La justice de genre est réalisée lorsque femmes et hommes, filles et garçons jouissent de façon égale des droits humains, ont des responsabilités égales, et un accès égalitaire aux chances et opportunités de vie, ainsi qu’au pouvoir et aux ressources nécessaires pour contribuer à la société, qu’importe leur genre ou sexe. La justice de genre cherche à ce que tout le monde puisse être libéré de systèmes culturels et interpersonnels de privilège et d’oppression, de violences et de répressions basées sur le genre. Le rôle potentiellement transformationnel des leaders et individus religieux dans l’élimination des causes profondes des inégalités de genre, et pour s’exprimer contre l’injustice de genre, pointant le problème comme problème politique aussi bien que moral, n’est souvent pas apprécié à sa juste valeur. Même s’il faut admettre que les leaders religieux peuvent être partie du problème, ils peuvent et sont de plus en plus partie de la solution.
De l’avis de plusieurs experts rencontrés, il est bien établi et documenté que les groupes religieux à travers le monde sont efficaces dans la provision de services, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. Ce qui est bien moins reconnu, c’est qu’aux niveaux local, national, régional et mondial, les leaders religieux contribuent à la prise de décision, à l’élaboration de politiques, et au processus législatif. Malgré le défi posé par des voix religieuses régressives, des exemples à travers le monde montrent des leaders et groupes religieux plaidant activement et efficacement pour des résultats promouvant la justice de genre. Les structures politiques, économiques, religieuses, éducatives, culturelles, judiciaires et administratives peuvent créer et renforcer les inégalités entre les genres. Le plaidoyer pour le genre se comprend comme la remise en question et le changement de ces structures et systèmes qui privilégient un genre et en marginalisent un autre, via l’influence sur les politiques et les pratiques des puissants. Le plaidoyer, fondamentalement, est à propos de transformation et de justice. Les leaders religieux parlent avec une autorité et crédibilité morales uniques et représentent souvent un grand nombre de personnes. Aux niveaux communautaires et de la congrégation, où ils ont une présence permanente, mais également aux niveaux national et international, ils occupent des positions respectées ; ils sont écoutés. Ils ont de nombreuses opportunités d’enseigner et d’influencer leurs congrégations, que ce soit par leurs sermons ou leurs liens avec leurs communautés au sens large. Dépendamment des arrangements constitutionnels nationaux, ils peuvent avoir une influence politique formelle et informelle.
Barrières rencontrées par les leaders religieux
Selon Ruth Ekponzan, socio anthropologue, toutes les religions majeures sont divisées en divers groupes et sous-groupes qui ont des interprétations et opinions différentes. Il existe tout un set de leaders religieux avec tout un set de perspectives. A cause de cette complexité, il est difficile d’identifier des leaders religieux progressifs qui pourraient être disposés à plaider pour la justice de genre. Les leaders religieux bénéficient de hauts statuts dans leurs communautés. Ils sont regardés comme les dépositaires de la voix de Dieu et comme des modèles dans la société. Remettre en cause des narratifs religieux injustes peut être interprété comme une tentative de saper l’autorité des leaders religieux ou d’imposer une culture occidentale qui « pollue » ce qui est perçu comme la version authentique d’une religion définie. Cela peut être interprété comme une tentative de détruire la structure établie de la communauté. La présence purement symbolique des femmes, assure la spécialiste, met au défi la réalisation de justice de genre, et les institutions religieuses n’échappent pas à la règle. Par exemple, il se peut que des leaders religieux nomment des points focaux en charge du genre (individus responsables pour tout travail concernant le genre) ou établissent des bureaux en charge du genre, mais les leaders eux-mêmes ne s’engagent pas dans la lutte contre les injustices de genre. Dans ce cas, les points focaux et les bureaux en charge du genre ont un impact limité. De façon similaire, les leaders religieux peuvent déléguer le travail de lutte pour la justice de genre à des groupes de femmes, et perpétuent de cette façon la perception selon laquelle la justice de genre est « un problème de femmes ». Le discours des droits humains promouvant les droits des femmes et des filles a souvent été confronté à des discours religieux qui affirment la supériorité des hommes sur les femmes. Il est commun que le discours des droits humains et le discours religieux soient perçus comme distincts et incompatibles. Cependant, fait observer la socio anthropologue, les discours religieux peuvent, et font, la promotion des droits des femmes et de la justice de genre en se basant sur des interprétations progressives des textes sacrés. L’approche promue par les institutions religieuses, basée sur les valeurs, n’est pas incompatible avec une approche basée sur les droits. En raccordant foi et droits humains, les leaders religieux peuvent transformer les normes sociales et religieuses à travers leurs communautés et sociétés au sens large. Compte tenu de l’importance accordée aux droits des femmes au cours des dix dernières années.
