Le président Patrice Talon a-t-il profité du vernissage de l’exposition des trésors royaux restitués par la France pour se reconcilier avec son challenger au second tour de la Présidentielle de 2016, Lionel Zinsou, qui a honoré de sa présence la cérémonie ? Interrogé, le chef de l’Etat a rassuré que la page de cette élection est tournée depuis. Pour l’actuel locataire du Palais de La Marina, « Lionel Zinsou n’a jamais été son adversaire, autre que son compétiteur » car « il n’y a pas d’adversité durable en politique en dehors de la compétition ». Lire ci-dessous, des extraits de ses propos à la presse nationale et internationale le samedi 19 février 2022 à la Présidence de la République.
Est-ce qu’on peut dire que vous profitez de l’occasion pour vous réconcilier avec vos anciens adversaires politiques comme Lionel Zinsou que vous avez invité ?
Parce que je suis revenu de Paris avec lui hier (vendredi 18 février 2022 Ndlr). Nous avons été compétiteurs. Il a été candidat en 2016 tout comme moi aussi. Les élections sont passées depuis. Je n’ai plus d’adversaires depuis. J’ai eu d’autres adversaires en 2021. Les élections sont passées tout cela est derrière nous. Il n’y a pas d’adversité en politique durable en dehors de la compétition. Donc, Lionel Zinsou n’a jamais été mon adversaire, autre que mon compétiteur. On peut dire dans l’ensemble que j’ai gagné. Après, il n’est pas revenu lors des élections de 2021. Nous avons eu l’occasion de parler, de nous revoir. Vous savez, parfois aussi le temps adoucit les frustrations parce que l’échec est toujours dur. Je pense peut-être que l’occasion a fait le larron.
Monsieur le président ! Quelle est votre politique culturelle et comment est-ce que le Bénin va-t-il garder ces œuvres exposées pour les valoriser?
Notre politique culturelle c’est d’aller chercher et fouiller ici et là pour voir les oeuvres qui trainent. Il faut créer l’environnement d’émulation et d’intérêt des artistes. Vous savez, les artistes qui créent, beaucoup le font par inspiration pour leur propre bonheur, d’autres créent parce qu’ils vivent de cela. Les dirigeants des pays doivent œuvrer pour la promotion de toutes les valeurs qu’elles soient culturelles, industrielles, commerciales ou autres. Dans le domaine de la culture, nous allons mettre en place la politique culturelle du Bénin. Un peu comme nous l’avons fait dans le domaine agricole, même spirituel. Dans le domaine culturel, nous devons mettre en place une politique culturelle parce que quand vous parlez de valorisation des œuvres, pour moi, c’est d’abord la reconnaissance de leurs valeurs non seulement artistique, mais culturelle, mémorielle, patrimoniale, commerciale et économique. C’est tout cela qui constitue la valeur des œuvres. La politique de valorisation englobe toutes ces valeurs : tout ce que vous pouvez faire pour les valoriser aussi bien leur caractère intrinsèque, qu’artistique et économique.
Mais, il y a beaucoup d’œuvres anciennes au Bénin, qui n’ont pas été volées par les colons ?
Je vous ai dit que nous allons récupérer celles qui sont conservées d’une certaine manière ou d’une autre et voir comment les conserver dans l’avenir.
Pour le mettre dans les cinq musées cités ?
Ce serait où alors si ce n’est dans les 5 musées ?
Quelle est votre politique culturelle ?
