En déclinant les grandes lignes de son Programme d’actions pour le quinquennat 2021-2026 lors du conseil des ministres tenu, le mercredi 15 décembre dernier, le gouvernement a annoncé une revalorisation des salaires des travailleurs. Une annonce appréciée à sa juste valeur par Noël Chadaré et Anselme Amoussou, respectivement Secrétaire général de le Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin) et Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Sca-Bénin). Lire l’intégralité de leurs propos.
Anselme Amoussou, secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin):
« C’est heureux que cela vienne maintenant »
Le Matinal : Au cours de sa séance du mercredi 15 décembre 2021, le Conseil des ministres a annoncé une revalorisation des salaires des fonctionnaires dans son Programme d’actions 2021-2026. Quelles sont vos impressions à la suite de cette annonce ?
Anselme Amoussou : Les impressions sont plutôt bonnes. Nous avons toujours réclamé une augmentation de salaires et maintenant que le gouvernement lui-même décide de donner suite à cette revendication, je ne peux qu’être content de cette annonce surtout que le gouvernement a ajouté qu’il allait discuter avec les partenaires sociaux pour s’entendre sur les modalités d’application de la mesure. Ça fait une double satisfaction pour moi en tant qu’acteur social, en tant que syndicaliste. Parce que nous avons toujours voulu que le gouvernement discute avec nous sur les grandes décisions. Cela n’est même pas venu sous la pression, c’est le gouvernement lui-même qui a compris qu’il fallait le faire de cette façon-là. Cette démarche est à l’actif du gouvernement. J’espère que cela va se poursuivre. Donc, je suis doublement satisfait de l’annonce de l’augmentation du salaire et de l’engagement qui a été pris que tout cela se ferait dans une démarche inclusive de discussion avec les syndicats.
Est-ce pour convenir des modalités de mise en œuvre de cette décision que vous avez tenu une rencontre avec le ministre d’Etat, en charge de l’économie et des finances le jeudi 16 décembre dernier. Si oui, quelles sont les résolutions qui en sont issues ?
La dernière rencontre avec le ministre des Finances était fortuite et plutôt consacrée à d’autres questions. Nous avons besoin de préparer de façon technique cette séance car il ne s’agira pas simplement d’aller crier là-bas, d’aller faire le syndicaliste. Il s’agira plutôt de mettre dans nos délégations des personnes qui sont en mesure de discuter chiffres, de discuter milliards, de discuter budget parce que le gouvernement viendra certainement avec ses propositions et nous devons avoir des contre-propositions raisonnées, argumentées et ne pas nous contenter de dire que le peuple a faim, il faut augmenter le salaire de tel pourcentage. Nous avons besoin de convaincre notre interlocuteur notamment le gouvernement, de lui montrer que nous connaissons les chiffres, les réalités et que nous pouvons obtenir le minimum. Il faut que nous nous donnions les moyens de convaincre le gouvernement, d’aller vers ce que nous souhaitons. La balle commence donc à être un peu dans notre camp si nous ne voulons pas être surpris par l’appel du gouvernement, nous nous devons vraiment de rechercher les bonnes informations,de nous apprêter avec l’aide de ceux qui s’y connaissent, les économistes qui travaillent avec nous, les gens qui sont habitués au budget et de faire en sorte que nous soyons vraiment des interlocuteurs valables en face du gouvernement et de ses cadres techniques.
Doit-on espérer un relèvement de l’indice salarial et une augmentation du Smig ?
