(« Je vais là-bas pour continuer ce que je faisais »)
Environ cinq mois après son départ de la tête de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin), Noël Chadaré engage une aventure politique au sein du parti Union progressiste le Renouveau. Une option diversement appréciée au sein de l’opinion mais que l’intéressé dit pleinement assumer. Dans une interview exclusive accordée à Le Matinal, la nouvelle recrue de l’Up le Renouveau évoque les motivations de sa décision qu’il inscrit dans la continuité de son combat syndical. Lire ses propos.
Le Matinal : Pourquoi ce glissement vers la politique quelques mois seulement après avoir passé la main à la tête de la Cosi ?
Noël Chadaré : Je suis citoyen après tout et depuis quelques mois, je n’ai plus de responsabilité au plan syndical. Du coup, je suis libre d’aller à x ou à y, d’aller dans telle direction ou telle autre. J’ai entendu des gens dire que c’est un peu trop vite, et qu’il faut attendre encore un peu, mais je me tourne les pouces. Je suis quelqu’un qui est engagé dans les combats, dans les luttes. Ce qui donne un sens à mon existence, moi, Noël Chadaré, c’est les luttes, c’est les défis à relever, c’est l’engagement pour relever les défis. Je ne vais pas rester là à me tourner les pouces, à m’accommoder de la tranquillité, du calme et tout. Moi, ça m’ennuie déjà, après cinq mois, je m’ennuie déjà. Donc, j’ai besoin de combats, de défis. C’est ça qui donnait sens à mon existence.
Pourquoi le choix de l’Union progressiste le Renouveau ?
Il faut bien choisir sur l’échiquier politique, un parti qui convient à mes aspirations, et ce parti, c’est l’Union progressiste le Renouveau, pour les raisons qui sont les suivantes. Je suis d’abord un enfant de famille défavorisée. Je viens d’un milieu défavorisé. Mon père est menuisier et ma mère, ménagère. Et je suis un enfant de Jonquet. J’ai vécu et grandi dans un milieu défavorisé où je connais les souffrances, les difficultés, les problèmes des familles qui ont du mal à assurer la survie quotidienne, le manger, la nourriture, l’écolage et autres. Donc, je connais bien tout cela. Par conséquent, si je veux faire la politique, je ne peux pas aller dans un parti qui est d’obédience libérale. En dehors de cela, il ne faudrait pas perdre de vue que j’ai été secrétaire général même si aujourd’hui, je suis secrétaire général honoraire. J’ai été quelqu’un qui s’est battu tout le temps pour la lutte contre l’injustice. Parler dans un parti qui est libéraliste, ce serait un paradoxe. Donc, légitimement, si je dois m’engager dans un parti politique, ce serait un parti de gauche. Et le parti le plus indiqué qui répond à ce critère aujourd’hui sur l’échiquier politique, c’est bien l’Up le Renouveau. Etant un secrétaire général syndical marqué de gauche, parce que luttant pour la justice sociale et la réduction des inégalités, je ne peux qu’aller dans un parti où je peux trouver de l’espace pour impacter les décisions, parce qu’il s’agit de quitter les revendications, la protestation, les luttes avec les armes que les syndicats ont, pour être proche du pouvoir de décision. En étant proche du pouvoir de décisions, on peut continuer d’impacter, de se battre pour les mêmes idéaux pour lesquels l’on s’est battu en tant que syndicaliste, c’est-à-dire la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’injustice sociale, la promotion de la justice distributive des biens de l’État, des richesses de l’État, etc. Donc, des éléments qui font qu’en étant proche du pouvoir de décisions, l’Up le Renouveau étant un parti, qui soutient le pouvoir actuel, je ne peux qu’y adhérer pour continuer mon action syndicale et ça il faut le retenir, mon action politique, mes futures actions politiques, s’inscrivent dans la continuité de l’action syndicale.
Vous avez tout même sous votre manteau de syndicaliste, vertement critiqué le pouvoir en place. Adhérer aujourd’hui à un parti qui défend et soutient ce pouvoir n’est-il pas paradoxal ?
