Les mauvais résultats au niveau des clubs béninois engagés dans les compétitions interclubs africaines ainsi que les sorties manquées du « Onze national » font couler beaucoup d’encre et de salive dans le rang des populations. L’amour entre le peuple béninois et ses différents représentants dans ces challenges est ainsi en train de disparaître peu à peu. Voici un sujet sur lequel des avertis du football se sont prononcés en donnant leur appréciation ainsi que des pistes de solutions pour redonner une nouvelle vie au football béninois. Lisez ci-dessous les interventions.
Léonard Claudel Sonehekpon, journaliste sportif à Golfe Tv-Fm : « C’est le reflet de notre football »
« Cet enchaînement de défaites, que ce soit de l’équipe nationale de football ou des clubs béninois ne devrait pas surprendre. C’est le reflet de notre football aujourd’hui. Que pense-t-on avoir comme résultat quand la politique du football est inexistante, malgré une volonté politique de mettre sur un piédestal ce sport rassembleur. Il n’est pas concevable qu’au 21ème siècle, le football soit à l’ère du tâtonnement et de l’improvisation sous nos cieux. Pas de direction technique nationale ! Pas de championnat de catégorie d’âge ! Pas de centre de formation digne du nom ! Pas de formations de recyclages régulières des acteurs, pas un véritable championnat professionnel etc. Notre football est malade. Il souffre d’un manque de politique sportive sérieuse et ambitieuse. Il souffre des hommes qui lui donnent une mauvaise orientation. Il souffre d’un manque avéré de rigueur, de discipline et d’organisation. Il souffre énormément et les Béninois qui suivent leurs télévisions, vont regarder les matchs au stade, impuissants, vidés de tout espoir. Il urge aujourd’hui de penser à ces différents paramètres et de cesser de s’attarder sur des détails comme le nom de l’équipe nationale et autres dont l’impact sur nos résultats est insignifiant. Guérir le mal par la racine, c’est elle qui puise l’eau et les sels minéraux. Ne nous attardons pas sur l’écorce encore moins sur les feuilles. C’est une perte de temps ».
Blaise Adankpo, reporter : sportif à l’Ortb « Une équipe béninoise désintéressée »
«Avec la prestation des Écureuils avec ces deux matchs des journées Fifa, il faut clairement dire que c’est un bilan mitigé. Il faut avoir le courage de le dire. C’est un bilan mitigé. En termes de résultat sur le terrain, mais aussi en termes de visage présenté par l’équipe béninoise. D’abord, vous avez une équipe béninoise désintéressée surtout au niveau des joueurs et ce manque d’envie se sentait déjà lors de la publication de la liste par Moussa Latoundji. C’est après cette publication que certains joueurs ont préféré rester en club. D’autres ont parlé de blessures, d’autre ont accusé de retard. En clair, je crois qu’un lien s’est brisé au sein de cette équipe. Donc, il faudrait ramener la balle à zéro afin de relancer le football béninois. On a déjà joué deux journées comptant pour les éliminatoires de la Can 2023 finalement reportée en 2024. Et avec le niveau actuel affiché par l’équipe, la qualification sera difficile. Je crois que sur les quatre prochains matchs, on a vraiment intérêt à préparer une équipe compétitive. C’est cela qu’il faut revoir. Maintenant, sur le niveau mental de l’équipe, je n’ai pas vu de joueur prêt à mouiller le maillot, à l’exception de quelques-uns. On les connaissait pour leurs talents. Cela pose quand même un gros problème que dans une équipe nationale. Des joueurs censés représentés toute une Nation ne soient pas motivés, c’est un gros problème. Parlant de la prestation des clubs béninois sur le continent africain, on dit qu’on vient pour se mesurer aux autres, et donc se mesurer aux autres nécessite forcément de jouer des matchs. Et quand on fait le bilan de la participation des clubs béninois aux différentes compétitions de la Caf, on se rend compte qu’ils sont tous éliminés. Et si nous sommes éliminés, c’est parce qu’on n’a pas le niveau. Tout est à revoir clairement selon moi. Surtout le format du championnat, la formation des formateurs et des arbitres. Il faut partir à la base. On a eu les U17, les U20 (les juniors) qui vont participer à la Can en Egypte, donc c’est tout un ensemble. Il faut donc revoir les choses dès la base afin de pouvoir, d’ici quelques années, avoir le sourire».
