Depuis quelques jours, une réforme est annoncée au Bénin par l’Association nationale des promoteurs et exploitants de boulangeries et pâtisseries du Bénin (Anapeb) au niveau du prix du pain. La nouvelle fait grand bruit au sein de l’opinion qui craint une flambée du prix du pain. Anselme Aguêmon, président de l’Anapeb, livre dans un entretien exclusif accordé à la rédaction de Le Matinal, les tenants et les aboutissants de la réforme qui prendra effet dès le lundi 20 février 2023. Lire ses explications.
Le Matinal : Une réforme est annoncée au niveau de votre secteur. Beaucoup parlent d’une probable augmentation du prix du pain. De quoi s’agit-il concrètement et à quoi doivent s’attendre les consommateurs ?
Anselme Aguêmon : D’entrée, je vais vous dire qu’il ne s’agit pas d’une augmentation du prix du pain. C’est une organisation interne que nous faisons actuellement. Vous n’êtes pas sans savoir que la majorité des boulangeries ont fermé en raison du manque de rentabilité. On a sonné d’ailleurs l’alerte à cet effet sur les réseaux sociaux à maintes reprises. Tous ceux qui actuellement sont en train de produire du pain, roulent à perte. Pour arrêter la saignée, nous sommes allés en Conseil national le samedi 11 février dernier. A l’issue des travaux, nous avons retenu d’appliquer l’arrêté de 2008. D’aucuns pourraient légitimement se demander pourquoi c’est maintenant que nous voulons appliquer cet arrêté ? Sur la question, je pus vous expliquer que nous travaillons avec des intermédiaires et nous en avons deux. Il s’agit d’abord de nos amis qui font la distribution avec des motos et les bonnes dames. Après analyse de la situation, nous nous sommes dit que ces intermédiaires nous coûtent énormément. Nous y engloutissons près de 8 milliards de FCfa chaque année. Depuis deux ans, nous souffrons cruellement de la rentabilité de l’activité. De là, nous nous sommes dit que même si l’Etat est en train d’envisager des solutions par rapport au prix du pain, il va falloir que nous trouvions une solution palliative pour que tout le monde ne ferme pas avant l’intervention de l’Etat. Nous avons donc discuté au Conseil national et avons décidé d’appliquer rigoureusement les 112 FCfa retenus dans l’arrêté de 2008. L’application de ce prix va nous donner un peu de souffle et nous permettre de payer nos fournisseurs. Néanmoins, cette application va avoir quelques conséquences. Par exemple, la bonne dame qui auparavant gagnait entre 20 FCfa et 25 FCfa, va se retrouver à 13 FCfa de bénéfice. C’est juste ce qui pourrait gêner. Par ailleurs, la réforme va induire la disparition de l’un des intermédiaires. Nous nous sommes dit que nous n’allons pas trop nous occuper de ce que l’intermédiaire va gagner. Donc jusque-là, il n’y a pas encore d’augmentation du prix du pain. L’intermédiaire (la bonne dame) qui viendra à la boulangerie sera livré à 112 FCfa, quitte à elle d’aller revendre au consommateur à 125 Fcfa. Nous ne nous sommes pas souciés de l’intermédiaire qui porte les paniers. En effet, nous ne les avons pas considérés dans la mesure puisqu’ils ont gagné tout le temps sur nos unités de production qui sont en train de disparaître. Donc, nous avons décidé de mettre fin à leurs activités afin de voir clair dans la situation.
A suivre votre exposé, la mesure ne va pas impacter le consommateur final ?
