Patrice Talon est impassible depuis le début de la campagne électorale. Ceci, en dépit de la floraison de partis soutenant ses actions et de l’entrée fracassante dans la danse de son prédécesseur, Boni Yayi, venu porter un coup de main au parti Les démocrates. Cette attitude de l’actuel chef de l’Etat, est symptomatique d’une certaine sagesse et d’un sens de maturité politique qui méritent de faire école.
Il n’est pas courant de voir un chef d’Etat en exercice afficher une neutralité et une sérénité semblables à celles dont fait montre Patrice Talon depuis le début de la campagne électorale. L’homme a disparu des radars et s’est retranché dans un rôle d’observateur malgré l’enjeu du challenge électoral en vue. De mémoire de béninois, c’est la première fois depuis feu Mathieu Kérékou dans les années 99 qu’on voit un président de la République végéter dans une pareille indifférence vis-à-vis de ses soutiens en pleine campagne. En effet, aux élections législatives du 28 mars 1995, on a vu le premier président de l’ère du renouveau démocratique Nicéphore Dieudonné Soglo, mouiller suffisamment le maillot pour la victoire de son parti la Renaissance du Bénin (Rb). Cette implication du président a permis au parti de sortir vainqueur desdites élections avec 21 députés. Après l’épisode Kérékou (1996-2006) à l’ère de qui l’implication du chef de l’Etat en exercice dans la campagne des élections législatives n’’était pas prononcée, la pratique est revenue sous le mandat de Boni Yayi. C’est ainsi que lors des trois élections législatives organisées sous son magistère, notammant en 2007, 2011 et 2015, l’on a pu noter une hyperactivité du prédécesseur de Patrice Talon sur le champ électoral au profit des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) dont il était le président d’honneur. La stratégie n’a pas manqué de payer puis qu’à l’issue de ces joutes électorales, le parti est sorti première force politique dans l’arène même si son hégémonie s’est érodée avec le temps en 2015. Ce qui lui a coûté la perte du perchoir au profit de la coalition de l’opposition. Tout comme ses prédécesseurs, Patrice Talon a de bonnes raisons de rentrer dans la danse pour garantir des chances de victoire aux partis soutenant ses actions qui se sont engagés dans la bataille électorale. Mieux, tout le monde connaît les partis favoris du chef de l’Etat en faveur desquels il lui est loisible de donner des consignes de vote. Mais le chantre de la Rupture a préféré se mettre au-dessus de la mêlée.
Une leçon à la classe politique
La relative indifférence de Patrice Talon vis-à-vis de la campagne électorale en dépit de l’enjeu des élections du dimanche prochain est une leçon pour la classe politique. Cette attitude quasiment inédite dans l’histoire des élections au Bénin traduit une certaine sagesse qui mérite de faire école. Si en 2019 et 2020, des détracteurs avaient justifié l’impassibilité du chef de l’Etat par le manque d’enjeu de ces élections, ce faisceau d’arguments est désormais battu en brèches au regard de la réalité actuelle où l’élection connait la participation de toutes les sensibilités politiques. Par son attitude qui est loin d’être une résignation ou une abdication, Patrice Talon, démontre à la classe politique, qu’on peut faire la politique autrement en s’abstenant de faire usage de sa qualité pour déséquilibrer le jeu politique.
Abdourhamane Touré