(Une fuite en avant préjudiciable à l’avenir du parti)
Quelques jours après sa rencontre avec le président Patrice Talon, Boni Yayi a rompu le silence dans une déclaration virulente contre le pouvoir en place. Mais ses propos contrastent fortement avec ceux de Renaud Agbodjo, candidat désigné du parti Les Démocrates, qui reconnaît, lui, la responsabilité interne de sa formation dans la disqualification de sa candidature. Un malaise profond s’installe au sein du parti d’opposition, révélant les divisions et l’isolement progressif de son président.
Dans une sortie médiatique le 29 octobre 2025, l’ancien président Boni Yayi a vivement accusé Patrice Talon d’avoir orchestré, selon lui, un « plan de déstabilisation » visant à faire disparaître le parti Les Démocrates (Ld) de la scène politique nationale. Il dénonce un système d’intimidation, de promesses financières et de menaces destiné à débaucher des cadres du parti au profit de la mouvance présidentielle. Poursuivant son réquisitoire, le leader des Démocrates affirme que le régime actuel « renonce progressivement à faire du Bénin un État de droit », violant la Constitution et les lois sur l’opposition. Il appelle à un dialogue national pour, dit-il, « sauver la démocratie béninoise » et invite ses partisans à la prière et à la foi. Mais derrière cette posture d’indignation, certains observateurs voient plutôt une fuite en avant. Boni Yayi refuse d’admettre les défaillances internes de son propre parti, largement pointées du doigt après la disqualification du candidat Renaud Agbodjo pour l’élection présidentielle du 12 avril 2026. L’ancien chef d’État semble vouloir rejeter sur le pouvoir en place des erreurs issues de sa propre gestion politique.
Le désaveu du candidat et le malaise interne
La veille, le 28 octobre, Me Renaud Agbodjo, candidat désigné des Démocrates, avait tenu un tout autre discours. Dans une déclaration empreinte de lucidité et de responsabilité, il a reconnu avoir été « victime de dysfonctionnements internes à son parti politique et d’adversités coupables ». S’il a salué la confiance placée en lui par Boni Yayi, il a aussi admis que ces dysfonctionnements ont directement conduit au rejet de sa candidature par la Céna. Une reconnaissance publique qui désavoue implicitement le président du parti, tout en révélant des tensions profondes entre les dirigeants. Me Agbodjo, tout comme plusieurs cadres dont Michel Sodjinou et un groupe de six députés frondeurs, pointe une gouvernance interne autoritaire et peu transparente. Ce contraste entre la posture victimaire de Boni Yayi et la lucidité de son candidat traduit une fracture politique au sein des Démocrates. Tandis que Yayi s’enferme dans une rhétorique d’accusation externe, plusieurs de ses proches plaident pour une autocritique et une réforme en profondeur du parti. En somme, la déclaration de Boni Yayi apparaît comme une tentative de repositionnement politique après un revers embarrassant. En rejetant toute responsabilité et en incriminant le pouvoir, l’ancien chef d’État s’isole davantage, fragilisant un parti déjà miné par les querelles internes et les départs en cascade. L’heure semble venue pour Les Démocrates de choisir entre la complaisance du déni et le courage de la réforme.
Gabin Goubiyi




















