Le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale était l’invité de l’émission 90 minutes pour convaincre de la Radio nationale le dimanche 10 mars 2024. Au menu des échanges, la modification du Code électoral intervenu dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 mars 2024 à l’Assemblée nationale. Sur l’accord de gouvernance qui est désormais établi pour le partage des sièges au cas où des partis n’arriveraient pas à atteindre le seuil des 20% fixé par la loi, Orden Alladatin soutient avec conviction que l’objectif poursuivi par le législateur est d’encourager le dialogue entre les partis politiques et de les amener à se tendre la main. Lire des extraits de l’émission.
Pourquoi les actuels députés tiennent à parrainer en 2026 ?
Orden Alladatin : Le chef de l’Etat a dit que pour la légitimité, il faut que ce soit les députés de 2026 qui parrainent les candidats. Et au-delà de lui, c’est l’esprit de la réforme du système partisan qu’on a apporté. Il se fait que dans la disposition des choses, il y a des biais qui ont été remarqués. Les députés actuels auraient bien voulu parrainer en 2026. Il y a différents avis sur la question. Certains estiment que c’est le député en fin de mandat qui doit parrainer parce que c’est lui qui a exercé ; et que le nouveau n’a pas eu le temps de prendre la plénitude de sa mission en main. Même parmi les députés démocrates, beaucoup ont soutenu cela. Dans un pareil cas, il faut trancher dans un sens comme dans l’autre et c’est ce qui a été fait. Donc, ce n’est pas que le parrainage nous intéresse particulièrement, mais chacun veut bien peser dans le destin du pays en disant que ce Monsieur (Patrice Talon) qui fait tant de prouesses pour notre pays, c’est moi qui vais parrainer.
Quid du parrainage corsé par le nouveau Code électoral ?
S’agissant des dispositions de l’article 132 nouveau du Code électoral qui stipulent que « nul ne peut être candidat aux fonctions de président de la République ou de vice-président de la République s’il n’est dûment parrainer par un nombre de députés et/ou de maires correspondant au moins à 15% de l’ensemble des députés et maires provenant au moins de 3/5ème des Circonscriptions électorales pour les élections législatives », elles sont liées aux autres dispositions du Code modifié mais un peu plus fort que ce qu’on avait. Ces derniers moments, les débats suscités par le parrainage sont grands et incitent à renforcer les grands partis politiques, à la fidélité dans les partis politiques, à ce que certains n’aient pas le libre loisir de désobéir à leur parti politique. Les questions de transhumance politique et autres, il faut bien les régler. On nous a toujours accuser de ne pas donner des réponses fortes à la question de la transhumance politique. Nous allons faire des essais pour voir ce que ça va donner et évaluer. Nous avons institué le parrainage, les critères de représentativité au niveau national pour les partis politiques mais cela n’a pas totalement mis fin à ce qu’on observe. Déjà, certains sont sortis pour dire que ces réformes ne vont pas survivre à leurs principaux auteurs. Dans ces conditions, on ne saurait laisser les choses comme telles. Le président de la République va passer la main et ce serait un échec pour le pays et un échec personnel pour lui si tout cela sombre et que demain c’est la cacophonie après au niveau du système partisan. Tout mécanisme qui permet de renforcer les partis politiques, de fidéliser les membres des partis politiques par rapport à leur engagement, aux choix faits, de fédérer leur énergie et intelligence en créant ce cadre de conquête de pouvoir, tout ce qu’on peut faire va dans ce sens, va pour le renforcement de la démocratie et de l’unité nationale ; il faut promouvoir cela.
Les 4 partis politiques disposant actuellement d’élus à savoir le Br, l’Up le renouveau, la Fcbe et Les démocrates sont-ils présents au moins dans les 3/5èmes des circonscriptions électorales et sont en mesure de parrainer de potentiels candidats en 2026 ?
Les 3/5èmes constituent un cumul de conditionnalités. Parmi les quatre partis cités, il y a la Fcbe qui déjà avec le Code de 2019, n’avait pas à lui seul la possibilité de parrainer. Ce n’est pas un fait nouveau. Je peux donc garantir que les 3 partis représentés au Parlement aujourd’hui, aucun d’eux n’est frappé par les critères qui ont été posés. On ne peut donc pas parler d’exclusion surtout pour des personnes qui estiment être les plus forts du pays, les plus populaires et représentent tout le peuple à la fois.
Un député ou maire ne peut parrainer qu’un candidat membre de son parti ou désigné par son parti sur la liste duquel il est élu. Les partis politiques deviennent-ils responsables des fiches de parrainage ?
C’est un acte responsable. On le laisse à la conscience militante de ceux qui doivent parrainer. Au-delà de cela, un peu d’encadrement pour que le militant ne puisse pas quitter le parti de la liste sur laquelle il a été présenté et élu pour se donner des libertés. Il est donc dit que pour parrainer, il faut rester dans le cadre du parti qui vous a positionné pour votre élection. En dehors de cela, si le parti désigne quelqu’un, vous pouvez le parrainer. Dans le cas d’un accord de gouvernance, vous serez autorisé à parrainer un militant ou un candidat désigné du parti ou aller parrainer quelqu’un d’un parti avec qui votre parti a un accord de gouvernance. Cela permet de fédérer les efforts pour asseoir le système partisan et décourage la transhumance.
Un moyen d’imposition de candidats ?