Nous avons ce que nous appelons le retour des oeuvres, n’est-ce pas ? Toutes les questions qu’on nous pose à l’international, c’est de savoir quelle est notre stratégie de conservation ? Là-dessus, je vais donner notre engagement sur ce qui va se faire quant à la promotion de la culture béninoise de manière générale, parce qu’il ne faut pas confondre la conservation et la promotion de la culture en général qui sont deux choses différentes. Le musicien, le plasticien ou bien l’artisan ou même le cuisinier font de l’art. Donc, la promotion de la culture pour ses valeurs intrinsèques et économiques, on utilise beaucoup d’instruments pour le faire ; que ce soit physique, numérique, une politique d’excitation, une politique de sensibilisation,tout cela contribue à la promotion du secteur de la culture comme d’autres. C’est pour cela que je disais tout à l’heure, que si on parle de conservation, c’est autre chose, si on parle de la promotion de la culture en général, c’est également autre chose. Mais, évidemment, pour la promotion de la culture, il faut des infrastructures, des techniques de conservation pour que les œuvres traversent le temps. Je vous parlais également de notre Galerie nationale avec laquelle nous avons décidé d’animer, par un instrument public, le marché de l’art au Bénin, parce que le secteur privé n’est pas assez dynamique. Donc, nous utilisons un instrument public pour créer davantage un environnement d’échanges de tout ce qui est considéré comme art classique pour le moment. Donc, tout cela relève de notre politique de la promotion de l’art dans toutes ses dimensions.
Est-ce que pour vous, cette restitution marque une sorte de résilience, de réparation même symbolique par rapport à la période coloniale ?
Si vous nous avez souvent écoutés, je n’ai jamais parlé des blessures de la colonisation. L’histoire de l’humanité est ce qu’elle a été. On n’a aucun intérêt à s’accrocher à ce que nous avons pu être dans le passé et revendiquer aujourd’hui, une réparation. Non! Tous les peuples, diversement ont connu les avatars de la compétition entre les communautés humaines. Nous avons dit que nous avons besoin de ces œuvres-là, pour qu’elles restent au Bénin pour témoigner de notre histoire. En fait, ce n’est pas une réparation. Ces œuvres ont une utilité réelle pour nous, aujourd’hui et demain, parce que nous pensons que certaines d’entre elles ont davantage leur place ici que là-bas et d’autres vont rester là-bas. Donc, celles qui pour nous doivent être à Cotonou, à Porto-Novo, à Abomey, à Ouidah, Parakou et à Nikki, nous allons œuvrer pour qu’elles reviennent parce que nous pensons qu’ici, elles sont plus expressives. Elles vont davantage témoigner de quelque chose qui sera moins perceptible ailleurs. Alors, qu’ici ce sera plus perceptible. C’est pour cela que nous disons qu’on va les faire revenir ici. Autre chose, vous avez vu comment beaucoup sont venus le voir ici puis après, ils ont fait quelques pas pour descendre dans l’arène des œuvres contemporaines. Certains ont même oublié ce qu’ils ont vu, tellement ils ont été impressionnés par la grandeur, le génie des œuvres contemporaines. C’est aussi cela, la magie de l’action : trouver quelque chose qui a un intérêt certain, grand et l’utiliser aussi pour découvrir autre chose qui a un intérêt aussi grand mais divers.
Alors, monsieur le président !Vous avez le coup de génie de ces 26 œuvres. Quelle va être la suite aujourd’hui ?
Les 26 œuvres que les autorités françaises ont tous voulu nous restituer dans le cadre de la coopération sont certes le début d’une dynamique, mais, c’est déjà beaucoup en ce que c’est un tabou qui a été vaincu. Le reste sera aisé parce que ce n’est plus un sujet. Ce n’est plus une préoccupation de savoir si c’est possible ou pas. Nous avons fait l’essentiel. Certes, nous n’allons pas nous arrêter là, parce qu’il y a encore beaucoup d’autres qui sont le symbole de notre histoire, de notre identité et qui pour nous, devraient revenir ici compléter l’éventail de ce que notre histoire nous a laissé, comme traces pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous allons donc continuer de discuter, de concert avec les autorités françaises, pour que certaines d’entre elles reviennent pour venir compléter ce qui est à côté. Nous n’avons pas vocation à tout prendre, je l’ai dit hier (vendredi 18 février 2022 Ndlr), ce serait bien pour nous, que certaines restent dans les musées français, européens et du monde pour que les visiteurs qui n’auront pas l’occasion de venir au Bénin, découvrent aussi que le Bénin existe à travers nos œuvres dans les musées des autres pays. Le monde est ouvert, il faut être présent partout. Nous ne dirons pas que tout ce qui nous appartient doit rester au Bénin. Ce n’est pas dans notre intérêt. Mais, certaines qui ont une valeur emblématique, mémorielle et historique pour nous, qui doivent être visitées ici dans leur milieu naturel, nous ferons tout pour qu’elles reviennent pour compléter ce qui est là.
