Un remous incompris a embrasé les différents médias ces derniers jours au Bénin, suite à l’annonce du report de la date de restitution des biens culturels du Dahomey, spoliés en 1892 par le général Alfred Dodds et son armée. Ces agitations qui cataloguent le Bénin d’infichu est une analyse à l’antipode de la réalité des choses. Au fond, le report permet de faire du Bénin, un carrefour des grandes expositions. C’est donc, la quête du succès mondial qui motive ladite décision.
En dehors des détails juridiques, rien ne bloque le retour des 26 œuvres d’art spoliés dans leur égrégore originel, le Bénin, en 2021. D’ailleurs, selon le Directeur du programme Musées, Alain Godonou, le Bénin a la possibilité de renoncer aux évènements, car tout est fin prêt pour réceptionner les œuvres. Le lieu pour abriter provisoirement ces œuvres est connu et tutoie déjà l’achèvement des travaux de réhabilitation. 30 septembre 2021 ou le 15 Novembre 2021 ; deux dates, une contractuelle et l’autre de délai de grâce pour la finition des travaux du Musée International de la Mémoire et de l’Esclavage, en plein chantier à Ouidah dans le sud du Bénin. Donc, les agitations autour du report annoncé ne sont que l’écho de la non-maitrise du calendrier, de l’aspect juridique et de la vison du gouvernement béninois. En effet, selon le calendrier dressé par la loi française qui fixe un délai d’un an, le Bénin sera juridiquement en possession des œuvres d’art pillées, au plus tard le 25 décembre 2021. Rappelons que le 17 décembre 2020, le ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a saisi l’Assemblée nationale française. Les députés français ont accouché la loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal qui comporte deux articles. L’article 1 dispose « par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L. 451-5 du Code du patrimoine, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, les vingt-six œuvres provenant d’Abomey conservées dans les collections nationales placées sous la garde du musée du quai Branly-Jacques Chirac, dont la liste figure en annexe à la présente loi, cessent de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour transférer ces œuvres à la République du Bénin. Quant à l’article 2, il précise « Par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises inscrit à l’article L.451-5 du Code du patrimoine, à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall conservé dans les collections nationales placées sous la garde du musée de l’Armée, dont la référence figure en annexe à la présente loi, cesse de faire partie de ces collections. L’autorité administrative dispose, à compter de la même date, d’un délai d’un an au plus pour transférer ce bien à la République du Sénégal. La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat. » Une disposition bien claire qui oblige le Bénin avoir un musée confortable pour les œuvres. Pour le musée, tout est fin prêt. Le fort portugais sera bientôt réceptionné sous l’égide du premier magistrat du pays, Patrice Talon.
L’idée derrière le report
Avant ce moment fort en émotions historiques, culturelles et cultuelles, les actes qui matérialiseront la possession seront signés dans la dernière semaine du mois d’octobre 2021 plus précisément entre le 26 et le 31 octobre. D’un côté, la France va prendre un décret de radiation de ces œuvres de son patrimoine culturel et le Bénin procédera à son tour à l’intégration. Tout cela avec la cosignature de l’acte de transfert de propriété. En conséquence, le retour juridique sera consacré dès la prise de ces actes. A partir de ce moment, la France n’aura que la garde matérielle et le Bénin la garde juridique. Même si ces œuvres peuvent faire en ce moment objet de de visite, source de revenu pour le pays, la France n’est qu’un détenteur précaire. Selon le droit, elle devient une personne qui a l’usage, la jouissance ou encore la disposition d’un bien. Autrement dit, elle détient le corpus. Cependant, elle est dans l’obligation légale de restituer les totems et sceptres dans un délai plus ou moins long au propriétaire qu’est le Bénin. Attendre 2022, c’est dans l’intention d’organiser des évènements d’envergure qui feront du Bénin, un carrefour de ces grandes expositions. C’est ce qui justifie d’ailleurs le lourd investissement dans la construction d’infrastructure muséale. « Le Bénin a en chantier quatre grands équipements. Il y a le Musée international de la mémoire et de l’esclavage à Ouidah, le Musée de l’épopée des amazones et des rois du Dahomey à Abomey, le Musée du Vodoun Orisha à Porto-Novo et la Galerie nationale pour les arts contemporains. Croyez-vous que quatre gros équipements de standing international, c’est pour 26 œuvres ? Il y a une politique derrière. Il y a une vision qui est derrière » explique Alain Godonou. Deux ans avant l‘apparition de la pandémie à Covid, il était prévu une exposition d’envergure internationale. Pour enrichir davantage l’évènement, le Bénin a fait le choix qui peut être revu à tout moment, de ramener les 26 œuvres sur la terre de leurs aïeux pour les faire découvrir lors de l’exposition d’art contemporain prévu pour début 2022. L’objectif visiblement est d’obtenir un succès mondial comme l’Egypte l’a eu pour le Toutankhamon. C’est une exposition qui a réuni une collection exceptionnelle de plus de 150 pièces du trésor de Toutankhamon et a battu des records de fréquentation dans l’Hexagone (1,42 million de visiteurs !). Selon les textes historiques, « Toutânkhamon, le trésor du pharaon » est une exposition itinérante présentée à Los Angeles (2018–2019), à Paris (2019) et à Londres (2019–2020) avant de se poursuivre éventuellement dans d’autres grandes métropoles mondiales. « Si vous écoutez bien tous les discours du président de la République à l’Unesco, il a bien parlé de la circulation. Même le président Macron à Ouagadougou a parlé de la circulation. Ça signifie qu’il faut mettre en place des équipements de standing international, une équipe qui travaille derrière et insérer les réseaux internationaux. Donc, c’est ce que nous faisons. Cette première exposition après restitution, nous souhaitons la faire pour faire comme on le dit dans un adage populaire de chez nous « c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle », justifie le directeur programme musée avant d’ajouter. « C’est une exposition d’art contemporain. Mais on a dit qu’il faut montrer les 26 œuvres dans le contexte de la création artistique nationale d’hier et d’aujourd’hui. Je peux vous dire en tant que témoin puisque je ne raconte pas du n’importe quoi, j’ai assisté aux réunions. C’était prévu il y a deux ans. Si tout le monde est honnête, ils vous le diront. » « Nous parlons des 26 œuvres, mais ce que nous souhaitons, si nous montrons tout ça avec les arts contemporains des béninois où certains compatriotes sont reconnus comme de grande figure, c’est aussi pour attirer chez nous, certaines expositions de la même importance en termes d’art ancien et contemporain. Nous voulons que le Bénin soit un carrefour d’exposition sur ces choses »-a-t-il déclaré.
Bienvenue Agbassagan