(Le président Sossa envisage une solution légale)
A la faveur d’un séminaire sur le dialogue entre juge de la constitutionnalité et juge de la légalité organisé à Cotonou cette semaine, le président de la Cour constitutionnelle en a profité pour poser l’épineuse question de la garde à vue et la détention provisoire abusives au Bénin pour laquelle la Cour constitutionnelle est souvent saisie. « C’est une question qui me hante. Je la partage avec vous. Aucune solution légale n’est-elle envisageable pour prévenir la garde à vue et la détention provisoire abusive? Est-ce que les prisonniers doivent rester là et toujours saisir la Cour constitutionnelle? On m’a oublié depuis 15 ans en prison sans jugement. Je suis en détention préventive depuis 7 ans et mon dossier est oublié. On ne m’appelle pas », a déploré Dorothé Sossa. Ci-dessous, des extraits de ses propos.
«L’article 114 de la Constitution dispose que: la Cour constitutionnelle est la plus Haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. De toutes les compétences de la Cour constitutionnelle ainsi énoncées, il y en a une pour laquelle l’intervention de celle-ci croise celle du juge de la légalité: la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publique. En effet, l’article 3 alinéa 3 de la loi fondamentale prévoit que toute loi ou tout extrait, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraire à ces dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels. Nos concitoyens ne se privent pas de se prévaloir de ce large accès à la Haute juridiction. Il y a des situations, des questions qui s’emparent du juge constitutionnel face au foisonnement des recours. Par exemple, est-il concevable que les droits fondamentaux soient invoqués à l’encontre d’un particulier? Nous le voyons couramment. Le citoyen non dépositaire d’un pouvoir public est-il débiteur des droits de l’homme? Je vous pose ces questions, Mesdames et Messieurs. Ne serait-il pas possible d’envisager que l’intervention du juge de la légalité précède celle du juge de la constitutionnalité chaque fois que le dossier l’autorise? C’est une question qui me hante. Je la partage avec vous. Aucune solution légale n’est-elle envisageable pour prévenir la garde à vue et la détention provisoire abusives? Est-ce que les prisonniers doivent rester là et toujours saisir la Cour constitutionnelle? On m’a oublié depuis 15 ans en prison sans jugement. Je suis en détention préventive depuis 7 ans et mon dossier est oublié. On ne m’appelle pas. Ne peut-on pas trouver d’autres solutions que de devoir saisir le juge constitutionnel ? Je partage ce questionnement avec vous. Avec notre dialogue avancé ce jour, nous pourrions me semble-t-il, générer la formation de jurisprudence compatible entre différentes juridictions, éviter les réponses inconciliables à une même question juridique, prévenir les conflits négatifs de compétences entre juridictions, faire converger l’interprétation des textes juridiques ».
Propos recueillis par Abdourhamane Touré