Ce que nous souhaitons, c’est une augmentation du salaire donc du point d’indice parce que vous savez qu’en réalité ce n’est pas de la mendicité. Ça s’impose aujourd’hui avec l’inflation galopante dans le pays, surtout depuis que la pandémie a commencé. Vous savez très bien que tout a explosé. Le transport a explosé,le prix du maïs, du riz, etc… Nous avons franchement besoin que l’on augmente le salaire. Il y a plusieurs manières d’augmenter un salaire. Nous espérons que le gouvernement ira dans le sens de l’augmentation du point d’indice. Cela permettra de toucher et travailleurs et pensionnés parce que les retraités également ont besoin d’être regardés par rapport à cette mesure sociale. Ensuite, vous avez parlé du Smig, oui il faut augmenter le Smig parce que ça fait également partie de nos revendications et pour ma part je voudrais suggérer humblement au gouvernement de ne pas attendre une rencontre avec les partenaires sociaux pour annoncer l’augmentation pour le Smig parce que ça c’est une urgence un peu plus importante que pour nous. C’est vrai que nous on peut se sentir un peu privilégié quand on regarde ceux qui sont payés aujourd’hui au Smig. Personne ne peut vivre aujourd’hui avec le Smig. Dans aucune région du Bénin aujourd’hui, il n’est pas possible de vivre avec 40000 Fcfa. Je pense que si le gouvernement peut rapidement annoncer la mesure concernant le Smig, ce serait très bon signal. Ce serait des milliers de personnes que l’on sauverait de cette indigence que nous rencontrons tous les jours dans les rues de Cotonou, à la bourse de travail qui viennent vers nous pour demander de l’assistance pour de petits cas de maladies, des besoins qui sont des besoins vitaux pour l’homme, surtout pour un homme qui se dit chef de famille, qui ne peut pas assurer le minimum, c’est un drame. Pour le Smig, je pense qu’il faut même le sortir de ce qui est programmé pour l’ensemble des travailleurs et des pensionnés et le traîter de façon exceptionnellement rapide, ce serait très bien pour tous. Je voudrais rajouter également que le gouvernement a besoin de regarder un peu l’inflation afin de voir dans quelle mesure on peut la contenir parce que l’inflation est exceptionnelle aujourd’hui au Bénin. Il est important que le gouvernement joue pleinement son rôle de régulation. Nous avons besoin de faire le contrôle des prix parce qu’il y a des commerçants, des entrepreneurs qui exagèrent et dans cette exagération, nous n’avons comme seul défenseur de citoyens et des consommateurs, le gouvernement qui peut taper du poing sur la table. Nous avons déjà vu faire ça à une certaine période de l’année avec la question du prix du maïs où le gouvernement a interdit l’exportation du maïs pour permettre de maîtriser le prix et ça a très bien fonctionné. Il faut maintenant étendre cette mesure de contrôle des prix à un certain nombre de denrées, des produits qui sont importants pour la consommation et qui grèvent dangereusement le budget des citoyens que nous sommes. Donc, si le gouvernement peut accompagner sa mesure d’augmentation de salaire d’un bon dispositif rigoureux de contrôle de prix, ça va être pour le bonheur des citoyens que nous sommes, des travailleurs que nous sommes.
Cette réforme suffit-elle pour apaiser les travailleurs qui estiment que le régime est resté indifférent à leurs maux depuis 6 ans ?
Dans aucun pays, un gouvernement n’apaise totalement les travailleurs à 100%, ça n’est une utopie. Nous savons tous très bien qu’il n’y aura jamais de satisfaction à 100% des revendications des travailleurs. C’est vrai que nous attendons depuis des années. Nous avons demandé à cor et à cri cette augmentation de salaire. C’est heureux que ça vienne maintenant. Et moi je suis particulièrement heureux parce que je me dis que le chef de l’État ne nous a pas habitués à annoncer des mesures démagogiques. Il s’est refusé depuis 6ans à prendre un engagement. Il a toujours dit ‘’attendez’’ et si cette fois-ci il fait une annonce, je suis donc persuadé que cette annonce sera suivie d’effets. Donc tant mieux pour nous, quelque chose a été fait et nous allons donc continuer de discuter , de négocier pour que les autres revendications puissent également connaître une fin heureuse. C’est tout ce que nous pouvons souhaiter mais nous ne pouvons pas continuer de dire que rien n’est fait, que c’est arrivé trop tard. Il n’est jamais trop tard pour récupérer une revendication qui vous est due, pour récupérer de l’argent sur votre salaire. J’ai rencontré l’ancien ministre Topanou qui nous a racontés que lui, il a fait deux études en France et qu’en France lorsque vous obtenez une augmentation de 1 euro sur votre salaire, vous applaudissez pour la simple raison que ça vous permet d’acheter du pain. Je ne dis pas que ce qui est fait, doit être considéré comme la fin de tout mais nous devons pouvoir reconnaître les efforts et encourager ceux qui font les efforts parce que depuis 6 ans que nous avons demandé l’augmentation et que nous ne l’avons pas obtenue, qu’avons-nous pu faire pour obliger le gouvernement à nous donner ça ? Aujourd’hui que c’est venu, il faut encourager le gouvernement à aller dans ce sens et aller surtout vite. Il faut que le gouvernement aille vite parce que pour l’instant, c’est une promesse, mais c’est une promesse qui a besoin d’être concrétisée assez rapidement. Je voudrais souhaiter que l’échéance soit pour le mois de janvier 2022 pour permettre à tous les travailleurs de souffler et de comprendre qu’effectivement, l’engagement qui a été pris du mandat hautement social, a commencé à se mettre en place.
Un mot pour conclure
Mon mot de fin serait de rappeler au chef de l’Etat, l’engagement qu’il avait pris de rencontrer les organisations syndicales avant la fin de l’année. Nous sommes dans le dernier mois de l’année et je voudrais profiter de vos pages pour demander au chef de l’Etat de regarder dans ses courriers, il verrait que nous avons déposé une demande d’audience en bonne et due forme pour lui rappeler cet engagement qui a été pris parce que nous pensons qu’en discutant avec lui, il y a certainement des choses que nous pouvons encore régler pour le bien des citoyens et des travailleurs.
Propos recueillis par Gabin Goubiyi