En inaugurant le monument aux dévoués, et en dévoilant, samedi 30 juillet 2022, à Cotonou, les statues Bio Guerra et Amazone, le président Patrice Talon a posé un acte historique majeur. Il a voulu, tirant leçons du passé, restaurer confiance, espérance et courage d’un peuple qui, 62 ans après son accession à la souveraineté internationale, n’est pas encore sorti de l’ornière du sous-développement.
« Comme il n’est jamais tard pour réparer et que chaque génération a le devoir d’apporter sa contribution à la construction de la maison commune, nous allons en cette année 2022 mettre un terme définitif à une aberration qui n’a que trop duré ». C’est l’une des phrases fortes prononcées le samedi 30 juillet 2O22 à Cotonou, par le chef de l’Etat, Patrice Talon, lors du dévoilement de l’obélisque qui trône désormais dans les Jardins de Mathieu. C’est un lieu de mémoire inauguré en hommage aux enfants du Bénin dévoués à la patrie. Car souligne-t-il, « pendant plus de 60 ans, les Chefs d’Etat du Bénin ont, tous les 1er août, à l’occasion de notre fête nationale commémorative de l’indépendance, déposé une gerbe au pied d’un monument dédié aux français et assimilés, morts pour la gloire de la France ». En réalité, ajoute Patrice Talon, « ces gerbes déposées par nos mains ont plutôt célébré et honoré nos bourreaux ». Il fallait donc corriger le tir. Sans fard, et sans excuses fallacieuses. « Nous sommes humains, nous sommes des hommes ; c’est persister dans l’erreur qui est une faute. Aujourd’hui, c’est réparé. Le monument aux morts français restera pour ceux qui ont servi la gloire de la France. Pour les nôtres, ce sera définitivement ici et en tout autre lieu que nous choisirons pour ériger tout monument à la gloire et à l’honneur des nôtres ». En effet, chronologiquement, le monument de Xwlacodji qui date à peu près de 1903, rappelle le président de la République, est dédié aux soldats déployés par « l’envahisseur pour soumettre nos ancêtres ». On peut alors dire que le Bénin revient de loin. Il sort à la fois de l’ignorance et de l’obscurantisme, et prend en même temps l’avantage sur l’histoire. Grâce à la vision de son 1er magistrat. L’objectif du chef de l’Etat, c’est donc à jamais, non de gommer ce pan de l’histoire nationale, mais de rétablir une mémoire et une dignité écornées. Du coup, les reliques immatérielles des héros du Bénin d’hier et d’aujourd’hui ont été transférées du monument aux morts de Xwlacodji au Jardin de Mathieu. Lors de la célébration de la fête nationale le 1er août, Patrice Talon est allé déposer une gerbe au pied de l’obélisque.
L’Amazone
La même ferveur et le même sursaut d’orgueil ont prévalu, samedi 30 juillet 2022, lors du dévoilement de la statue érigée en hommage aux femmes amazones du Dahomey. Pour Patrice Talon, cette statue symbolise au plus haut niveau la bravoure et l’honneur, qui relève de la légende ou du mythe sous d’autres cieux. Car, insiste-t-il, les amazones ont existé. Et ce « qu’il faut en retenir c’est le serment, la combativité et le sacrifice suprême dont ces femmes ont été capables pour défendre la patrie ». « Ce qui importe c’est que sur la terre du Bénin, les mots courage, bravoure, force, combativité et honneur ne sont pas exclusifs au genre masculin. Au Bénin, autant que les hommes, des femmes se sont distinguées par ces valeurs et ont brisé le mythe du sexe faible », ajoute-t-il. En hommage à ces amazones, cette statue sera désormais le symbole de la femme béninoise, celle d’aujourd’hui et celle de demain.
Une Nation forte et digne
Lors de l’inauguration de la statue de Bio Guéra, Jean-Michel Abimbola, ministre de la Culture et du tourisme, a pour sa part, rappelé l’ambition affichée par le gouvernement depuis son avènement, de rétablir dans « les consciences individuelles et collectives l’identité historique d’une Nation forte et d’un peuple brave ». Ainsi, la conception et la construction de la statue de Bio Guéra, offrent l’occasion de révéler au peuple béninois et au monde entier, « la charge symbolique de l’histoire de notre pays et l’épopée d’un illustre personnage qui incarne l’intégrité, la bravoure et l’héroïsme, toutes choses nécessaires à la construction d’une Nation forte et digne ». De son nom de prince Wasangari Gbaasi N’Guera, Bio Guéra était un cultivateur dévoué à son travail. Distingué en 1975 « héros national », sa résistance contre le colonisateur français qui, au terme de l’expédition militaire contre Béhanzin en 1894, avait voulu soumettre les peuples Wasangari, Peul et Baatonnu de l’ancien territoire du Baru-tem, est citée comme un acte de résilience exemplaire. « Bio Guera ne s’est pas fait prier pour faire partie des figures de la guerre de résistance des Baatombu à la pénétration française. Il est rentré dans l’histoire pour sa détermination à libérer les populations du Borgou, les Baatombu et les Boowo des privations de liberté, de l’impôt de capitation, de la conscription, du travail forcé et des exactions diverses dont elles étaient victimes sous l’administration coloniale. Justicier, préférant la mort à l’oppression coloniale, il nous laisse en héritage le sens du sacrifice de soi pour l’intérêt collectif », ajoute le ministre. En érigeant ce monument au rond-point de l’Aéroport international de Cotonou, le gouvernement entend offrir au visiteur l’un des symboles les plus expressifs de l’identité historique de notre pays.
Wilfrid Noubadan