Nous avons des biais à corriger. Si cela ne se corrigeait pas, c’est à travers les dispositions de la loi qu’il faut le faire. Au lendemain de la Conférence nationale, il y a eu des critiques par rapport au choix opéré relativement au multipartisme intégral. Mon professeur, Robert Dossou, disait qu’il ne fallait pas y toucher. Il estimait qu’avec le temps, ça allait se discipliner quand les partis prendront leur envol, mais on n’a jamais eu de grands partis politiques. Quelques-uns se sont démarqués mais nous n’avons pas eu de partis politiques d’envergure nationale qui ont des représentativités dans toutes les dimensions de notre pays. A la fin de 2018, quand il fallait amorcer la réforme du système partisan, nous étions à 278 partis politiques pour ce petit pays. On ne peut pas gouverner un pays dans un paysage politique comme celui-là.
Pour le parrainage, comment s’assurer que le candidat du parti sera démocratiquement choisi ?
Cela participe de la dynamique interne des partis. Quant à mon parti politique, nous sommes un jeune parti créé en 2018. Il faut travailler à l’instauration de la démocratie interne dans les partis. Espérons simplement que les choix qui seront faits, seront acceptés par le plus grand nombre de militants.
Quid de la décision de la Cour constitutionnelle de 2021 (Dcc 21-232) où les sages avaient décidé que les élus maires ou députés étaient libres de parrainer qui ils veulent ?
Je n’ai pas envie de rentrer dans ces polémiques. Nous sommes dans un Etat de droit. Il y a des institutions chargées de veiller sur votre préoccupation. Mais quand on a institué le parrainage avec la première génération, ce n’était pas encadré. Aujourd’hui, le législateur a estimé qu’il faut un encadrement et c’est en fonction du cadre légal que le juge constitutionnel opine. Lorsque cette décision a été rendue, le cadre légal n’était pas le même que ce qu’on aura bientôt si cette loi adoptée récemment au Parlement arrivait à être promulguée.
Pourquoi le seuil des 20% dans les 24 Circonscriptions électorales pour que le parti soit éligible au partage des sièges de députés ?
L’objectif poursuivi, c’est de mettre les partis politiques au cœur de la gouvernance du développement du pays. On ne peut se mettre ensemble, fédérer les énergies et espérer conquérir le pouvoir d’Etat sans avoir une représentativité nationale. On fixe les critères en fonction des objectifs et après on évalue. Aux Etats-Unis par exemple, il n’est pas possible d’être président de la République si vous n’êtes pas Démocrate ou Républicain. Cet ordre des choses ne vient pas ex-nihilo. Cela tient des dispositions du cadre légal des Etats-Unis. En Afrique, c’est pareil dans certains pays anglophones comme le Ghana, le Nigéria et l’Afrique du Sud. La Conférence nationale en Afrique n’a pas réglé les questions de gouvernance et de développement. Il faut en prendre conscience en étant en démocratie pour ne pas courir le risque d’en sortir par la force.
Les article 81 et 153.1 de la Constitution ne parlent-ils pas plutôt de la fixation d’un minimum de suffrage au plan national pour être éligible à l’attribution des sièges ?
Nous sommes dans un Etat de droit. Les institutions assermentées verront en son temps de près ces questions. En ce qui concerne l’article 81, il demande de fixer les choses au plan national. Si vous fixez quelque chose par Circonscription électorale et qui est valable pour tous les départements, vous le fixez au plan national. Encore que les élections législatives ne se déroulent pas comme la Présidentielle avec une circonscription nationale. Ça se fait par circonscription législative. On a fixé un seuil par circonscription législative qui n’exclut aucune circonscription électorales.
Que va-t-il se passer au cas où des partis n’atteindraient pas le seuil des 20% ?
On sait que le seuil des 20% est un peu difficile à atteindre. Quand on prend mon parti l’Up Le renouveau par exemple, il y a une ou deux circonscriptions dans lesquelles nous avons des contreperformances jusqu’à l’heure où je vous parle. Cela fait un peu frémir mais il faut faire les choses pour l’avenir et non pour soi. L’accord de gouvernance instauré, encourage le dialogue entre partis. Il les amène à se tenir la main. Pour aller aux élections, ce n’est pas par coalition. Même si on est en accord et qu’un parti n’a pas les 10% initiaux, il ne sera pas utile aux coalisés. Si l’Up Le renouveau a par exemple de difficultés dans une région, et qu’il est en accord avec un parti, si ce dernier arrive à franchir le seuil de 10%, ce parti peut lui venir en aide s’il est fort dans cette circonscription où l’Up Le renouveau n’est pas forte. Pour ce faire, il faut déposer préalablement l’accord de gouvernance à la Céna. En l’absence d’un accord de gouvernance, un parti qui bute dans une circonscription électorale ou législative, tombe. Si tous les partis butent, l’élection est infructueuse, il faut la reprendre. Si l’élection est infructueuse, les mécanismes comme la Cour constitutionnelle sont là pour indiquer la voie à suivre.
Avec le schéma des dernières Législatives, si l’Up Le renouveau et le Br faisaient un accord, qu’adviendrait-il du parti Les démocrates ?
Dans le nouveau Code, personne n’est exclu. Nous avons 2 ans devant nous pour nous mettre au pas. Deux partis d’opposition ont actuellement d’élus. L’accord vise le dialogue. Il faut fédérer les énergies.
Source : Radio nationale