Au Bénin, malgré certains progrès, la route vers l’égalité du genre est encore longue. Les femmes béninoises sont confrontées à des taux inquiétants de violence domestique et sexuelle, dont de nombreuses situations échappent aux signalements officiels. Les inégalités en matière d’accès à l’éducation et aux opportunités économiques persistent pour les femmes, et leur représentation dans les organes décisionnels demeure insuffisante.
Les leaders religieux, partie de la solution
L’autorité morale des leaders religieux et leur présence constante aux niveaux individuel, familial, communautaire, national, régional et international sont des facteurs importants. « Les leaders religieux ont un potentiel fort pour influencer les vies et comportement de ceux qui suivent leur religion et partagent leurs croyances. Lorsqu’ils s’expriment, leurs messages peuvent avoir un impact large et fort. Il y a deux aspects selon la spécialiste. D’abord, la capacité des leaders religieux à changer les attitudes et normes de leurs congrégations et communautés, ainsi que de leurs pairs; ensuite, leur capacité à parler au public, influençant les pratiques et politiques publiques. Cette influence peut être apportée de façons différentes. Sur la scène publique, les leaders religieux ont l’autorité religieuse et morale pour plaider pour la justice de genre s’ils décident de le faire. Ils peuvent également avoir un rôle à jouer en tenant les autorités responsables pour l’existence, la pertinence et l’efficacité de mesures prises pour mettre en œuvre des lois, des politiques et des conventions internationales. Ils peuvent remettre en question les abus de pouvoir des autorités, et cela peut comprendre prendre position publiquement à l’encontre de l’injustice de genre, où qu’ils la voient. Dans certains contextes, les leaders religieux progressifs doivent potentiellement d’abord remettre en question les points de vue régressifs de leurs pairs, afin d’affirmer et d’accompagner les efforts de l’Etat vers la justice de genre. Dans d’autres contextes, ils doivent diriger leurs plaidoyers pour la justice de genre vers les autorités gouvernementales et législatives, et ce malgré parfois l’opposition de leurs pairs moins progressifs. Des exemples positifs suivants montrent à quel point les leaders religieux peuvent être efficaces pour remettre en question l’injustice de genre et réaliser des changements positifs pour les femmes et les filles dans des contextes différents.
Recommandations
La justice de genre est réalisée lorsque femmes et hommes, filles et garçons, jouissent de façon égale des droits humains, ont des responsabilités, chances et opportunités de vie égales, et un accès égalitaire au pouvoir et aux ressources nécessaires pour déterminer leurs propres vies et contribuer à la société, quel que soit leur genre ou sexe. Le potentiel des leaders religieux, leurs responsabilités, et les opportunités qui permettent des transformations positives vers la justice de genre n’est plus à démontrer. Certaines mesures sont requises, afin d’accélérer et d’étendre le processus de justice de genre. Il s’agit selon la socio anthropologue de réexaminer les textes sacrés pour remettre en question les narratifs oppressifs, étudier et partager le potentiel de la religion pour libérer femmes et filles, hommes et garçons des stéréotypes de genre nuisibles et de l’injustice de genre, le plaidoyer des leaders religieux, hommes et femmes, à tous niveaux dans leurs congrégations, communautés, sociétés, et internationalement pour tenir les décideurs et les législateurs responsables et pour promouvoir et défendre la justice de genre, amplifier la collaboration et la coopération entre leaders religieux, y compris ceux de religions différentes, pour se soutenir, s’informer, et s’encourager l’un l’autre, pour agir et parler ensemble, avec une voix, pour remettre en question l’injustice de genre partout où elle se trouve. Les gouvernants et les acteurs de développement doivent impliquer les leaders religieux et soutenir leur potentiel à devenir des acteurs clés dans les efforts de réalisation de la justice de genre.
Sergino Lokossou