(Les regards tournés vers le gouvernement)
Le renouvellement de l’actuelle mandature de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) ne se fera visiblement pas dans le délai prescrit par les textes régissant l’institution. Moins d’un mois avant la fin du mandat de l’équipe dirigée par le président Isidore Clément Capo-Chichi soit le 28 décembre 2023, le processus de renouvellement n’est encore lancé par le ministère de la Justice et de la législation. La raison, une réforme est annoncée avec la transmission au Parlement depuis le mercredi 5 octobre 2023, pour examen et vote, d’un projet de loi portant modification de la loi n° 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme en République du Bénin.

Que va-t-il se passer à la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) après le 28 décembre 2023, date de fin de mandat de l’équipe en place ? C’est la question que se posent les Béninois depuis quelques semaines où le processus de renouvellement des membres qui devrait être lancé par le ministère de la Justice et de la législation à travers un avis d’appel à candidatures au niveau des différentes entités composant la Cbdh n’est pas encore chose effective. A 20 jours de la fin de l’actuelle mandature, c’est le statu quo. Selon nos investigations, cette situation fait poindre une probable impasse relativement au renouvellement des membres de l’institution pour deux principales raisons. La première est liée au fait qu’une réforme est annoncée au niveau de l’institution avec la modification projetée de la loi n°2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme en République du Bénin pour se conformer aux engagements internationaux du Bénin. En effet, au cours de sa séance ordinaire du 5 octobre 2023, le gouvernement a adopté au titre des mesures normatives, le décret portant transmission à l’Assemblée nationale, pour examen et vote, le projet de loi portant modification de la loi n°2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme en République du Bénin. En raison de cette initiative, les entités représentées à la Commission ont dû surseoir au processus de désignation des leurs qui avait été enclenché ou qui était en passe de l’être. C’est le cas par exemple des professionnels des médias qui, par l’entremise de l’Assemblée spéciale des bureaux de l’Union des professionnels des médias du Bénin (Upmb) et du Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel (Cnpa), ont par un avis d’appel à candidatures, lancé la désignation du représentant des journalistes à la Cbdh pour la prochaine mandature. Malheureusement, le processus n’est pas allé à son terme car le Comité de sélection prescrit par l’article 4 du décret n°2014-315 du 06 mai 2014 portant modalités d’application de la loi n°2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) pour superviser la désignation des membres n’a pas pu être mis en place par l’Assemblée nationale. Le comble, l’avis d’appel à candidatures lancé par l’Assemblée spéciale des bureaux des deux Unions professionnelles des médias du Bénin a été attaquée devant la Cour constitutionnelle par le sieur Prosper Bodjrènou pour violation de la Constitution et de la loi n°2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Cbdh. Le dossier est actuellement pendant devant la Haute juridiction qui est appelée à se prononcer sur un vice de procédure s’agissant du lancement de l’avis d’appel à candidatures qui en principe doit être diffusé dans la presse par le ministre de la Justice et de la législation et non les Unions professionnelles comme ce fut le cas.
La bataille judiciaire entre commissaires, l’autre raison
Outre la réforme qui est annoncée à la Cbdh avec la modification de la loi n° 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme, la Commission béninoise ses droits de l’homme est minée par une crise interne entre les commissaires. Huit commissaires sur les 10 que compte l’institution ont annoncé le lundi 23 octobre 2023, avoir révoqué le président Isidore Clément Capo-Chichi « pour manquements graves aux textes fondamentaux de l’institution et ceux de la République Bénin ». Pour se départager, les camps ont saisi la Cour constitutionnelle et la justice. S’agissant de la Haute juridiction, elle a rendu une première décision sur les deux recours qui lui sont adressés par le président de la Cbdh. Dans son verdict en date du 30 novembre 2023, la Cour s’est déclarée incompétente statuant sur le premier recours daté du 9 octobre 2023 et fondé sur les articles 35 et 114 de la Constitution. Pour le second recours déposé le 3 novembre 2023 et qui porte sur la décision de révocation du président de la Cbdh, la Cour a renvoyé le dossier au 21 décembre prochain car les requis n’avaient pas encore déposé leurs observations. En l’état, la Haute juridiction n’a donc pas pu statuer. Quant à la justice, la procédure se poursuit devant le juge civil qui a rendu deux ordonnances qui sont toujours d’actualité et attaquées devant la Cour constitutionnelle par les commissaires Serge Prince Agbodjan et Emerico Adjovi. Le premier commissaire a saisi la Cour constitutionnelle contre Maître Pacôme Koundé et le président du Tribunal de première instance de première classe de Cotonou pour violation des articles 34, 35 de la Constitution et 27 du règlement intérieur de la Cbdh. Le second a introduit un recours contre les ordonnances n°301/2023 du 10 octobre 2023 et n°304/2023 du 25 octobre 2023 du président du Tpi de Cotonou. A noter que dans l’ordonnance n°304/2023, le président du Tpi a ordonné le sursis à l’exécution des délibérations issues de l’Assemblée générale du 23 octobre 2023 tenue par une partie des commissaires de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) jusqu’à ce qu’il soit statué sur les mérites desdites délibérations. Dans l’ordonnance n°301/2023, le président du Tpi de Cotonou a, par contre, suspendu l’Assemblée générale du 23 octobre 2023 des commissaires de la Cbdh jusqu’au prononcé de la décision de la Cour constitutionnelle sur le recours exercé par le président Isidore Clément Capo-Chichi et fondé sur l’article 35 de la Constitution. Le président Guillaume Laly fait défense à la vice-présidente ou tous autres commissaires à l’exception du président de la Commission d’avoir à convoquer une Assemblée générale de ladite institution et enjoint à la vice-présidente de suspendre toutes enquêtes contre le président Isidore Clément Capo-Chichi.

L’inévitable prorogation de l’actuelle mandature
Face à la situation qui prévaut à la Cbdh, la probabilité est forte que le mandat des commissaires soit prorogé. Pour l’instant, aucune décision n’a été prise dans ce sens par le gouvernement. Les uns et les autres seront sans doute fixés dans les jours à venir. La décision gouvernementale permettra d’une part, aux députés d’examiner et de voter le projet de loi portant modification de la loi n° 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des Droits de l’Homme en République du Bénin introduit à l’Assemblée nationale le 5 octobre 2023. D’autre part, le Tribunal et la Cour constitutionnelle vont profiter pour vider le dossier. Faut-il le souligner, les députés ont déjà procédé à la désignation de leurs deux représentants (à la Commission pour la prochaine mandature. Il s’agit de Sina Ouningui Bio Gounou pour le compte de l’Up Le renouveau et Sofiath Schanou pour le Bloc républicain.
Abdourhamane Touré