noix de palme. Mais les femmes interviennent plus dans les opérations d’épandage d’engrais, de sarclage, de récolte de noix de palme, de ramassage des régimes de palme, d’essouchage des régimes, et de tri de noix. Les jeunes, quel que soit leur sexe, sont aussi plus actifs dans la réalisation de ces mêmes tâches.
« D’ici à 2030, la productivité des palmeraies béninoises s’améliore et le niveau de vente de l’huile de palme, et des savons dérivés, produits selon les normes de durabilité au Bénin s’accroit de 50% sur le marché national et dans la sous-région ouest africaine », c’est l’objectif que vise le Programme national de développement des filières (Pndf). Pour améliorer davantage les performances de cette filière, le gouvernement a entrepris de travailler sur de nouveaux chantiers, notamment le recrutement de conseillers pour des appui-conseils rapprochés aux planteurs et aux transformateurs. Une production à grande échelle, de plus de 2.5 millions de noix de palme, est attendue pour le compte de l’année 2022, a précisé le ministre de l’agriculture Gaston Cossi Dossouhoui, à l’occasion d’une séance de travail avec les acteurs de la filière en juillet 2022.
Transformation industrielle
Le Bénin ne dispose que de deux unités de transformation que sont l’usine de l’bcg et celle de Coda. Ces usines d’État ont été privatisées en 1998 après le désengagement de l’État de la gestion des coopératives. Pour leur production d’huile de palme et d’huile palmiste, ces usines s’approvisionnent en régimes de palme auprès des Car qui sont leurs principaux fournisseurs. On observe de fortes variations de la production des usines d’une année à une autre surtout en raison de la faible capacité des Car à approvisionner les usines en régime. A l’analyse, il ressort que ces usines sont en sous-exploitation à cause du faible niveau d’approvisionnement en matière première. Ainsi par exemple, au cours de la période de 2009 à 2019, la production de Coda n’a pas excédé 30% de la capacité de production installée. Ce taux est même descendu en dessous de 10% entre 2011 et 2014. La quasi-totalité de leurs productions d’huiles est écoulée sur le marché nigérian. A priori, il s’agit d’unités industrielles qui ont des procédés composés des opérations de l’huilerie qui regroupent toutes les opérations permettant de fractionner un régime de palme en rafle, fruits, fibres, noix, jus bruts, huile brute, boues, coques, huile finie et amandes. Une succession de préparation des constituants et de leur transformation se fait par les phases intermédiaires. Il s’agit des phases de pesée des régimes, stérilisation des régimes, égrappage, malaxage, extraction, clarification. Par ailleurs, la transformation de noix palmiste est artisanale et semi artisanale. Le lot de matériels utilisés par les transformateurs artisanaux de noix palmiste est constitué de seau, bidon, bassine, entonnoir, bâche, peson et balance, pelle, gants, râteau, presse, concasseur, tonneaux en tôle et en plastique, bottes, paniers, sacs, et séchoir. Tous ces équipements de production installés à Coda est de 70 000 tonnes de régime par an 49 sont achetés dans les communes, ou à Cotonou au marché Dantokpa ou au Nigéria. La production d’huile palmiste au niveau des unités de transformation va de 300 litres à 121 600 litres par an. Les transformateurs de noix palmistes ont accès à la main-d’œuvre utile au niveau local. Ils ont accès au crédit chez Padme, Pebco, Caveca, etc. pour l’activité de transformation de noix palmiste et les montants atteignent 4 millions Fcfa.
Vin de palme
Les équipements pour la transformation de vin de palme sont les marmites, le tuyau, le bidon, le tonneau, des bassines et seaux, des entonnoirs, des jarres. Tous ces équipements sont acquis sur les marchés ruraux locaux et les transformateurs en sont satisfaits. Il n’y a pas de conditions particulières pour accéder à ces équipements. En termes d’infrastructures, ces transformateurs construisent des bassins de refroidissement, des magasins, des ateliers de transformation, etc. La transformation du vin en alcool est artisanale. La main-d’œuvre locale est utilisée pour l’abatage des arbres de palmier à huile, l’écorçage, la collecte de vin de palme, le transport du vin au lieu de préparation, la préparation de l’alcool, la vente locale de l’alcool, la préparation du sodabi, la recherche du bois de chauffe, etc. Toutefois, des difficultés à trouver la main-d’œuvre sont évoquées. La majorité des transformateurs de vin de palme rencontrés (62,5%) ont accès au crédit auprès des Clcam, Caveca, Pebco. Les montants obtenus vont jusqu’à 5 millions de Fcfa. Aucun projet et programme n’accompagne la transformation du vin de palme en alcool de vin de palme. Cette activité occupe certains acteurs tout le temps. Cependant, elle est intense en saison sèche. La production d’alcool de vin de palme chez certains est assez importante. Selon le rapport de faisabilité détaillée du programme national de développement de la filière palmier à huile, un producteur rencontré a déclaré avoir fait en 2019 jusqu’à 12 000 litres.
