L’inflexibilité de Patrice Talon sur la question des personnalités politiques détenues ou en exil met-elle en péril tous les espoirs de mise en liberté ou de retour au bercail de ces compatriotes ? De l’avis de beaucoup d’analystes, des pistes peuvent encore être explorées par l’opposition pour faire évoluer les choses dans ce dossier.
La rencontre entre le président Patrice Talon et la délégation du parti « Les démocrates », lundi 27 novembre 2023, a été l’occasion d’explorer différents sujets liés à la situation sociopolitique notamment la libération des prisonniers et le retour des exilés dits politiques. Si le Chef de l’Etat s’est dit favorable à la mise en liberté des jeunes impliqués dans les violences pré et post-électorales, il a par contre opposé une fin de non-recevoir à la demande de Boni Yayi et de la délégation qui l’a accompagné, d’accorder une grâce présidentielle aux personnalités impliquées dans les dossiers en cause, en l’occurrence Réckya Madougou et Frédéric Joël Aïvo. Ce refus plus ou moins catégorique du chef de l’Etat d’user des prérogatives que lui confère la Constitution béninoise pour dénouer la situation de ces compatriotes, est perçu aussi bien par les membres de la délégation que par une frange de la population, comme un échec de la rencontre. « C’était pour nous, comme un coup de massue, un coup de poignard dans les côtes», a confié le premier vice-président du parti « Les démocrates » au cours d’une conférence de presse après la rencontre. Si pour certains, l’inflexibilité du chef de l’Etat est symptomatique de la constance de sa position sur la question, d’autres par contre, ont du mal à appréhender les raisons de cette rigidité de Patrice Talon, après les multiples démarches entreprises pour parvenir à la mise en liberté des mis en cause et le retour des exilés dits politiques. Pour beaucoup d’observateurs, le dénouement de cette situation pourrait être fatal pour Patrice Talon aux élections générales de 2023. Les tenants de cette lecture y voient la clé de voûte des prochaines joutes électorales. « Les démocrates » ayant fait de la question de la libération des prisonniers une question de vie ou de mort, le refus de Patrice Talon de déférer sa clémence à ces compatriotes en conflit avec la justice, constitue un énième échec pour ce parti. Cependant, les carottes ne sont pas pour autant cuites de l’avis de nombre d’observateurs. Deux options s’offrent en effet pour l’opposition. La première est la loi portant suspension d’exécution de peine. Il s’agit d’une loi modificative du Code de procédure pénale. Le texte parle de suspension de peine ou de suspension de l’exécution de peine. Ce texte de loi ne donne pas au président de la république, le pouvoir de suspendre une peine privative de liberté, ni aucune autre peine d’ailleurs. La position du chef de l’Etat étant connue sur la question, cette piste pourrait être utilement explorée par l’opposition.
La loi d’amnistie, l’autre alternative
La proposition de loi spéciale portant amnistie et/ou abandon des poursuites judiciaires au profit de personnalités politiques pour des faits criminels est une autre alternative que le parti présidé par Boni Yayi qui en est d’ailleurs l’initiateur, peut explorer. Même si les chances d’aboutissement de cette proposition de loi paraissent minces, il n’est pas exclu que la proposition soit adoptée en plénière au regard de la sensibilité des uns et des autres sur ce dossier. Beaucoup de députés de la majorité parlementaire pourraient en effet reconsidérer leurs positions. « On fait la politique sur fond de diplomatie. Il faut parler avec les autres. Il faut travailler à obtenir un quorum. Nos collègues ont encore le temps de dialoguer », a laissé entendre un député de l’Union progressiste le renouveau.
Gabin Goubiyi