Dicorel Zohou, journaliste à Tvc :« Nous restons dans l’improvisation totale »
« C’est assez clair aujourd’hui que le bilan est mitigé. Il n’y a pas de résultat positif. Les clubs béninois continuent par bégayer… L’équipe nationale vacille toujours et donc tout est encore au point mort si je peux le dire ainsi parce que nous restons dans l’improvisation totale. Tout compte fait, pour y remédier, je pense que les gens savent ce qu’il faut, les approches de solutions nécessaires. Nous ne pouvons que copier les autres. C’est-à-dire mettre en place une véritable direction technique nationale avec ses démembrements départementaux qui sera une structure assez technique chargée de recycler les coachs, de recycler les formateurs afin qu’ils passent de grade en grade. Faire les stages nécessaires pour avoir les aptitudes pour coacher et surtout pour former. Il faut avoir des académies un peu partout. Au moins des académies publiques départementales pour permettre l’organisation régulière des championnats de catégories d’âge, des U10, U13, U15 voire U17 et autres. Obliger tous les clubs à avoir des équipes de catégorie d’âge, c’est-à-dire des équipes réserves, des équipes de U19, des équipes de U17. C’est par là qu’on peut espérer un avenir meilleur et radieux pour nos équipes nationales et nos clubs. Si on ne le fait pas, on va continuer dans l’improvisation et donc, dans la médiocrité. Si on le fait, on n’aura toujours pas de bons résultats».
Placide Attolou, citoyen : « Le Bénin se doit de munir son système, de centres de formation »
« Il faut reconnaître que de nos jours, le football n’est plus le même. Dans les temps anciens, on peut dire à n’importe qui de venir jouer dans n’importe quel club ou dans n’importe quelle sélection, parce que l’accent n’était pas mis sur les centres de formation et écoles de formation. Le football au niveau national qu’international vivait dans ce tâtonnement. Mais aujourd’hui, il faut reconnaître que le football a pris une autre connotation très scientifique et dans cette sphère de science, les pays en voie de développement comme le Bénin se doivent donc de munir leurs systèmes, de centres de formation et d’écoles de foot. Qu’est-ce que les centres de formation et écoles de foot vont faire? Ces deux structures vont produire. Ils vont produire la pépinière, de petits footballeurs, de jeunes footballeurs qui deviendront dans les jours à venir des cadets pour des juniors et enfin seniors… Ce faisant, ces joueurs formés pourront répondre dans divers championnats parce que quand un État est doté de centres de formations et d’écoles de formations, les produits commencent par sortir. On peut maintenant les utiliser dans les divers championnats afin de promouvoir leurs talents et les utiliser tant dans les clubs locaux que dans les clubs à l’international. Donc, nous avons besoin des centres de formation et des écoles de foot. Ce que nous n’avons pas et les dommages de cette absence, c’est ce à quoi nous sommes en train d’assister aujourd’hui. On est alors obligé de faire avec les joueurs qui ont l’âge d’aller à la retraite. On est obligé de faire revenir ceux-là parce nous n’avons pas des jeunes assez compétitifs pour faire le job. Sinon, ces joueurs seraient déjà à la retraite. En dehors de cela, il faut reconnaître également que l’Etat béninois s’immisce beaucoup dans le football béninois. Ce qui n’est pas bon. Le football béninois est politisé, les recrutements sont politisés. Il faut reconnaître que le championnat depuis 2 à 3 ans, a commencé par être réorganisé, restructuré, bien assaini pour produire des jeunes talents dans le domaine du football. Mais la politique de l’Etat refuse qu’on recrute ces jeunes joueurs qui ont au moins les mêmes compétences que ces joueurs que nous disons professionnels, que nous préférerions recruter dans les championnats des divisions 4, des divisions 2. Qu’il vous souvienne, le Bénin n’a aucun joueur en première Ligue d’Angleterre par exemple. Nous n’avons aucun joueur en première division italienne tout comme en Allemagne. Il y a quelques-uns comme Jodel Dossou, Steve Mounié et autres en Ligue 1. Nous avons bel et bien des locaux, des jeunes joueurs qui peuvent faire la même chose que ces professionnels qui viennent jouer. Mais la politique béninoise