Le projet de loi portant modification et complément de la loi n°2018-14 du 18 mai 2018 portant Code de procédure pénale en République du Bénin est sur la table des députés depuis le mercredi 21 septembre 2022. Il permettra au chef de l’Etat de suspendre pendant 5 ou 10 ans la peine d’un condamné pour raison humanitaire ou sociale. Peut-être une lueur d’espoir pour Aïvo et Madougou.
« Les condamnés à une peine privative de liberté peuvent également et exceptionnellement bénéficier de la suspension de l’exécution de la peine. Ceci, lorsqu’il est établi lors de l’exécution, une conduite de nature à justifier la mesure ou que celle-ci est dictée par les considérations d’ordre social et humanitaire significatives », indique le compte rendu du Conseil des ministres. Selon le texte soumis à l’étude de l’Assemblée nationale, cette suspension est faite à la requête de la personne condamnée, pour une durée et ne saurait excéder 5 années civiles, renouvelable une seule fois. Depuis l’apparition la semaine dernière du Projet de loi portant modification et complément de la loi portant Code pénal et qui confère au président de la République le pouvoir d’ordonner la suspension de l’exécution d’une peine, beaucoup ont perçu une tentative du pouvoir pour faciliter la libération de prisonniers comme Joël Aïvo ou Reckya Madougou. Ce qui à terme, participe du dégel de la tension politique, qui depuis les échauffourées de 2019 a pollué l’atmosphère sociopolitique. Selon le compte rendu du Conseil des ministres du mercredi 21 septembre 2022, cette proposition de l’Exécutif vise à conférer au président de la République, le pouvoir d’ordonner la suspension de l’exécution de la peine, lorsque celle-ci est justifiée pour des raisons sociales et humanitaires, après avis conforme, bien sûr, du Conseil supérieur de la magistrature. Toujours selon le Conseil, en vue d’humaniser et de moderniser les peines prévues par le Code pénal, le législateur béninois a supprimé la peine de mort et les travaux forcés. Il a introduit les peines alternatives et a renforcé le régime de l’aménagement des peines. Ces peines alternatives, apprend l’Exécutif dans son compte rendu, ne sont admises que pour les peines correctionnelles, excluant dès lors les personnes condamnées pour des faits criminels. Elles ne permettent donc pas au gouvernement d’apporter des réponses adaptées aux situations exceptionnelles d’ordre social et humanitaire. C’est pourquoi, il apparaît nécessaire de compléter le dispositif de la libération anticipée », souligne le gouvernement.
La balle est désormais dans leur camp
Une fois votée par l’Assemblée nationale, et promulguée, le chef de l’Etat pourrait décider de suspendre pendant 5 ou 10 ans les peines d’un condamné pour raison humanitaire ou sociale. « Ce sont des justiciables béninois. S’ils remplissent les conditions pour bénéficier, demain, de ces mesures, il leur appartient de prendre l’initiative, ainsi que le projet de loi l’indique, de formuler une demande. Dès lors que le Conseil supérieur de la magistrature aura donné son avis favorable, ils pourront bénéficier de cette mesure comme n’importe quel autre justiciable condamné par les tribunaux et les cours du Bénin », a répondu le porte-parole du gouvernement, interrogé à propos des cas Madougou et Aïvo, qui croupissent toujours en prison. Et pourtant, ajoute Wilfried Léandre Houngbédji :
« La mesure d’aménagement envisagée qui vise la suspension des peines n’emporte ni n’efface la peine. Ce qui veut dire que le justiciable qui bénéficierait demain de cette mesure, et je précise que c’est en raison de la gravité de l’infraction qui aura conduit ce justiciable en prison, que l’on envisage ni l’amnistie, ni la grâce. Et donc le justiciable qui bénéficiera de cette mesure, quand il va sortir, on va dire trivialement qu’il demeure un prisonnier ambulant. Un prisonnier ambulant pour la simple raison qu’une fois sorti, s’il se comporte comme un récidiviste, il pourra rapidement retourner en prison. Lorsque le comportement est de nature à inquiéter ou à montrer qu’il ne s’est pas amendé, bien qu’avant de bénéficier de cette mesure il a affiché un certain comportement dans l’espace carcéral qui plaidait en sa faveur, au bénéfice de cette mesure, le Procureur de la République peut, sur réquisition, obtenir qu’il retourne dans l’espace carcéral ». La balle est désormais dans le camp des intéressés.
Wilfrid Noubadan