Il aura tout fait pour obtenir la liberté provisoire du Professeur Frédéric Joël Aïvo à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Mais, sa qualité d’ancien bâtonnier, son expérience en plaidoirie et sa verve ne lui ont pas permis d’avoir gain de cause. Me Robert Dossou et ses pairs ont été tenus en respect. Et certainement, depuis le jeudi 05 août 2021, ils ont compris deux choses : la loi ne connait pas l’âge et l’ancienneté et, entre le magistrat (quoique jeune) et l’avocat, il y a une différence.
Autre temps, autre mœurs, dit-on. Pour celui qui a observé et suivi Me Robert Dossou depuis le début de cette affaire qui a conduit à la détention du constitutionnaliste Joël Aïvo, et loin de nous réjouir de son maintien en prison, c’est comme si les choses se font, contrairement à ce que la loi a prévu, et comme si les autorités judiciaires qui gèrent le dossier ne savent pas ce qu’elles font et où elles vont. Tout porte à croire que le Procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), Mario Mètonou, ne connaît pas la loi et qu’il invente des procédures jamais appliquées au Bénin ou carrément contraires à la législation béninoise. Pour nous, profanes du droit qui suivons le dossier de près, les interventions de l’ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin et les autres avocats laissent croire que le Procureur est parti sur du faux et finira certainement par se cogner la tête. Ils se sont attaqués à la procédure pour ensuite dire même que le mandat de dépôt n’était pas normal.
Face à la demande du Ministère public à la Cour de se déclarer incompétente et d’envoyer le dossier en instruction, la défense s’était déchainée : « …d’abord en déférant nos clients devant vous, il (le Procureur spécial, ndlr) s’est montré coupable de détournement de procédure afin de s’autoriser un mandat de dépôt, alors que dans une procédure de flagrant délit, la comparution devant votre juridiction devait avoir lieu au plus tard 72 heures après la présentation au procureur. Le mandat de dépôt était total illégal. Et ce que fait le Ministère public, c’est de vous demander de confirmer un mandat de dépôt illégal », démontrait Me Achille Dideh à la Cour le 15 juillet 2021. A la même occasion, il avait été appuyé par Me Robert Dossou en ces termes : « Mon confrère vient de vous rappeler le b.a.-ba de la procédure pénale. En droit pénal, les débats sont faits in rem, c’est-à-dire sur la base des faits. Et à Me Aboubacar Baparapé de renchérir : « tout ce qui est spécial est dangereux » avant de dénoncer une malice procédurale.
Ces propos relayés sur les réseaux sociaux nous faisaient croire qu’ils étaient dans la vérité. On avait oublié que ce sont des défenseurs qui n’ont reçu que pour mission de tout faire pour blanchir leur client, le Professeur.
C’est au rendez-vous du 05 août que nous avons tout compris. La Cour a accédé à la demande du Ministère public et rejeté les arguments de la défense. Le Procureur n’était donc pas dans du faux, pas en tout cas en ce qui concerne la procédure. Robert Dossou et ses confrères n’ont pu réussir à faire plaisir aux internautes et nous tous qui espérions la mise en liberté de Joël Aïvo. Nos espoirs ont été noyés.
Confusion totale
« La Cour a confirmé les mandats d’arrêt », a lâché Me Dossou aux journalistes à sa sortie d’audience avant de décrier la suite de la procédure. Il n’a plus dit si la justice est toujours dans le faux ou si c’est la défense qui a raté sa mission. L’avocat s’est juste permis quelques commentaires qui nous préparent d’ailleurs à la suite. Tout comme dans le premier cas, ses propos ont tendance à remettre en doute le crédit et la qualité, non seulement des juges mais aussi de la Justice elle-même : « J’ai coutume, pour ces genres de dossiers, de me poser une question et d’avoir une ligne de conduite. Je me pose la question : dans un tel dossier, est-ce un procès d’intention qui est fait ou un procès judiciaire et particulièrement pénal ? Eh bien, c’est à la manière dont le droit va être dit et la procédure va être suivie que nous allons répondre ; parce que le droit est une science. La mise en œuvre du droit requiert une technique et c’est la raison pour laquelle, avant d’occuper un poste d’acteur de la justice, juges, avocats, greffiers, huissiers on fait de longues études et on reçoit une formation technique. Les preuves pour dire tel est coupable ou n’est pas coupable, ces preuves obéissent à des règles. Et nous aviserons, avec l’instruction qui s’ouvre aujourd’hui… ». Une bonne lecture de ces propos de l’ancien bâtonnier permet de se rendre compte qu’il refuse son échec et nous prépare pour l’issue de cette affaire. La stratégie est de démontrer que dans ce dossier la justice n’aura jamais raison. C’est normal. Quel avocat dont le boulot est de défendre (le vrai ou le faux) acceptera aussi facilement qu’il a en charge un dossier qui se complique pour son client. Robert Dossou a insisté dans son interview que l’erreur est du côté de l’accusateur : « Les erreurs judiciaires ne sont pas pour les animaux. C’est pour des hommes, parce que l’homme est sujet à des erreurs. Maintenant il faut que l’homme ait l’humilité de reconnaître à un moment donné qu’il a commis une erreur.
Félicien Fangnon