Au regard de toutes les explications que je vous ai données, il n’y a pas de paradoxe. Il y a seulement que je vais là-bas pour continuer ce que je faisais. Même si j’ai critiqué, là, j’ai critiqué en tant que syndicaliste, dénoncé ce qui n’allait pas. C’était de mon droit. J’’étais dans mon rôle. Et je ne suis pas le premier syndicaliste à franchir ce cap. Il y a eu, dans l’histoire, d’illustres prédécesseurs qui ont critiqué et dénoncé, mais qui ont assumé des responsabilités politiques quand ils ont fini leur mandat syndical. Vous voyez par exemple le Président Lula, le président du Brésil, le président Cyril Ramaphosa de l’Afrique du Sud, c’était des syndicalistes qui se sont battus contre les pouvoirs qui étaient là. Mais ils sont passés en politique après. Même au Bénin, il y a des gens qui l’ont fait avant moi. Je peux citer par exemple mes ainés Guillaume Attingbé et Zachari Ibrahima qui ont même assumé des fonctions politiques après leur aventure syndicale. Je ne suis pas le premier et ne serais certainement pas le dernier. Donc je ne suis pas en train d’innover en la matière. Au moment où j’ai fini mon mandat, j’ai déposé le tablier et je me suis dit qu’il faudrait aller capitaliser toute l’expérience que j’ai acquise en tant que syndicaliste. Mais ceux qui critiquent mon choix auraient souhaité que j’aille où. Dans l’opposition ?
C’aurait été peut-être plus élégant ?
Pourquoi dois-je aller dans l’opposition ? Je ne suis pas un opposant en tant que syndicaliste. J’étais dans le syndicalisme, je n’étais pas dans l’opposition. Ceux qui sont opposants et qui mélangent la politique et le syndicalisme sont connus. Moi, je suis défenseur des travailleurs. Et les différents gouvernements que nous avons eus, que ce soit celui de Soglo, de Yayi, ou de Talon, ce sont des partenaires du dialogue social. Donc, on n’est pas opposants. Non, je ne suis pas opposant. Le syndicat n’est pas opposant au gouvernement.
En clair, votre adhésion à l’Up le Renouveau s’inscrit dans la continuité de votre engagement aux côtés du bas-peuple?
Mon action politique, ma venue en politique est guidée par mon combat pour la défense des intérêts, la lutte contre les injustices sociales, la réduction des inégalités sociales. Je pense que je suis toujours dans l’action publique et ma démarche s’inscrit dans la continuité de l’action syndicale. Je le fais pour les gens qui sont les plus pauvres, les défavorisés, ceux qui vivent mal, ceux qui sont démunis. C’est pour eux que je me suis battu dans mes luttes syndicales. C’est pour eux que je me suis battu tout le temps. C’est eux qui me rapprochent du pouvoir de décision.
Dans l’univers politique, vous n’aurez pas forcément les coudées franches pour dire ce que vous pensez, discipline de groupe oblige ?
Attendons de voir. J’en tirerai les conclusions. J’ai eu le soutien du gratin de l’Up le Renouveau. J’ai eu le soutien des grandes figures du parti qui étaient mobilisées et m’ont m’adoubé. Donc, je dois pouvoir avoir un mot à dire dans ce qui va se faire aussi. Bien entendu dans le respect de la discipline de groupe comme dans le monde syndical d’ailleurs. Je viens d’un milieu où il y a la même valeur. Dans le syndicat, il y a une discipline de groupe aussi. On parle là-bas de discipline syndicale. Ici, il y a la discipline partisane. Mais dans l’intérieur, vous pouvez émettre des idées qui n’avaient pas été perçues, bien comprises, mais qui peuvent faire mouche. C’est en cela que j’ai confiance.
Puisque vous êtes désormais dans l’univers politique, dites-nous comment entrevoyez-vous 2026 ?
C’est le parti qui décidera. C’est ça la discipline du parti. Le parti réfléchira et décidera en tenant compte du mode de désignation des candidats. On va faire le débat à l’interne et vous serez informé.
Propos recueillis par Gabin Goubiyi