La mesure ne doit aucunement impacter le consommateur final parce que nous ne pourrons passer outre la loi. C’est vrai que l’arrêté de 2008 date de 15 ans. Nous avons toujours fait le plaidoyer à l’endroit des décideurs afin que cet arrêté soit révisé puisque le coût des produits n’est plus le même. C’est vrai qu’il y a un comité qui est mis en place à cet effet. Nous en sommes membres. Nous espérons que quelque chose sera retenue d’ici peu en Conseil des ministres relativement au prix du pain. Par ailleurs, nous travaillons également au sein du comité afin que la qualité du pain change également. Tout cela sera entériné par le nouvel arrêté qui sera pris. En attendant, il faudra comprendre que nous sommes dans une dynamique sociale. En dépit des difficultés auxquelles nous faisons face, nous n’avons pas souhaité fermer nos unités au risque de priver le peuple de la consommation de ce produit de grande consommation. C’est juste une solution palliative.
La suppression de la catégorie d’intermédiaires annoncée ne va-t-elle pas créer un manque à gagner à vos unités ?
Je ne pense pas parce qu’originellement, ce sont les bonnes dames qui venaient à la boulangerie acheter le pain. Nous voulons juste revenir à cette formule. Il sera juste loisible aux bonnes dames de venir dans les boulangeries pour s’approvisionner ensuite les revendre librement. Je ne pense pas que cela puisse avoir des conséquences négatives sur nos unités. Au contraire, ce procédé va rentabiliser un tant soit peu notre activité parce que nous étions contraints, du fait de ces intermédiaires à livrer le pain à 90F. Or, nous sommes dans une dynamique qui consiste à vendre le pain au consommateur final à 125 FCfa. Si on maintient l’ancien procédé, on risque de faire disparaître toutes les entreprises. Ce que nous voulons éviter.
Quelles garanties avez-vous de ce que cette mesure ne va pas agir sur le prix d’achat du pain par le consommateur final ?
Nous avons pris des dispositions dans ce sens et pour compter du dimanche 19 février 2023 à 00 heure, toutes nos coordinations seront en état de veille pour qu’il n’y ait pas de tricherie par rapport au prix. Nous avons mis en place des mécanismes pour sensibiliser les bonnes dames pour qu’elles n’aillent pas vendre le pain à 150 FCfa ou à un prix différent de celui fixé par l’arrêté.
N’aurait-il pas été plus judicieux de bien sensibiliser avant la prise d’effet de cette mesure ?
La loi c’est la loi et elle s’impose à tous. C’est vrai qu’au début, cela pourrait flotter mais d’ici une semaine ou deux semaines, je pense que tout va rentrer dans l’ordre. Ce que vous dites pourrait être pertinent par rapport au mécanisme de distribution mais les dispositions ont été prises pour que les véhicules prennent rapidement le relai.
Quel sera l’avenir des anciens distributeurs ?
Déjà, je pus vous assurer que nous réglons un problème d’hygiène à travers la prise de cette mesure. Ce système de distribution causait en effet d’énormes problèmes que nous pensions régler avant que l’Etat ne vienne assainir ce volet. Par rapport à l’avenir des distributeurs, le problème ne se pose pas puisqu’ils font partie du personnel de nos unités.
Le ministère du Commerce a-t-il été associé à cette réforme ?
Nous ne faisons rien au mépris des textes. Notre décision ne va pas à l’antipode de l’arrêté. D’ailleurs, l’arrêté ne reconnait pas la catégorie d’intermédiaires que nous voulons supprimer. Il n’y aura donc aucun souci par rapport à la mise en œuvre de la réforme.
Votre mot de fin
Je tiens à rassurer la population que les dispositions que nous prenons vont dans leur intérêt. Elles visent à garantir une meilleure qualité du pain. Elle n’a donc qu’à accompagner ces réformes de façon à créer une synergie entre elle et nous. Nous ne pouvons pas continuer à rouler sur des dettes et voire nos entreprises mourir sans rien faire. Je leur demande de nous accompagner et n’a avoir aucune inquiétude par rapport au prix du pain qui leur sera cédé à 125 FCfa en attendant que l’Etat vienne statuer sur le prix du pain puisqu’un travail est en train d’être fait actuellement pour harmoniser les positions relativement au prix.
Propos recueillis par Gabin Goubiyi