Pour le président Patrice Talon, la démocratie béninoise, telle que perçue et vécue au Bénin depuis 1990, nécessitait un pressant besoin de remodelage. Au travers de l’entretien qu’il a accordé au journal français Le Figaro en marge de la Rencontre des entrepreneurs de France (Ref), le chef de l’Etat béninois a développé son approche de la démocratie.
« La démocratie au Bénin a été longtemps une façade qui permet au pouvoir de passer de mains en mains, sans ambition ni programme de développement. Il faut préserver le modèle démocratique, sans le mettre au service des jouisseurs et des voyous. Je fais ce constat et j‘engage des réformes structurelles à tous les niveaux, avec une lutte implacable contre la corruption. En peu de temps, le pays a changé et les résultats sont visibles. Cela requiert de la poigne», a répondu, Patrice Talon qui s’adonnait à un exercice d’état des lieux et de justification de son appréhension de la démocratie. De l’argumentaire du chef de l’Etat, il se dégage que la démocratie a été confinée dans une approche parcellaire parce qu’ayant été réduite à un passage de pouvoir au fil des ans entre les mains de divers gouvernants sans ambition et sans réel programme de développement pour le pays. A son avènement au pouvoir en avril 2016, Patrice Talon s’est lancé pour défi de sortir de ce carcan, cette approche biaisée des choses pour arrimer le concept avec le développement. A l’en croire, la question du développement a quasiment été mise en veilleuse durant des décennies au regard de la mauvaise appréhension de la démocratie. Les gouvernants qui se sont succédé à la tête du Bénin depuis l’avènement du renouveau démocratique ont, selon l’actuel chef de l’Etat béninois, manqué de poigne, de courage et d’audace pour sortir de cette compréhension erronée de la démocratie. Du coup, de peur de heurter certaines sensibilités induites de cette démocratie qualifiée de « nescafé » à une certaine époque, la corruption et l’impunité ont été érigées en règle de conduite. A son accession au pouvoir, l’homme de la rupture a décidé de sortir la démocratie de cet engrenage au travers d’une série de réformes qui ont bousculé des intérêts. Le mérite de cette politique audacieuse est d’avoir permis de mettre résolument le pays sur les rails du développement et du progrès. Aujourd’hui, les lignes ont sensiblement bougé au niveau des indicateurs. Ce qui fait du Bénin une nation africaine parmi tant d’autres comme l’a su bien dire le chef de l’Etat lors de sa prise de parole à la Rencontre des entrepreneurs français (Ref) organisée par le Mouvement des entreprises de France (Medef).
L’usage excessif du droit de grève, l’autre tare de la démocratie
A la question du journaliste Renaud Girard sur l’encadrement du droit de grève que d’aucuns assimilent à un recul des libertés publiques et une négation de la démocratie, Patrice Talon, s’est voulu clair. « C’est le sujet difficile de la compréhension de l’expression démocratique dans un pays sous-développé. En France, les gilets jaunes ont été d’une certaine façon un moyen d’expression démocratique. Les Français ont beau avoir élu un Président, ils voulaient que chaque décision aille dans leur sens. C’est l’anarchie ! Mais ce n’est pas très grave quand le pays est construit, quand l’administration est forte et que les écoles existent. Mais un pays dans lequel tout doit être construit, il faut beaucoup de réglementations et de respect des règles. Il faut instaurer le sérieux et la discipline d’une manière durable. Exiger une expression démocratique similaire dans un pays construit et un pays en construction, est un leurre. Ce que vos ancêtres ont fait en France, pour rendre votre pays aussi riche, c’est travailler dur. C’est ce que les Béninois doivent faire maintenant. Et ils ont commencé ! », a déclaré le chef de l’Etat béninois. Pour Patrice Talon, l’exercice anarchique du droit de grève par les travailleurs est l’un des travers de la démocratie. Il s’agit là, d’une des perversions de la démocratie dans les pays sous-développés.
Gabin Goubiyi