La sécurité des cadres techniques des mairies en l’occurrence des Secrétaires exécutifs des Communes est devenue une question de plus en plus préoccupante. Les nombreuses démissions consécutives aux difficultés de cohabitation entre ces patrons de l’administration communale et les maires appellent à une refonte de la réforme dans le sens du renforcement de la sécurité de leurs fonctions. Cela y va de la réussite de la réforme et de l’atteinte de ses objectifs.
Alors que la page liée au sulfureux feuilleton de la démission de la Secrétaire exécutive de la Commune de Toucountouna vient à peine d’être tournée, la réforme structurelle du secteur de la décentralisation a encore fait parler d’elle avec le décès, jeudi 14 décembre 2023, de dame Marie-Rose Mèhinto Singbo, secrétaire exécutive de la mairie de Bantè. Quoique prématurée et tragique, cette disparition aurait été perçue comme une mort naturelle si courant du week-end écoulé, un audio prétendument attribué à l’illustre disparue de son vivant, n’avait embrasé la toile. Pour l’heure, l’authenticité de cet audio au contenu à la fois écœurant et révoltant, reste à être attestée. Mais cette mort remet sur le tapis la question de la sécurité des cadres techniques et administratifs déployés à la tête des Communes à la faveur de la réforme structurelle du secteur de la décentralisation qui a pris ses marques depuis le 1er avril 2022. Cette réforme ambitieuse vise spécifiquement à assurer l’efficacité du pilotage et de la gestion de l’administration communale, réduire les interférences politiques dans la gestion administrative et des ressources communales et enfin donner plus de visibilité aux actions publiques de développement dans les Communes. En effet, du diagnostic fait par les experts commis à cette réforme, il est apparu que la concentration des fonctions politiques et celles à caractère technique entre les mains du maire, a souvent plombé les ambitions de développement et déteint sur l’efficacité attendue des autorités communales. Mais c’est sans compter avec l’avidité et la perfidie de certains maires pour qui la tricherie, la rouerie politicienne et la prévarication sont des modes de gouvernance.
Difficile cohabitation entre maires et Se
Depuis que la réforme de la décentralisation est devenue opérationnelle au Bénin, plusieurs cadres techniques des Communes ont déjà été contraints de rendre le tablier, la plupart, à la suite des difficultés de cohabitation avec les maires. Le cas le plus illustratif en la matière est celui de la Se de Toucountouna. Dans sa lettre de démission rendue publique le 26 octobre 2023, Sidonie Houndonougbo a fait de troublantes révélations sur les menaces, intimidations, trafic d’influence et autres dont elle faisait l’objet de la part de l’autorité communale. De guerre lasse, elle a dû abandonner le poste pour préserver sa vie selon ses confidences. Le cas de la Secrétaire exécutive de Toucountouna révèle s’il en est, la vulnérabilité de ces cadres techniques déployés dans les Communes et de leur impuissance à faire face à la pègre que la réforme est censée combattre. Avant elle, c’était Marcel Loukpé, Se d’Abomey qui a rendu le tablier fin septembre 2023. Là également et selon les informations, l’ambiance au travail était devenue délétère entre le maire Antoine Djédou et lui. En cause, des actes (attestations de détention coutumière, convention de vente de terrain), pris par l’autorité communale, mais qui sont, en vertu des réformes entreprises par le gouvernement avec l’arrivée des Se, au sein des Communes d’une part, et au regard des textes sur la décentralisation d’autre part, de son ressort. Jocelyne Agbessi Djossou, première Se de Boukombé a également courant août 2022, laissé le confort douillet et les privilèges de la fonction pour raison de convenance personnelle. Un alibi avancé pour maquiller les réels motifs de la démission. Idem pour Ousmane Sanni Gamia des Aguégués, Soumaïla Pétroni Koda Issifou de Zè, Alidou Amos Asso de Pèrèrè, Prisca Homagnon Sokèhoun Gogan de Karimama et Modeste Nouléhoungbé Davi de Lalo qui ont aussitôt démissionné au lendemain de la réforme structurelle du secteur de la décentralisation. Les cas des Se de Cotonou, de Sèmè-Podji, ou de Houéyogbé, révoqués pour « des actes constitutifs de violation des règles de déontologie administrative, de l’orthodoxie financière, d’abus de pouvoir et/ou d’atteinte aux intérêts de la Commune » quand bien même ils ne sont pas à classer dans le même registre, constituent également des épreuves pour la réforme qui se doit d’être consolidée pour le bonheur des populations.
Les partis politiques interpellés
Les partis politiques qui ont réussi à lever des sièges lors des dernières élections communales au Bénin, ont une part de responsabilité dans les commérages et autres combines de certains maires contre la réforme structurelle de la décentralisation. La désignation du maire étant conférée aux partis politiques à la faveur de la loi n°2020-13 du 04 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral, ces derniers se retrouvent en partie, comptables de la gestion du maire dont le choix est malheureusement fait sur des critères subjectifs et politiques. Portés à la tête des Communes parfois sans mérite et sans ambition autre que celle de se mettre plein les poches, c’est donc tout naturellement que ces maires voient les secrétaires exécutifs et les autres cadres techniques comme des éléments perturbateurs et de véritables handicaps dans ses velléités de prévarication des ressources communales au détriment du développement de la Commune et de l’intérêt de ses administrés. Vivement que la copie soit revue.
Gabin Goubiyi