Circuits et flux d’écoulement des produits
Les commerçants de noix de palme sont directement liés aux producteurs par des relations professionnelles. Elles sont pour la plupart des femmes. Elles sont souvent reliées à plusieurs producteurs chez qui elles font la collecte des noix de palme. En effet, ces femmes peuvent financer les différentes activités de production de noix de palme, et à la récolte, les producteurs remboursent en donnant l’équivalent en régimes de palme. Certains commerçants disposent de voitures bâchées qui facilitent le transport et la collecte des régimes. Ils s‘appuient parfois sur des collecteurs pour assurer la mobilisation de grandes quantités de noix de palme. Ils vendent leurs produits aux revendeuses détaillantes des villes ou à des transformateurs. Les détaillantes se ravitaillent chez les grossistes et parfois chez les producteurs. Les détaillantes vendent leurs produits directement aux consommateurs pour la consommation domestique. Deux (02) types de circuits de commercialisation sont identifiés selon le nombre d’intermédiaires qui existent entre les producteurs et les consommateurs et le type d’acteurs finaux. Dans le premier cas, les consommateurs des villages (les ménages) constituent les acteurs finaux. Les intermédiaires au niveau de cette chaîne commerciale sont les grossistes et les détaillantes. Le deuxième cas est caractérisé par des acteurs finaux constitués de consommateurs des milieux urbains. On dénombre ainsi trois (03) intermédiaires entre les producteurs et le consommateur final à savoir les collectrices, les grossistes et les détaillantes.
Le circuit de commercialisation de l’huile de palme réunit trois (03) types d’intermédiaires à savoir les commerçantes qui sont en contact avec les transformateurs, les grossistes, et les détaillantes. Les collectrices d’huile de palme sont en majorité des femmes qui sont liées à des fournisseurs spécifiques, qui leur font appel dès que les produits sont prêts. En période de pénurie d’huile de palme, elles s’approvisionnent souvent à crédit chez les transformateurs, mais les remboursent dès leur retour du marché. En revanche, pendant la période d’abondance, ce sont elles qui font des prêts aux transformateurs pour supporter certaines charges de production d’huile de palme. Dans ce cas, les prêts contractés par les transformateurs sont convertis en huile de palme à la production. Des situations de conflit peuvent survenir entre collectrices et transformateurs en période de pénurie où l’huile est chère et donc ces derniers n’arrivent pas à s’entendre sur le taux de conversion de l’huile, vu que le prêt a été contracté depuis la période d’abondance où l’huile était moins chère. On les retrouve souvent au niveau des grands marchés régionaux tels que, Marché de Ouando (Ouémé), Marché de Dogbo (Couffo), Marché de Bohicon (Zou), etc. Les grossistes, exclusivement des femmes, opèrent au niveau des grands marchés régionaux. Elles s’approvisionnent pour la plupart chez les commerçantes qui se ravitaillent chez les transformateurs. Certaines d’entre elles sont directement liées aux transformateurs qui leur font appel dès que le produit est prêt. Les détaillants des marchés, les détaillants ambulants, les commerçants de rue s’approvisionnent chez elles. Du fait que les marchés ne s’animent pas les mêmes jours, elles fréquentent plusieurs marchés. Les détaillants, exclusivement des femmes sont installées un peu partout dans les marchés ruraux et urbains. Certaines d’entre elles se promènent avec l’huile de palme, dans l’optique de vite vendre leurs produits. Les détaillants disposent d’un petit capital. Elles sont donc parfois obligées d’acheter à crédit chez leurs fournisseurs et remboursent le jour de marché suivant.
Circuit de commercialisation de l’huile palmiste
L’huile palmiste intervient aussi bien dans la consommation (pour frire certains aliments) que dans l’industrie cosmétique nationale (fabrication de savon), et particulièrement dans la pharmacie et la pharmacopée. Les intermédiaires qui interviennent dans le circuit de commercialisation de l’huile palmiste sont les vendeurs qui se trouvent entre les transformateurs et les consommateurs ou utilisateurs. La commercialisation des produits se fait avec diverses unités de mesure. Par exemple, pour l’huile de palme qui est le principal produit et l’huile palmiste, les acteurs utilisent le litre et des bidons de 25 litres comme unités de vente ou d’achat. Les noix de palme sont vendues par l’unité de mesure appelée « tohoungolo », par bassine, par véhicule 404 bâché, ou au kilogramme. La noix palmiste est vendue avec les mêmes types d’unités de mesure (kg, tohoungolo, bassine, etc.). Cependant, l’alcool est vendu par litre et par bouteille de 20 litres. Cette diversité des unités de mesures usuelles et conventionnelles facilite les spéculations sur les différents marchés, de même que la tricherie dans les transactions.
Sergino Lokossou