Monsieur le président ! Nous souhaiterions savoir où en sont les discussions avec les autorités françaises et quels sont les objets que vous êtes déterminés réellement à récupérer ?
Laissez-moi l’opportunité de vous faire la surprise le jour où nous les aurons comme nous l’avons fait pour les 26. Donc, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de dresser la liste exhaustive. Ce qui nous inspire, c’est sur cela que nous allons discuter. Ce ne serait pas non plus élégant de notre part de le faire, parce que les autorités françaises nous ont fait l’honneur d’aller plus vite que nous ne l’espérions. Nous allons continuer par discuter avec elles toujours dans un environnement de coopération. Il y a quelques-unes que j’ai citées à l’occasion de ma campagne. Si vous voulez que je les repète, ce serait avec plaisir.
Que prévoyez-concrètement pour préserver, conserver et valoriser les objets qui ne sont jamais partis du Bénin ?
C’est une colle ! Mais les œuvres qui sont de même rang, de même nature que celles qui sont parties et qu’on nous a restituées, ces œuvres sont bien conservées et nous avons décidé de mieux les conserver pour que le temps plus long qui reste à venir ne les altère pas parce qu’il y a encore des siècles devant nous. Si nos efforts de conservation jusque-là, ne peuvent pas nous rassurer du long temps à venir, nous allons faire d’ailleurs, ce que vous avez vu, nous donne bien la mesure de notre engagement, de notre volonté à faire les choses convenablement tout au moins en respectant les standards. Donc, nous allons œuvrer pour une bonne conservation de ce qui est resté, de ce qui est revenu et de ce qui reviendra. Malheureusement, il y a des œuvres qui ont disparu. On ne sait pas où elles sont. Est-ce que c’est au Bénin où dans le royaume qu’elles ont disparu ? Nous n’avons pas été les seuls à perdre certaines de nos œuvres anciennes. Mais, toujours est-il que nous avons décidé d’investir dans la conservation avec les meilleurs standards et vous verrez après Cotonou, ce que seront les musées de Ouidah et d’Abomey ainsi que les autres musées que nous programmons de construire dans le pays. Il y en aura cinq en tout et ce sera des standards qui laisseront tout le monde rêver de ce que le Bénin désormais sait faire.
Pour la valorisation, vous avez vu une bonne présence qui est le signe de ce que nous savons donner de la valeur à ces œuvres. Nous en parlons partout, elles sont arrivées. Dans la continuité de celles qui sont là et de celles qui viendront, nous en ferons des objets, de notre patrimoine, des biens culturels, artistiques, historiques qui seront pour le bonheur des visiteurs béninois et étrangers aujourd’hui, demain et après-demain.
Pour nous, la principale valeur qu’on attribue à ces œuvres est liée à être des témoins de ce que nous sommes en matière d’art, de création, de créativité, de talents artistiques et pour certaines, de ce que nous avons été dans notre histoire.
Quelles sont les initiatives que vous mettez en place en dehors de ces musées pour valoriser tous les objets ?
Mais, je viens de vous dire à l’instant qu’il y a des musées en construction. Il y a à Ouidah, à Abomey, à Porto-Novo. Nous avons le palais de Nikki qui sera réhabilité dont une partie servira de musée. Donc, c’est à travers ces infrastructures qui seront aux standards les plus recommandés pour leur conservation. Pour moi, cela ne serait suffisant pour que génération après génération, elles continuent de symboliser notre créativité.
Monsieur le président, un mot pour la fin.
Mais, je vous ai dit tout à l’heure que je vis une émotion de fierté et qu’il n’y a pas de mot pour exprimer ce que je ressens, pour témoigner une telle grandeur. On a vu l’expression du génie créateur de nos artistes d’aujourd’hui. C’est extraordinaire ! J’ai eu la chair de poule devant certaines œuvres. Je crois que je risque de venir ici tous les soirs pendant les trois mois de l’exposition pour contempler et découvrir détails après détails, la richesse de ces objets.
Propos recueillis pour « Le Matinal »
par Odi Aïtchédji