Le président Patrice Talon a reçu en audience dans la matinée de ce mercredi 22 septembre 2012, son prédécesseur Thomas Boni Yayi, au Palais de La Marina. Une première rencontre entre les deux hommes depuis 05 ans partagés sur des questions de gouvernance dont les conséquences se sont fait ressentir aussi dans les relations avec les pays voisins. S’ils ont décidé de fumer le calumet de la paix, l’on peut estimer que les pays voisins peuvent renouer les relations avec le Bénin.
C’est un secret de polichinelle que les relations entre le Bénin et les pays voisins, notamment le Nigéria et le Togo, au plan diplomatique, ne sont plus visiblement cordiales, même si l’on tente de faire du saupoudrage. Au cœur de l’effritement de la bonne relation, l’ancien président de la République, Boni Yayi qui, après dix ans de règne, n’a pu se concéder une retraite politique. Il est devenu avec le président Soglo, opposant farouche, et subit logiquement les pics de la règle du jeu politique. A cela s’ajoute l’austérité de développement affichée, réalisée et continue, de Patrice Talon, qui ne donne pas accès au bordel politique, économique, et industriel programmé et planifié par des nationaux et étrangers. Ayant joui d’une manière ou d’une autre par le passé de l’humanisme outrancier de Boni Yayi, qui a sacrifié à plusieurs endroits les fondements de la destinée glorieuse du Bénin, ils ont pensé que le chantre de la rupture lui emboitera les pas. Dommage, il n’était pas au rendez-vous. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Dans la foulée, le Nigéria abuse de sa souveraineté, se permet le vilain luxe de fermer ses frontières d’avec le Bénin et d’autres pays, suite à une annonce faite le 20 août 2019. L’un des objectifs de cette action unilatérale à justification détournée, est de faire saigner le Bénin afin que la tension sociale fasse monter le mercure. Erreur! La résilience de l’économie béninoise était trop jalouse de son égo. Le pays a pu maîtriser le vent du dessèchement pensé et conçu et a traversé le désert même avec les manifestations de la covid-19. A travers les médias, le gouvernement d’Abuja s’est lancé dans une politique protectionniste. Sur les lèvres, Muhammadu Buhari reproche au Bénin la lassitude sur le corridor des deux pays d’enrayer le profond mal de la contrebande massive notamment de riz, dont le Nigeria est également un producteur. Victime des conséquences de la porosité des frontières, le patronat Nigérian aurait provoqué la réaction de Buhari, a-t-on appris. Tout cela n’est qu’un argument fallacieux digne d’une position simulée. Le fondement de ces malices déguisés en stratégie étatique est au plan politique et commercial.
Au-delà de l’argument protectionnisme
Au plan politique, il est utile de rappeler que dans l’histoire des relations entre le Bénin et le Nigeria, la cordialité dépend de l’affinité entre les présidents en exercice. De Mathieu Kérékou à Boni Yayi, la relation était intangible. Le plus gagnant pour l’heure, c’est Thomas Boni Yayi qui était proche d’Olusegun Obasanjo, au pouvoir entre 1999 et 2007. Mais le président Patrice Talon, ayant à cœur un bon développement, n’a pas voulu faire les choses dans les détails. Il s’engage sur sa propre capacité d’y parvenir et fonce tout droit. Une méthode qui ne rassure pas le Nigeria. En regardant dans le rétroviseur, l’on se souvient qu’en 2006, lorsque Boni Yayi s’est lancé dans la conquête du pouvoir, Obasanjo a été l’un de ses principaux parrains. Dans son accompagnement, il a aidé son filleul à découvrir les palais africains et le met en contact avec les barons commerciaux du Nigéria, Aliko Dangote, Kennedy Uzoka, le directeur général de United Bank for Africa (UBA). Cette facilité entre eux a demeuré jusqu’à aujourd’hui, car des invitations et des visites réciproques ne manquent guère.
Au plan commercial, du côté de Cotonou, dans le décryptage fait par les hommes d’affaires, il ressort premièrement que des chefs d’entreprise Nigérians se sont plaints des mesures prises par le pouvoir béninois. Selon ces derniers, leurs camions en transit sur le sol béninois sont frappés de surtaxe à la frontière. Deuxièmement, le géant homme d’affaires, Aliko Dangote, ayant racheté les parts de l’État nigérian au sein du groupe Lafarge, a souhaité vendre son ciment au Bénin. Le Président Talon lui exige des conditions et il est mécontent. Il s’inscrira alors sur la liste des personnes qui veulent à tout pris la tête de Patrice Talon.
La brouille avec le Togo
Entre Talon et Faure l’on ne peut jurer la main sur le cœur que le courant passe très bien. Mais les faits et gestes, les actions et réactions sont des repères indispensables. Pour comprendre le début de la crise souterraine, il faut se référer aux événements avant, pendant et après l’élection présidentielle de 2021. Tout part de la candidature de Reckya Madougou, Conseillère en communication du Président togolais, Faure Gnassingbé. Une protégée politique de Boni Yayi qui aurait bénéficié du soutien de certains pays de la sous -région dans le machiavélique plan de déstabilisation du pouvoir de Cotonou. Sans nommer, dans une interview accordée à France 24 et Rfi au lendemain de sa réélection, le Président Patrice Talon a condamné et déploré les faits. Quelques jours plus tard, c’est-à-dire le 30 avril 2021, dans la foulée de l’affaire Madougou, les forces de l’ordre ont intercepté, un véhicule immatriculation togolaise, émanant du Togo, avec des munitions. Un fait qui semble donner raison au Chef de l’Etat quand il pointait du doigt le soutien de certains pays voisins. Plus tôt, précisément le 06 mars, c’est la capture d’écran des messages de Reckya au Ministre Modeste Kérékou était déjà une preuve accablante de planification de l’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Somme toute, le Président Yayi qui avait refusé la main tendue de Patrice Talon entretemps, du retour d’un voyage discret, la semaine dernière, a compris que l’enjeu est de taille. Il saisit la balle au bond et se rend chez Patrice Talon. Au menu de cette rencontre, Yayi a plaidé pour la libération de ses soutiens dont Reckya Madougou et autres. Une bonne image qui sonne le glas de la reconsidération géopolitique de la relation du Togo et du Nigéria avec le Bénin. Les jours à venir édifieront.
Bienvenue Agbassagan