(Juriste et acteurs politiques apprécient la décision du chef de l’Etat)
Le président Patrice Talon n’est pas un adepte de l’hyper-présidentialisme nocif comme on le voit sous d’autres cieux. Il sait marquer un arrêt pour tirer au besoin les grands enseignements de sa gouvernance afin de mieux la restructurer pour l’adapter non seulement aux exigences des partis politiques soutenant ses actions mais aussi et surtout à celles du peuple béninois. Qu’est ce qui va fondamentalement changer avec les ministres conseillers ? Et à quand son effectivité ? Les partis politiques et les Béninois sont dans l’attente.
« Il y a eu quelques frustrations depuis ces deux mandats qui sont en cours, parce qu’il y a des fonctions qui ont été confiées à des gens qui n’ont pas du tout de chapeau politique, alors que ce ne sont pas eux qui ont œuvré à conquérir le pouvoir. Ce ne sont pas eux qui répondent devant l’opinion. Donc, quelqu’un met en œuvre une stratégie sans avoir le devoir de reddition de comptes devant le peuple. J’ai toujours pensé qu’il faut qu’on trouve un moyen de compenser un peu cela. C’est cela qui a été décidé récemment où nous avons dit qu’au-delà de l’action de certains ministres, même qui sont politiques, qui ont la tête dans le guidon au quotidien, qui sont tellement submergés, que parfois, ils n’ont pas le recul qu’il faut pour apprécier leur propre action par rapport aux attentes des populations, par rapport à la vision ou par rapport même à l’avenir. Donc, ce serait bien que les ministres soient doublés de personnalités de compétences, mais ayant un chapeau politique, des gens qui n’ont pas la tête dans le guidon et qui ont une vision holistique plus globale, ont une profondeur plus accrue que celui qui a la tête dans le guidon, pour accompagner, corriger et définir même avec celui-ci, ce qu’il faut faire ». Ce sont entre autres, les déterminants de la nomination des ministres conseillers fournis par le président Talon aux hommes des médias à la faveur sa conférence de presse tenue le jeudi 8 février 2024, pour exposer le bien-fondé de la nouvelle trouvaille. Il faut dire que le décret qui définit les prérogatives de ce collège de ministres conseillers leur donne le pouvoir de participer à l’élaboration des politiques sectorielles et d’en assurer le suivi sur le terrain. Le ministre conseiller contribue en outre à l’élaboration des discours politiques pour expliquer à la population certaines prises de position de l’exécutif.
Talon inspiré par les partis politiques soutenant ses actions
L’institution du poste de ministres conseillers à quelques encablures de la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel est très appréciée au sein de la majorité au pouvoir. Chose moins étonnante est que l’opposition dans son rôle de critique, y voit un aveu d’échec. « Il remarque que son programme qu’il exécute n’est pas souvent relayé par les hommes politiques. Nous même, nous lui avions fait les observations depuis pour dire la manière dont vous conduisez les politiques ne se sent pas au cœur de vos programmes qu’ils soutiennent. Il faut vous impliquer de telle manière qu’au moment où ça s’exécute, que nous puissions relayer sur le terrain », a confié le député Assan Seïbou à une radio de la place. « A sa prise de pouvoir, nous l’avons entendu dire « je ne ferai pas de la politique, je ferai le développement. » Et il s’était donc entouré des techniciens. Qu’est-ce qui n’a pas marché et à quelques années de son départ qu’il veuille bien avoir des ministres conseillers. N’a-t-il plus confiance en ses députés qu’aujourd’hui, on trouve qu’il faut aller chercher des ministres conseillers pour relayer ce qui se fait ? », a fait savoir le député Joël Godonou du parti Les Démocrates.
Au total, douze (12) postes de ministres conseillers ont été créés dans plusieurs secteurs d’intervention notamment les affaires économiques, les enseignements maternel, primaire et secondaire et la justice et des relations extérieures. Ils seront nommés sur proposition des partis politiques qui soutiennent l’action gouvernementale. Cette précision dans le décret n’est pas du goût de l’opposition qui considère que dans un acte créateur de droit, il faut s’abstenir de certains détails.
Rien de nouveau…
Selon plusieurs observateurs et lecteurs de l’actualité politique béninoise à l’instar du juriste Steve Kpoton, l’institution du poste de ministres conseillers n’est pas un fait nouveau au Bénin. Des régimes précédents ont connu des conseillers nommés à la Présidence avec des attributions similaires. « Dans le fond, c’est une pratique qu’on a déjà vu avec le président Kérékou et avec le président Yayi Boni. On a eu des conseillers au palais qui sont des répondants directs des ministres, c’est-à-dire quand vous avez le ministre des finances et de l’économie, vous avez un conseiller à l’économie, vous avez un conseiller aux affaires agricoles. En tout cas avec le président Kérékou, c’était bien formalisé. » Pour le juriste, il revient au chef de l’Etat de déterminer la période dans laquelle il rendra la chose effective, puisque c’est lui qui est élu par le peuple. Toutefois, le président Talon précise que «ce sont les partis politiques qui devront pourvoir à ces nominations-là parce que c’est l’action politique qu’on voudrait remettre au centre des choses pour déterminer, conduire, définir et faire le suivi de l’action exécutive». Les partis politiques n’ont-ils pas encore fait des propositions au chef de l’Etat ? A quand l’effectivité des ministres conseillers ? Autant de questions qui agitent les esprits depuis l’annonce de cette réforme.
Abdourhamane Touré (Coll)