Il y a eu un peu du bruit ces derniers temps dans les couloirs des dinosaures politiques du Bénin. Un bruit qui n’est pas descendu vers la base mais a fait écho dans de grands réseaux. On a vu l’ancien président Boni Yayi très actif à travers des visites ; le président Houngbédji, à travers des déclarations et le président Bruno Amoussou, dans son calme habituel, sans vouloir donner une position publique sur l’actualité politique, notamment, la révision du Code électoral, le séjour carcéral de certaines personnalités politiques etc. Décryptage complet des vraies raisons des sorties de Yayi Boni, des cris de Houngbédji et du silence retentissant du « Renard de Djakotomey ».
Bruno Amoussou est trop silencieux. Et cela fait peur. Que pense-t-il du bruit et des revendications qui se font par les partis de l’opposition et des syndicalistes pour la révision du Code électoral et de la situation de certaines personnalités politiques condamnées à des peines d’emprisonnement ? A première vue, on a l’impression que plus rien ne l’intéresse encore dans la situation politique du pays. Des gens ont même tenté de tirer sa langue ou même de lui attribuer des propos pour l’obliger à parler. Pour preuves, la semaine dernière, des médias ont relayé une polémique née de la présentation d’un livre par l’Abbé Eric Aguénoumon au Chant d’Oiseau le samedi 14 juin. Sa singularité est qu’elle s’est développée autour de sujets qui n’ont jamais été abordés au cours de cet évènement et aussi de propos qui n’ont jamais été tenus. Peu à peu, l’opinion publique s’est rendue compte de la supercherie et continue de s’interroger sur les motivations de ses auteurs. Fort opportunément, certains d’entre eux ont dévoilé leur vraie intention en prononçant, dès à présent, l’exclusion du président Bruno Amoussou des personnes sur qui ils comptent pour organiser leur Bénin réconcilié après 2026. Il lui est reproché d’avoir démenti des propos qui lui ont été attribués mais qu’il n’a pas tenus et de ne pas faire de déclarations publiques sur la gouvernance de la Rupture. Cette prise de position révèle, qu’en s’en tenant strictement au livre du Père Aguénounon dans sa prise de parole, cette personnalité politique a déjoué, sans le savoir, un piège tendu par d’invisibles acteurs embusqués. Ceux-ci espéraient promouvoir leurs visées politiques par personne interposée. On comprend alors que, devant l’échec de la manœuvre, il leur ait fallu changer de stratégie et se démasquer en inventant des sujets et des propos qu’un reportage audiovisuel a démenti avec clarté. A cause de ces pratiques condamnables, on peut s’attendre à un renforcement de la méfiance et à des difficultés accrues pour l’organisation de dialogue dans l’avenir. Il ne faut donc pas les amplifier par les médias car cela éloigne davantage l’atteinte de l’objectif proclamé de conciliation et jette une forte suspicion sur la sincérité de ces proclamations. Pourtant, c’est à cela que l’on assiste jusqu’à présent.
Mauvaise stratégie
Il est vrai que les acteurs de cette stratégie souterraine en sont au stade de vœu en ce qui concerne la réconciliation dont ils parlent. Il devrait en être autrement à la date d’aujourd’hui, à moins que l’objectif réel soit juste d’alimenter un argumentaire de campagne électorale. L’urgence devrait être d’entreprendre des démarches, conduites dans des conditions qui facilitent des prises de décisions ou qui préparent l’avènement d’un consensus autour de choix importants pour notre pays. De toute évidence, il est suicidaire de vouloir demander à tous les acteurs d’emprunter le même couloir. S’il est vrai que des déclarations publiques peuvent aider à la conclusion d’accords et à faire connaitre ses opinions, il faut se garder d’en faire l’unique mode de négociation et de communication. Les plateaux de télévision et les vidéos sur la toile sont plus des lieux de diffusion d’informations que des cadres pour des négociations. Faire appel à des approches multiples et variées donne plus de chance de réussite à tout processus de conciliation d’opinions diverses. La Conférence nationale en est le meilleur exemple.
Yayi Boni : juge et partie ?
Le président Boni Yayi en a esquissé une à travers un projet de rassemblement des anciens présidents d’institutions de la République. On l’a vu faire le tour des anciens présidents d’Institutions ces derniers mois, dans le but, a-t-on appris, de leur présenter ses vœux du nouvel an. Plus tard, on a compris que c’était dans une logique de réunir les anciens présidents d’institutions pour tenter de faire entendre auprès de Patrice Talon, les revendications de l’opposition, des syndicats et autres. Initiative salutaire comme une voie à explorer. Mais, des sources bien renseignées, elle se serait heurtée au large éventail des positions politiques des intéressés. Alors que certains d’entre eux se positionnent comme des personnes ressources, d’autres sont encore acteurs de luttes pour la conquête du pouvoir d’Etat. L’exemple palpable est celui de Yayi Boni, initiateur de la démarche. Or, chacun sait qu’il n’est pas honnête de vouloir être juge et partie. Se réunir entre anciens présidents d’institutions de la République pour rechercher le consensus ne devrait pas être difficile. L’opposition, les syndicats et le président de la République ne résisteraient certainement pas à cette démarche. Mais une question reste sans réponse : quand il s’agira de s’adresser à l’opposition, quelle sera la posture ou la position de Yayi Boni, en même temps membre du groupe d’anciens présidents et président du plus grand parti de l’opposition et de plus chef de file de l’opposition ? De sa position actuelle, Yayi Boni est l’adversaire politique principal de Patrice Talon. C’est encore lui qui tente de démarcher ses pairs anciens présidents d’institutions afin de mener des démarches envers l’opposition dont lui-même est le chef, des syndicats (alliés circonstanciels de l’opposition) et le président de la République. Curieusement, de tous les anciens présidents d’institutions, Yayi Boni est le seul à être dans cette double-posture. Faut-il le sortir du lot pour faciliter les négociations ou bien il revoit sa position ? Pour rappel, les points objet de négociations portent le Code électoral, les situations de Réckya Madougou, Joel Aivo et autres.
Abdourhamane Touré