Le Bénin se fixe prioritairement comme ambitions d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici à 2030 à travers la restauration d’au moins 50% (soit 1,25 million ha) des terres dégradées et limiter à 5% (398 200 ha) la perte des terres non dégradées.
L’utilisation excessive des intrants agricoles chimiques contribue à la destruction des terres et à l’appauvrissement des producteurs agricoles au Benin. Avec l’appui du projet Biomasse électricité, 6334 ha de terres dégradées par l’utilisation abusive des engrais chimiques ont été restaurées dans les communes de Dassa, Savalou, Kalalé et Djougou à travers la promotion de l’agriculture biologique. Salifou Mora, producteur de soja à Bouca Worou dans la commune de Kakalé, père de 11 enfants, ne vit que la terre. Mais du jour au lendemain, il a vu ses rendements agricoles baisser et par ricochet ses revenus. L’appui reçu du projet Biomasse électricité à travers la fourniture en intrants bio (engrais, fongicides, pesticides organiques) et différentes formations lui ont permis de remonter progressivement la pente et d’augmenter sa capacité de production, qui est passée de 3 ha à 5 ha de soja avec un rendement moyen de 2500 kg. « Il y a de cela 10 ans, nos terres étaient très fertiles et nous ne connaissons même pas ce qu’est l’engrais. Mais au fil des ans, les rendements ont commencé par baisser jusqu’ à ce que les gens nous amènent les engrais et produits chimiques qui ont très bien marché. L’usage de ces produits pendant des années a appauvri nos sols induisant une baisse des rendements », se désole Salifou. La non-fertilité des sols a amené la plupart des producteurs comme Salifou à réduire les superficies emblavées en vue de limiter les pertes et de minimiser les dépenses. Par ailleurs, Salifou rencontrait des difficultés pour acheter les intrants agricoles faute de moyens financiers. Les champs étaient par moment abandonnés au regard du faible rendement des cultures. L’un des objectifs du Projet Biomasse électricité est la gestion durable des forêts et des terres dans les quatre (4) communes d’intervention dudit projet par l’amélioration des techniques agricoles. En 2022, 1763 petits producteurs agricoles ont été appuyés pour la gestion durable des terres. Ainsi, le projet a organisé des séances d’information et de sensibilisation de ces producteurs avec l’implication et l’appui des autorités communales, des services forestiers déconcentrés des communes. Il a mis à la disposition des producteurs : (i) des semences améliorées ; (ii) des fertilisants biologiques. En outre, il leur a apporté un appui-conseil, ainsi que l’encadrement nécessaires pour maîtriser les nouvelles techniques de semis et l’utilisation des produits biologiques. Le projet Biomasse électricité est appuyé par le gouvernement du Bénin, le Fonds pour l’environnement mondial (Fem) et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud). Il vise entre autres la promotion de la gestion durable des terres agricoles et des forêts, la réduction des émissions de gaz à Effet de serre (Ges) en créant un environnement juridique, réglementaire et commercial favorable et en renforçant des capacités institutionnelles, administratives et techniques pour promouvoir la production d’électricité par gazéification de la biomasse sèche.
Le Plan d’actions national sur la gestion durable des terres (Pan-Gdt 2018-2027) a pour objectif principal de promouvoir la gestion durable des terres et des paysages agro-forestiers à tous les niveaux d’utilisation des terres par la suppression des pratiques / technologies de dégradation dans une perspective de restauration.
Mode d’accès des femmes à la terre
De façon générale, les femmes ne sont pas propriétaires des terres qu’elles cultivent; elles détiennent des droits d’usufruits. Un droit d’usage limité sur la terre de leur mari, beau-père/père, frère ou d’autres membres masculins de la famille. Ce droit est généralement temporaire, précaire et peut leur être retiré à tout moment (en cas de très bons rendements, de révolte de la famille du mari, à la fin de la saison agricole, ou en cas de divorce ou de décès du mari, du père). Ainsi, les femmes n’ont pas toute la latitude pour mettre des plantes pérennes et arbustives sur les terres attribuées par leur mari, à l’exception d’Issalè où le mode de succession permet une équité entre les hommes et les femmes.
