La reddition de comptes reste, quoiqu’on dise, un exercice sacré sous le régime Talon. Si depuis son avènement au pouvoir, il a fait l’option de ne pas en faire un exercice à relent populiste, la reddition de comptes se fait à l’ère du Nouveau départ, avec toute la méthode et la dextérité qui sied, même s’il n’est pas fréquent.
Qu’on l’appelle tournée d’explication ou de reddition de comptes, l’exercice auquel s’adonnent les ministres, députés, cadres à divers niveaux du pouvoir en place depuis quelques jours est à saluer pour tout régime qui se veut cohérent et conséquent vis-à-vis du peuple. Au-delà des intentions malveillantes prêtées à cette tournée, l’exercice a le mérite de permettre au bas peuple, d’appréhender les vraies actions du régime et la philosophie qui sous-tend les décisions prises au sommet de l’Etat. Pour Patrice Talon, rendre comptes de sa gestion reste un exercice capital, voire sacré. Quoiqu’aucune disposition juridique ne l’impose au chef de l’Etat outre la fenêtre du message annuel sur l’état de la nation, la reddition de compte ne saurait être un exercice secondaire, laissé à la discrétion ou au bon vouloir du chef de l’Etat. La présidence de la République est avant tout une fonction à laquelle l’on accède sur la base d’une offre politique et donc d’un projet de société proposé aux populations. C’est donc tout à fait normal et bienséant que celui qui a réussi à se faire élire sur la base de la confiance conférée à son projet de société par les populations, aille vers ces dernières pour leur faire le point de ce qui a été fait. Toute autre interprétation apparaît de ce point de vue subjective et impertinente. Sur la question, Patrice Talon s’est voulu clair. Pour lui, l’exercice se doit d’être formalisé, constitutionnalisé. Lors de la tournée nationale de reddition de comptes qu’il a effectuée entre novembre 2020 et janvier 2021, le chef de l’Etat, a levé un coin de voile sur sa volonté de constitutionnaliser la reddition de comptes. « C’est vrai que notre Constitution prescrit que le président de la République rend compte devant la représentation nationale, c’est-à-dire le Parlement qui vous représente, de l’état de notre nation. Mais je constate depuis que j’ai commencé la tournée que notre Constitution aurait dû prescrire qu’en dehors de ce compte rendu solennel devant le Parlement, le président de la République aille sur le terrain rencontrer nos concitoyens face-à-face pour leur rendre compte de son action, pour leur rendre compte de l’exécution de la mission » a laissé entendre le chef de l’Etat en novembre 2020 face aux populations de N’Dali. A en croire Patrice Talon, cette exigence de reddition de compte, si elle était inscrite dans la constitution, ferait peser sur le président de la république, une obligation de bien faire et d’avoir constamment la tête dans le guidon pour le bonheur des masses laborieuses. « Si chaque président entrant en exercice sait qu’il doit aller devant chaque concitoyen rendre compte, je crois qu’il ferait mieux ce qu’il a à faire » s’est convaincu le Chef de l’Etat.
Un exercice redouté
Rendre compte de sa gestion n’est pas la chose la mieux partagée dans l’univers politique béninois. Outre le président de l’Assemblée nationale qui est astreint à cette obligation à l’ouverture de chaque session ordinaire du Parlement, ou encore le maire de la Commune à l’occasion des sessions communales, beaucoup d’élus ou d’acteurs politiques ne souscrivent pas à cet exercice. Le cas des députés est assez évocateur de cette défaillance. Et pourtant, l’exercice, loin d’être superfétatoire, est inscrit au rang des obligations du parlementaire. Malheureusement, le pouvoir sous nos cieux, est juste un univers où on préfère jouir des fruits sans daigner se souscrire à ses devoirs. Même les rares fois que certains élus se décident à rendre compte, c’est souvent pour remobiliser les militants, juste à des fins politiques. Certains élus, n’ayant pratiquement pas de bilan à défendre, se réfugient sous de fallacieux prétextes pour se débiner à l’exercice. Ce constat semble triste et attristant surtout quand son sait que les populations sont en proie à une kyrielle de problèmes de développement.
Gabin Goubiyi