ne permet pas au sélectionneur de les sélectionner. Nous utilisons alors les mêmes joueurs depuis près de 15 ans. Stéphane Sessegnon, Khaled Adénon et beaucoup d’autres. Il y a beaucoup de joueurs que nous utilisons depuis près de 10 ans que nous ne voulons pas relâcher, mais qui sont fatigués au regard de leurs âges. Ceux-là ne peuvent plus se donner du point de vu vitesse, du point de vue technique. Il y a assez de choses qui nous manquent. Donc, si je dois me résumer, l’Etat béninois doit permettre de recruter les pépites au niveau des championnats déjà existants au Bénin pour quand même remplacer ces joueurs âgés qui ne donnent plus le meilleur d’eux-mêmes. Deuxièmement, l’Etat doit créer des centres de formation et écoles de foot un peu partout sur toute l’étendue du territoire national afin de pouvoir assurer la pérennisation des grands joueurs existants déjà, parce que les centres de formation et les écoles de foot sont censés créer les pépites, d’année en année et qui sont appelés à remplacer les générations futures. Ces jeunes existent à plusieurs niveaux : les poussins, les cadets, les juniors, les seniors etc. Quand cette chaîne est bien existante au niveau des écoles de foot et centres de formation, le remplacement progressif des talents tant au niveau des clubs qu’au niveau de la sélection est quelque chose qui se fait sans une goutte de transpiration. Lorsque vous prenez un pays comme l’Allemagne, il utilise directement les bons produits du Bayern Munich. L’Espagne utilise directement les bons produits du Real et du Barcelone. Et si ces clubs n’avaient pas des écoles de foot qui produisaient des pépites, leur football n’allait pas duré au haut niveau. Alors, le Bénin est en train de souffrir de ce problème aujourd’hui. Voilà donc ce qu’on doit faire ».
Audace Azondékon, journaliste sportif à BeninSport : « Au-delà du résultat, c’est la manière qui inquiète »
« Deux matchs qui se soldent par deux défaites. Au-delà du résultat, c’est la manière qui inquiète. On a vu des joueurs très peu concernés du côté de Rabat. Dans la continuité de tout ce qui se disait avant le rassemblement, on a surtout eu l’impression que certains joueurs n’avaient véritablement pas envie de jouer. Il est à noter désormais que les Écureuils sont sur une série de 4 défaites consécutives. C’est une situation alarmante dans laquelle se retrouve l’équipe nationale. Lorsqu’on sait qu’il n’y aura plus de trêve internationale avant l’arrivée de la double confrontation décisive face au Rwanda au mois de mars 2023, l’inquiétude est d’autant plus grande. Aujourd’hui, l’impression générale est que, l’équipe semble être en perdition. Pour ce rassemblement, je pense que le sentiment qui prédomine reste la déception. A l’annonce de sa liste, le technicien Moussa Latoundji avait fait comprendre qu’il voulait essayer d’autres joueurs, mais sur l’ensemble des deux matchs, ça n’a pas été le cas. On a vu un entraîneur qui, comme au mois de juin dernier, a beaucoup tâtonné. Tantôt avec une défense à 4, tantôt avec une défense à 3, les choix sont difficiles à comprendre. Si des doutes existaient sur la capacité de Moussa Latoundji à diriger l’équipe nationale, ils sont désormais confirmés. Le technicien béninois ne semble pas être celui qu’il faut aux Écureuils. Une solution, je dirai qu’il n’existe pas de remède miracle. Il faudra du temps et beaucoup de travail de la part des joueurs et des dirigeants pour espérer revoir l’équipe nationale à performer. Ce qu’il faut déjà faire pour le moment, c’est de trouver un vrai entraîneur et un vrai staff technique à l’équipe. Je veux dire quelqu’un avec des idées et une vision de jeu bien claire. Un entraîneur qui constituera une base solide. L’autre chose serait également de mettre en place une véritable direction technique nationale qui effectuera un vrai travail. Un point d’honneur devrait également être mis sur le championnat national et la formation à la base. Cela risque de prendre du temps, mais il faut bien commencer un jour. Les autorités en charge de la gestion du football au Bénin se sont beaucoup trop reposées sur les lauriers acquis lors de la Can 2019 mais, la réalité est que, cela est du passé. Il faut se remettre au travail, maintenant plus que jamais ».
Réalisation : Karol Sékou (Coll)