Cependant, le niveau d’insécurité foncière varie avec la situation de la femme. Dès qu’une femme a des enfants, ses droits fonciers sont beaucoup plus sécurisés. Dans quelques cas, il lui est même permis de planter des arbres, car lorsqu’elle sera âgée et trop faible pour cultiver, ses enfants prendront sa place, cultiveront son champ et ainsi s’occuperont de leur mère. Les veuves dans quelques cas et les divorcées dans quasiment tous les cas, par contre, rentrent dans leur village d’origine et se font allouer des terres par leur père ou leur(s) frère(s). Comme avec leur mari, il peut arriver que leur père ou leur frère leur enlève la terre pour diverses raisons. Dans d’autres cas, les femmes se sentent en meilleure sécurité dans leurs familles d’origine. La taille du champ de la femme varie entre 0,5 et 2 hectares. La faible superficie engendre des limites aux techniques de Gdt telles que la jachère, l’assolement des cultures, la mise en terre de semences occupant l’espace sans valeur nutritive comme le Mucuna. De plus, le champ de la femme ne constitue pas une priorité familiale. Il s’agit du champ secondaire du ménage. De ce fait, le champ de l’homme est prioritaire et constitue l’espace de travail de tous les membres actifs du ménage. C’est pourquoi la femme est obligée de travailler d’abord dans le champ du mari avant de s’occuper de son propre champ destiné souvent à la production de tomates, piments, légumes, maïs, niébé, arachide, etc. Toutes ces cultures rentrent cependant dans la consommation quotidienne des ménages.Il est fortement ressorti des entretiens dans toutes les localités que des terres surexploitées et par conséquent de fertilité inférieure sont principalement allouées aux femmes. Dans le département du Zou notamment à Wokou, les femmes occupent presque systématiquement les terres mises en jachère par les hommes.Étant données ces contraintes, les femmes sont obligées de cultiver des espèces améliorantes comme l’arachide, le soja, le niébé, etc. Les producteurs/trices justifient ces choix de cultures par deux raisons. Les hommes estiment que les cultures typiquement produites par les femmes, telles que l’arachide, le haricot, le soja, etc., peuvent se développer sur les sols pauvres. En plus, les hommes affirment que les femmes n’ont pas la force physique pour produire, par exemple, l’igname et qu’elles ne disposaient pas d’assez de moyens pour les cultures céréalières (par ex. maïs, sorgho) qui nécessitent beaucoup d’entretien et des moyens financiers pour acheter des engrais chimiques. Les femmes confirment en partie ce point de vue des hommes. Pourtant, elles estiment qu’elles pourraient bien produire toutes les cultures si elles en avaient les moyens; soit l’accès à la terre sécurisée, la formation, la main-d’œuvre, les intrants agricoles et le crédit de production.
Mieux gérer les terres
La mise en œuvre d’une gestion durable des terres appelle les orientations stratégiques suivantes : adopter le paradigme « éviter – réduire – restaurer » qui régit la gestion durable des terres (Gdt) et l’atteinte de la Ndt par l’identification et la suppression des pratiques et subventions existantes qui constituent de fait, des incitations à dégrader, l’amélioration des cadres politique, institutionnel, législatif et règlementaire existants en y intégrant des mécanismes et dispositifs d’incitation qui promeuvent le triptyque de la Gdt ; promouvoir à grande échelle des mesures de Gdt y compris à travers des mécanismes d’incitation et de mobilisation d’investissements provenant du secteur privé et de Ppp ; prendre en compte la Gdt dans les processus de planification et de mise en œuvre des actions du secteur agricole et le développement des pôles agricoles, renforcer les capacités en Gdt des acteurs du développement agricole, mettre en place un système de formation, d’information et de communication dynamique sur la Gdt et accessible à tous les acteurs impliqués y compris au niveau local.
Il s’agit également de : assurer l’adoption du paradigme « éviter – réduire – restaurer » qui régit la Gdt et l’atteinte de la Ndt par la suppression des pratiques existantes qui constituent de fait, des incitations à dégrader, et l’intégration de mécanismes de promotion de la Gdt ; renforcer le cadre institutionnel et réglementaire pour la mise en œuvre de la Gdt par l’amélioration des cadres politique, institutionnel, législatif et règlementaire existant en les mettant en conformité avec le paradigme de la Gdt ; mettre à l’échelle la mise en œuvre de la Gdt à travers la territorialisation de la hiérarchie des actions de la Ndt et le renforcement des capacités des gestionnaires et exploitants agricoles locaux y compris les paysans ; et mobiliser des ressources, y compris ceux du secteur privé et des Ppp pour le financement de la Gdt.
Sergino Lokossou